PRINCIPES ET
JUSTIFICATIONS THÉORIQUES DE LA LIBERTÉ EN SOI Suite de l’article précédent
LES
RÉFÉRENCES PHILOSOPHIQUES,
LES
THEORICIENS DE L’OMBRE,
FREUD
Freud
qui ne se considère pas comme philosophe mais comme clinicien, se sert des
mêmes bases que Shopenhauer avec une séparation entre le monde conscient et l
"arrière-monde" de l'inconscient auquel il ajouta un monde
intermédiaire, la préconscience. Ce trialisme fut précisé en 1920 par un
nouveau système de pensée avec apparition de trois appellations nouvelles : le
ÇA, le SUR-MOI et le MOI.
Le
ÇA est le réservoir de toutes les pulsions qui nous anime, c'est la partie la
plus inconsciente de l'esprit humain, le réceptacle des désirs inavoués et
refoulés, le réservoir des instincts, la partie la plus obscure de notre
personnalité, c’est " une marmite
pleine d'émotions bouillonnantes"
qui vont tenter de passer les barrières pour remonter à la surface. Le ÇA ne
possède ni l'organisation ni volonté, il tend uniquement à satisfaire les
besoins pulsionnels en se conformant au principe de recherche immédiat du plaisir. Il est seulement régi par la libido
ou par l'agressivité. Le ÇA comporte non seulement les pulsions qui découlent
de sa vie personnelle mais aussi toute la mémoire pulsionnelle de l'humanité (meurtre
du père primitif, histoire d'Oedipe...).
Le
SUR-MOI comporte l'intériorisation de tous les interdits sociaux et parentaux,
il est à la limite de la conscience et de l'inconscience et se forme à
l'adolescence. Il fonctionne en tant que barrière et de censure aux pulsions
émanant du ÇA en les empêchant de remonter jusqu'à la sphère consciente.
Le
MOI est la partie de la personnalité qui assure les fonctions conscientes,
c'est un esclave qui doit assurer la médiation entre trois maîtres, le ÇA, le
SUR-MOI et le monde conscient. Il assure aussi la stabilité du sujet en
l'empêchant au quotidien de se libérer de ses pulsions ; néanmoins, il n'arrive
pas à tout contrôler car les pulsions peuvent remonter à la surface par le rêve
et par les névroses.
Pour
Freud comme pour Shopenhauer, la connaissance de "l'être en soi" est
impossible : l'homme est esclave de son ÇA, de ses pulsions et de ses instincts.
Pourtant, il existe une possibilité d'échapper à ces bouffées pulsionnelles que
le MOI ne peut contrôler grâce à la psychanalyse ; celle-ci comporte deux
étapes :
- créer une ambiance propice de calme et
d'écoute permettant d'amener à la conscience du sujet ce que le psychisme
refoule en lui,
- libérer en lui les psychoses en les
transférant du sujet au psychanalyste.
Ainsi,
Freud, tout comme Schopenhauer témoigne d’une vision particulièrement pessimiste
de l'être humain : pour lui, il n'y a aucune échappatoire au ÇA, l'homme
n'est ni libre ni même responsable des actes qu'il commet au nom des pulsions accédant
à la surface. Ces propos doivent cependant nuancés du fait que Freud n'est pas
un philosophe mais un clinicien sans cesse en contact avec des névroses
; c'est à partir de leurs exemples qu'il constitue ses théories ; selon moi,
elles sont valables pour ces malades mais elles ne s'appliquent pas à
l'ensemble des êtres humains. (1)
(1) Les vulgarisations des théories freudiennes, basées essentiellement sur le concept
d'inconscient inhérent à l'homme, expliquent les actes humains par des pulsions
incompressibles de cet inconscient auquel on se refuse soi-même l'accès.
Ces théories sont triplement
dangereuses du fait qu'elles sont mal comprises :
- elles cantonnent l'homme aux
faux-semblants du paraître et officialise
sa paresse puisque selon ces théories, on ne peut accéder à son être qui est largement
constitutif de l'inconscient,
- elles rendent impossible toute
liberté de l'homme puisqu'elles décrètent que l'homme est incapable d'accéder à
cet inconscient par la voie de la raison.
- elles donnent des explications
simplistes (peur de la castration, complexe d'Œdipe.. ) qui n'ont rien à voir
avec la majorité des gens.
- elles excusent tout puisque l'on
trouve toujours une justification dans l'inconscient de tout comportement
criminel.
Il suffit par exemple de constater la manière dont les procédures de justice
fonctionnent : la victime est en général laissée de côté et on s'intéresse
surtout à la psychologie de l'assassin en tentant de sonder son inconscient
pour trouver une explication à ses actes et donc pour lui trouver des
circonstances atténuantes. Dans la perspective du "connais-toi
toi-même", cette démarche est inutile et dangereuse comme le montrent les
récidives de nombreux criminels.