REMARQUE
. Tous les articles de ce blog ont été rédigés par moi-même sans emprunt littéral à d'autres auteurs, ils sont le fruit d'une documentation personnelle amassée au cours des ans et présentent ma propre vision des choses. Après tout, mon avis en vaut bien d'autres.
. Toutes les citations de mes articles proviennent de recherches sur les sites gratuits sur Internet



Mon blog étant difficilement trouvable par simple recherche sur internet, voici son adresse : jeanpierrefabricius.blogspot.com

mardi 29 octobre 2019

LA TAPISSERIE DE BAYEUX, témoignage de la vie et des mentalités au 11e siècle (23)

HISTOIRE CHRONOLOGIQUE DES ÉVÉNEMENTS DÉCRITS DANS LA TAPISSERIE DE BAYEUX

LES PRÉPARATIFS TECHNIQUES DE L’INVASION.

La décision prise par Guillaume d’envahir l’Angleterre amena le duc à faire construire immédiatement  une flotte d’invasion. 


Les broderies suivantes montrent toutes les phases de la construction des bateaux et des préparatifs de la flotte : 
     . A les bûcherons coupent les arbres au moyen d’une hache.
     . B les troncs sont entreposés entre deux branches d’arbres pour leur séchage. 
     . C : un menuisier façonne les planches au moyen d’une herminette ;  pour travailler, il a posé le bois sur un embranchement d’arbre.
     . D : les charpentiers montent la coque probablement  selon la technique du bordage à clins.

     . E : Une fois les coques terminées et alignées sur le rivage, elles sont tirées à l’eau par les hommes  au moyen de cordages et de poulies accrochées à des piliers (HIC TRAHUNT NAVES AD MARE : ici, les navires sont mis à la mer). Les paysans ont retiré leurs braies et entrent jambes nues et pieds nus dans l’eau. 


Ce travail est sûrement effectué par les gens du peuple par des réquisitions au titre des corvées. Leur costume comporte une tunique largement échancrée sur les côtés à partir de la taille, sans doute pour faciliter les mouvements, des braies montant jusqu’à la taille et des chausses. Quand ils tirent les bateaux, ils sont jambes nues. Ce costume est semblable à celui des nobles à une exception près : ces derniers portent, en effet, une cape tenue par une broche. 

Les scènes suivantes représentant la préparation technique de l’expédition, montrent le chargement des bateaux (ISTI PORTANT ARMAS AD NAVES ET HIC TRAHUNT CARRUM CUM VINO ET ARMIS, ici, ils portent les armes au navire et ils traînent un chariot avec du vin et des armes


Cette vignette décrit surtout les diverses armes utilisées par les combattants : 
   . Cottes de mailles (F) enfilées sur un bâton et portées par deux paysans (ou trois pour deux cottes de mailles), ces cottes de mailles protègent le torse et les deux avant-bras et s’arrêtent à mi-cuisse.
   . Casques coniques à nasal (G) portés par un des paysans et correspondant à la cotte de mailles.
   . Épées (H) courtes maniées à une main lors des combats rapprochés. 
   . Haches de guerre (J) à long manche également utilisées lors des combats rapprochés. 
   . Javelot et lances (K) servant lors des charges.

Outre les armes, on charge aussi les bateaux de vin, il est contenu soit dans des tonneaux (L), soit dans des outres (M). 

Les tonneaux de vin, les casques et les lances sont aussi transportés sur des chariots (N) que deux paysans traînent (O), ils sont représentés arc-boutés au moyen d’une sangle fixée à son timon. 

Toutes les tâches  sont effectuées par des paysans, également dans le cadre des  corvées dues, 

Ainsi, le chargement des navires ne comporte que du vin et des armes, à l’exception de l’homme (P) qui pourrait transporter un sac de nourriture, il ne semble pas que l’on emmène les approvisionnements nécessaires à  nourrir l’armée une fois en Angleterre. Cette situation est normale à cette époque puisque, sur les terres ennemies,  les troupes ont l’habitude de voler aux paysans tout ce dont ils ont besoin, la tapisserie de Bayeux le montrera plus avant dans l’histoire.

Prochain article : LES PRÉPARATIFS POLITIQUES DE L’INVASION. 

jeudi 24 octobre 2019

LA TAPISSERIE DE BAYEUX, témoignage de la vie et des mentalités au 11e siècle (22)

HISTOIRE CHRONOLOGIQUE DES ÉVÉNEMENTS DÉCRITS DANS LA TAPISSERIE DE BAYEUX


GUILLAUME PREND LA DÉCISION D’ENVAHIR L’ANGLETERRE.



La scène qui suit le couronnement d’Harold montre un bateau anglais débarquant en Normandie :
(HIC NAVIS ANGLICA VENIT IN TERRARA WILLEIMI DUCIS : ici un navire anglais vint sur les terres du duc Guillaume).

Le bateau est figuré au-dessus d’une forme convexe d’indentations courbes figurant les flots marins et représentant la Manche dans un aperçu saisissant. 

Il s’agit d’un petit navire comportant quatre marins ; l’un tient la rame gouvernail (A), un autre s’apprête à amener les voiles (B), le troisième sonde la profondeur (C) , le quatrième est descendu du bateau pour planter l’ancre (D). Le bateau comporte une tête de dragon au-dessus de la proue et de la poupe recourbée. Il paraît évident que le but de cette venue d’un navire anglais en Normandie, était de prévenir Guillaume des événements récemment survenus en Angleterre. .

Sitôt qu’il fut informé de ce qui s’était passé outre-Manche, Guillaume (4) convoqua son demi-frère Odon (6) alors évêque de Bayeux (Odon et Guillaume étaient nés de la même mère, Arlette de Falaise mais pas du même père). La tapisserie de Bayeux les représente dans le palais ducal. Ils sont entourés de deux messagers, Guillaume d’une main montre le personnage de gauche (E), sans doute est-ce celui qui vient de lui annoncer les événements survenus Outre-Manche, il semble dire à son frère : "voilà ce que l’on vient de m’apprendre, quel est ton conseil ?" Odon, assis sur un siège servant de coffre, lève le bras à la fois vers le ciel et vers les forêts ducales (représentées à sa gauche, voir article suivant) et semble lui répondre : "tu es en droit d’envahir l’Angleterre puisque Harold s’est parjuré du serment qu’il a fait devant toi, de ce fait Dieu cautionnera ton combat. Il faut construire une flotte."

Selon Guillaume de Poitiers, la décision d’envahir l’Angleterre fut  difficile à obtenir : « Le duc Guillaume, ayant tenu conseil avec les siens, résolut de venger son injure par les armes, et de ressaisir par la guerre l'héritage qu'on lui enlevait, quoique beaucoup de grands l'en dissuadassent par de spécieuses raisons, comme de chose trop difficile et bien au-dessus des forces de la Normandie. Nous voyons néanmoins que, dans toutes les délibérations, tous cédaient toujours à la sagesse du prince, comme si l'Esprit divin lui eût indiqué ce qu'il devait faire ou éviter. Dieu donne la sagesse à ceux qui se conduisent avec piété,… Guillaume depuis son enfance agissait pieusement. Tous obéirent au duc » : ce texte montre bien que des réticences apparurent, il est probable que Guillaume dût imposer son point de vue.

La tâche la plus urgente pour le duc et son frère était de construire une flotte permettant l’invasion de l’Angleterre. Ils envoient un messager (F) donner ses ordres (
 ( HIC WILLEIM DUX JUSSIT NAVES EDIFICARE, ici, le duc Guillaume ordonne que l’on construise des bateauxafin que le travail se fasse le plus rapidement possible. Le messager tient une hache à la main et s’apprête à quitter le palais.


Prochain article : LES PRÉPARATIFS DE L’INVASION.

dimanche 20 octobre 2019

LA TAPISSERIE DE BAYEUX, témoignage de la vie et des mentalités au 11e siècle (21)

HISTOIRE CHRONOLOGIQUE DES ÉVÉNEMENTS DÉCRITS DANS LA TAPISSERIE DE BAYEUX

L’ELECTION ET LE COURONNEMENT D’HAROLD

Les scènes suivantes sont, pour moi, les plus importantes de la tapisserie de Bayeux, ce sont celles qui permettent de comprendre les événements aboutissant à la bataille de Hastings et de mesurer les diverses interprétations possibles de l’avènement d’Harold.

Voici d’abord la version de Guillaume de Jumièges
« Tout à coup se répandit la nouvelle certaine que le pays d'Angleterre venait de perdre le roi Edouard, et qu'Hérald était orné de sa couronne. Ce cruel Anglais n'attendit pas que le peuple décidât sur l'élection; mais le jour même où fut enseveli cet excellent roi, quand toute la nation était dans les pleurs, ce traître s'empara du trône royal, aux applaudissements de quelques iniques partisans. Il obtint un sacre profane de Stigand, que le juste zèle et les anathèmes du pape avaient privé du saint ministère »

Selon ce texte, Harold se serait emparé du trône par traîtrise avec l’aide de quelques séides et se serait fait couronner par un archevêque privé de toute fonction par le pape.

Force est de constater que cette version est contredite, y compris, par la tapisserie de Bayeux : c’est ce que révèle en particulier l’inscription surmontant le dessin : HIC DEDERUNT HAROLDO CORONA REGIS, (ici, ils donnent à Harold la couronne de roi).

A cet égard, il convient de mentionner  que, dans la coutume anglo-saxonne,  la désignation du roi appartenait au Wintanagemot, (assemblée composée de membres du haut clergé, des comtes et des barons) : c’est donc, selon ce qui est représenté sur la broderie,  en toute légalité qu'Harold (2) fut choisi comme roi d'Angleterre par le Wintanagemot qui lui délégua deux de ses membres pour lui offrir la couronne.

Quelles furent les raisons qui poussèrent ainsi la Wintanagenot à élire Harold roi d’Angleterre rapidement après la mort d'Edouard ? On peut, selon moi, en trouver au moins trois :
     -  D’abord, il existait un réel danger de voir se dérouler une invasion étrangère et une guerre dont l’Angleterre aurait été le théâtre : en effet, deux candidats à la succession d’Édouard s'étaient manifestés : le duc de Normandie Guillaume et le roi de Norvège Harald 3. Dans de telles conditions, l’élection d’Harold était préférable pour préserver la paix.
     - Les deux  prétendants au trône étaient des normands alors que le Witanagenot était une institution anglo-saxonne, il était donc logique que l’assemblée préfère un saxon à un normand ; à cet égard, il convient de rappeler que le père d’Harold, Godwin, s’était érigé en champion de la cause anglo-saxonne en s’élevant sans cesse contre la nomination par Édouard de normands aux postes importants du royaume.
     -  Enfin, Harold dût arguer qu’Édouard l’avait désigné comme héritier sur son lit de mort, ce qui Stigand, présent lors de la mort du roi, dût cautionner.

Ainsi, si on considère les coutumes anglo-saxonnes, Harold était le roi légitime d’Angleterre.

La scène suivante montre Harold devenu roi d’Angleterre : (HIC REISDET HAROLD REX ANGLORUM : ici siégea Harold roi des anglais).

 Il est probable que cette scène se déroula après son sacre ; Harold (2) est assis sur le trône, il est vêtu d’une longue tunique et d’une longue cape ; il est coiffé de la couronne et tient le sceptre de justice ainsi que le globe surmonté d’une croix, symboles de son pouvoir. Il est représenté de face, comme l’était d’ailleurs Édouard dans la première vignette de la tapisserie.

A sa gauche, se tiennent deux personnages (B) dont l’un lui présente une épée. On peut penser soit à des vassaux venus rendre hommage au nouveau roi, soit à la dernière phase de l’intronisation avec remise de l’épée symbolisant le rôle primordial du roi dans la défense du royaume.

A sa droite, se trouve Stigant (5) (STIGANT ARCHIEPS), l’archevêque de Canterbury.  Il a présidé aux cérémonies du couronnement d’Harold sans toutefois le sacrer,  sans doute  voulait-t’il éviter toute accusation d’illégitimité du sacre du fait de la non-reconnaissance de sa dignité par le pape (voir article précédent), les onctions du sacre furent effectuées par l’archevêque d’York.

Les scènes suivantes se déroulent, comme la scène du couronnement,  dans le palais royal de Londres dont on peut apercevoir plusieurs pièces, les courtisans se sont séparés en deux groupes : les uns acclament le roi (C) mais d’autres (D), appelés par l’un d’eux (E),  regardent dans le ciel une étoile pourvue d’une queue flamboyante (F) : (ISTI MIRANT STELLA, ils regardent une étoile).

Pour l'interprétation donnée dans la tapisserie de Bayeux, il va de soi qu'il s’agit d’un signe  de Dieu prévenant les hommes la réprobation divine à propos de l’élection et du couronnement d’Harold du double fait du parjure du roi et de l’illégitimité de l’archevêque qui a présidé à sa consécration.

Les scientifiques dont j’ai consulté les travaux, pensent que cette étoile est la comète de Halley ; si cette authentification est exacte, cela pose un problème de chronologie : selon les archives de la cathédrale de Viterbe, la comète fut visible en Italie à partir du 5 avril, ce qui reporterait sa présence dans le ciel de Londres à la fin du même mois. Dans ces conditions, il existe deux possibilités d’interprétation : soit les scènes du sacre et la vision de la comète ne sont pas concomitantes, soit le sacre d’Harold eut lieu en avril et non en janvier ; il est impossible de choisir entre ces deux hypothèses.  La présence de la comète est mentionnée par Guillaume de Jumièges : «  En ce même temps, il apparut dans le pays de Chester une comète qui portait trois longs rayons, et qui éclaira la plus grande partie du Sud durant quinze nuits consécutives, annonçant, à ce que pensèrent beaucoup de gens, un grand changement dans quelque royaume ».

La scène suivante intitulée HAROLD montre le roi (2) assis sur son trône et penché vers un homme (G) qui semble lui parler à l’oreille, sans doute pour l’informer du mauvais présage que constituait la présence de la comète et la probable invasion prochaine du royaume par les normands. Ce qui permet de le penser c’est le dessin du bandeau inférieur où on aperçoit une flotte fantomatique (H) : Harold, selon l’interprétation que la tapisserie de Bayeux semble donner, aurait eu alors la prescience de l’invasion de l’Angleterre par les deux flottes ennemies de Harald de Norvège et de Guillaume de Normandie.


Prochain article : GUILLAUME PREND LA DÉCISION D’ENVAHIR L’ANGLETERRE.

jeudi 17 octobre 2019

LA TAPISSERIE DE BAYEUX, témoignage de la vie et des mentalités au 11e siècle (20)

HISTOIRE CHRONOLOGIQUE DES ÉVÉNEMENTS DÉCRITS DANS LA TAPISSERIE DE BAYEUX

LA MORT ET L’ENTERREMENT D’EDOUARD

Les scènes qui suivent le retour d'Harold montrent une nouvelle inversion chronologique de la tapisserie de Bayeux  puisque, sur la tapisserie,  l’enterrement du roi (C) précède son agonie (A) et sa mort (B). Dans ce qui suit, je me propose de rétablir la succession réelle des événements.

 (HIC EADWARDUS REX IN LECTO ALLOQUIT FIDELES, ici, le roi Édouard s’entretient avec les siens)

L’agonie du roi se produisit dans son château dont on retrouve les deux  éléments habituels : le logis central  servant d’habitation (D) et deux tours  (E et F) dont la présence font supposer la présence d’une courtine continue,

Le logis central comporte deux étages, comme  dans les autres châteaux précédemment décrits.

L’avantage de ce dessin est de montrer la manière dont étaient repartis ces niveaux : au rez-de-chaussée, la grande salle servait de salle de séjour et du trône (G), l'étage comportait des pièces plus familiales dont la chambre (H).


Édouard (1) est à demi-assis à la manière dont on avait coutume de dormir à cette époque ; derrière lui, un serviteur le soutient  pour l’empêcher de tomber. De part et d’autre, se tient Stigand (5) (voir, à propos de Stigand, la note complémentaire ci-dessous), archevêque de Canterbury. Au pied du lit,  se trouvent deux femmes en pleurs.  Un autre personnage est agenouillé devant le roi, il doit  s’agir d’Harold (2), le roi tend la main vers lui et Harold s’apprête à la lui prendre, ce geste était-il un simple adieu ou démontrait-il que, sur son lit de mort, Édouard avait désigné Harold comme son successeur ? On ne peut le savoir.

ET HIC DEFUNCTUS EST, ici le roi Édouard est mort

Le roi est mort (1). Il  est allongé sur un drap ou une sorte de matelas et enveloppé d’un suaire, seule émerge sa tête,  tandis que l’archevêque (5) récite les dernières prières, deux serviteurs soulèvent le corps, sans doute pour le déposer dans une châsse. La mort d’Edouard se produit le 5 janvier 1066.

Ensuite, le cercueil est porté vers l’église saint Pierre (HIC PORTATUR CORPUS EADWARDI REGIS AD ECCLESIAM SANCTI PÉTRI APLI, ici le corps du roi Édouard est porté à l’église de saint Pierre Apôtre).



On aperçoit le corps dans une châsse (1) portée par huit hommes (J) ; la châsse est bordée d’une riche tenture, deux enfants (K) agitent les cloches ; derrière la châsse, se déploie le cortège funèbre (L).

Le corps est conduit jusqu’à la nouvelle église qu’Edouard a fait construite près de l’ancienne abbaye de Westminster et qui venait tout juste d’être consacrée (le 28 décembre 1065, soit huit jours avant la mort du roi).

Cette église est de plan cruciforme et comporte une nef à arcades et fenêtres hautes (M), un chœur (N)  ainsi qu’une grande arcade (O) qui correspond au transept. La croisée du transept est surmontée du clocher (P) entouré de quatre clochetons. On retrouve, dans ce dessin, les caractéristiques architecturales de l’art roman.

Au-dessus de l’église, apparaît la main de Dieu (R) émergeant des nuées et esquissant un geste de bénédiction pour accueillir la dépouille royale.

En (S) est représentée une curieuse figure : on y voit un homme sur une passerelle tenant un oiseau posé sur une sorte de perche,

Que signifie cette scène ? Je lui ai trouvé deux explications possibles en privilégiant toutefois la première :
     . Il peut s’agir d’un pont-levis permettant de sortir du palais royal : en ce cas, la tour (T) serait la porte d’entrée du château dont la tour d'enceinte est dessinée à sa gauche (voir dessin précédent).
     . Il aussi s’agir d’une passerelle permettant à un artisan de fixer un coq sur la crête de la nef, en ce cas la tour (T) serait un beffroi, tel qu’on en trouvait comme machine de guerre utilisée lors du siège des villes.

NOTE COMPLÉMENTAIRE

STIGAND

Ce personnage-clé de l’histoire d’Harold, entré au service de Knut puis de ses fils, fut nommé par Edouard évêque d’Elmham en 1043 puis de Winchester en 1047. 

En 1050, à la morte d’Eadsige, archevêque de Canterbury, le chapitre élit Aetelric, un moine apparenté à la famille de Godwin, père d’Harold. Au mépris des règnes  canoniques, Édouard nomma alors un normand, Robert de Jumièges archevêque de Canterbury en 1050. Celui-ci se rendit à Rome et reçut du pape Léon 9 le pallium qui symbolisait l’acceptation par le pape de sa charge archiépiscopale.

Robert de Jumièges entra alors en conflit avec Godwin qu’il fit exiler,  mais quand ce dernier revint et imposa à nouveau son autorité, Robert décida de fuir en 1052. C’est alors que Stigand fut nommé archevêque de Canterbury en 1052 par Edouard. Le pape refusa de le reconnaître et de lui donner le pallium puisque Robert était encore en vie, on dit même qu’il l’aurait excommunié. Stigand restera archevêque de Canterbury jusque 1070, date où il sera déposé par Guillaume.

Prochain article : L’ELECTION ET LE COURONNEMENT D’HAROLD

dimanche 13 octobre 2019

LA TAPISSERIE DE BAYEUX, témoignage de la vie et des mentalités au 11e siècle (19)

HISTOIRE CHRONOLOGIQUE DES ÉVÉNEMENTS DÉCRITS DANS LA TAPISSERIE DE BAYEUX

LE RETOUR D’HAROLD EN ANGLETERRE ET SON ENTREVUE AVEC LE ROI ÉDOUARD.

Une fois le serment prêté, Harold regagne l’Angleterre (HIC HAROLD DUX REVERSUS EST AD ANGLICAM TERRAM : ici le duc Harold retourna en Angleterre).


Le voyage se passe sans encombre. Au bord la mer se trouve une tour (A) de surveillance à deux niveaux pourvue d’une large plateforme d’étage (B) sur laquelle se tient un guetteur.

Ensuite, Harold (2) se rend à Londres où ils rencontrent le roi Édouard (1) (ET VENIT AD EDOUARDEM REGEM : et il vint trouver le roi Édouard).


La scène représente, selon moi, le château royal, il est dessiné au moyen de trois éléments : deux tours (C ET D)  et une partie centrale (F) où se tient le roi.

Harold (2) est courbé devant Édouard en signe de respect et lui raconte son voyage. Édouard (1) est assis sur un trône placé sous une sorte de dais, il est également courbé mais cela tient à sa maladie qui lui donne un aspect las, il a remplacé son sceptre par une canne qui doit l’aider à marcher,

Prochain article : LA MORT ET L’ENTERREMENT D’EDOUARD

vendredi 11 octobre 2019

LA TAPISSERIE DE BAYEUX, témoignage de la vie et des mentalités au 11e siècle (18)

HISTOIRE CHRONOLOGIQUE DES ÉVÉNEMENTS DÉCRITS DANS LA TAPISSERIE DE BAYEUX

LE. RETOUR À BAYEUX ET LE SERMENT D’HAROLD


Les scènes suivantes montrent le retour de l’armée normande vers Bayeux (HIC WILHEIM VENIT BAGIAS, ici Guillaume vint à Bayeux) et le serment d’Harold

La représentation de Bayeux montre que la cité ressemble aux autres place-fortes décrites : ville établie sur une butte, rampe d’entrée, porte haute, courtine crénelée, donjon central. Deux originalités sont cependant à mentionner : la courtine est construite en pierres et elle est pourvue de tours surmontées de hourds en bois (A).

A l’intérieur de la butte est représenté un curieux dessin (B) : deux oiseaux posés sur les branches d’un arbre tiennent dans leurs becs une sorte de barre.

Assez curieusement, Guillaume et son escorte ont gardé leur cotte de mailles alors qu’ils chevauchent sur les terres normandes.

La scène suivante montrent le serment d’Harold ou plutôt, si on en croit Guillaume de Poitiers, la confirmation de l'accord accepté par Harold mais non juré au moment de son arrivée à Rouen. Dans cette perspective, on peut penser que Guillaume voulût, par un serment solennel devant Dieu, se faire confirmer la fidélité d’Harold et sa promesse de favoriser l’accession du duc au trône d'Angleterre.. (UBI HAROLD SACRAMENTUM FECIT VILLELMO DUCI : là Harold prête serment à Guillaume)

Guillaume (4) est assis sur le coffre à accoudoirs et aux pieds en forme de lion, il est vêtu d’un long manteau et d’une tunique lui descendant jusqu’aux pieds, il tient à la main son épée levée en signe de souveraineté. Harold (2) étend les mains au-dessus des reliquaires et prête serment,

Les deux reliquaires (C) ont la forme d’une église, celui de gauche est vu de profil alors que l’autre est présenté de face, ils comportent des brancards  de transport (D) et sont posés sur des tables recouvertes d’un drap (E)

À cette époque, un serment sur des reliques est prêté devant Dieu ; il prend, en quelque sorte, Dieu à témoin ; celui qui, ensuite, se parjurera, verra Dieu condamner son entreprise en la faisant échouer et risquer la damnation éternelle.

Ce serment sur les reliques eut-il lieu ? Il est impossible de le savoir. Pourtant, il eut une importance capitale pour la suite de l’histoire, puisqu’il justifia, à lui seul, la conquête de l’Angleterre par Guillaume.

Prochain article : LE RETOUR D’HAROLD EN ANGLETERRE ET SON ENTREVUE AVEC LE ROI ÉDOUARD.

mardi 8 octobre 2019

LA TAPISSERIE DE BAYEUX, témoignage de la vie et des mentalités au 11e siècle (17)

HISTOIRE CHRONOLOGIQUE DES ÉVÉNEMENTS DÉCRITS DANS LA TAPISSERIE DE BAYEUX

LA FIN DE LA GUERRE DE BRETAGNE : LA PRISE DE DINAN

La troisième phase de la guerre de Bretagne, telle qu’elle est décrite  par les phylactères de la tapisserie de Bayeux,  paraît sans ambiguïté en ce qui concerne la poursuite des opérations militaires :

   . HIC MILITES WILLEIMI DUCIS PUGNANT CONTRA DINANTES : « les soldats du duc Guillaume attaquent Dinan ».

  . ET CONANS CLAVES PORREXIT : « et Conan remet les clés »

On ressent l’impression que l’armée normande a poursuivi sans relâche l’armée de Conan  jusqu’à Rennes puis jusqu’à Dinan où Conan fut obligé de se réfugier. Cette  chronologie n’est  absolument pas corroborée par la chronique de  Guillaume de Poitiers.

Rappelons d’abord que le duc dût quitter la Bretagne  du fait de la disette sévissant dans son armée, et que, s’il revint en Bretagne, c’est parce qu’il se sentait menacé par la conjonction des armées de Conan et de Geoffroy d’Anjou qui s'avançaient afin d'envahir la Normandie : « (Guillaume) se montra d'autant plus avide de combattre qu'il voyait plus de gloire à triompher, dans une seule bataille, de deux ennemis tous deux cruels. »

Quand il annonça à Hual que son armée attendrait l’ennemi sur son territoire, Hual lui manifesta son désaccord :
« Hual, sur le territoire duquel il campait, se plaignit à lui,.. Si en effet le duc demeurait pour attendre Conan, le pays, peu fécond et fort épuisé, serait entièrement ravagé; et il revenait au même pour les laboureurs de voir consommer par l'armée des Normands ou par celle des Bretons le fruit des travaux d'une année. Si l'expulsion de Conan avait servi à sa renommée, elle n'avait rien fait à la conservation de leurs biens."

Dans de telles conditions Guillaume dût promettre de ne pas piller le pays et de payer tout ce qu’il devrait prélever dans le pays en attendant la bataille finale. Pourtant cette attente fut inutile comme l’écrit Guillaume de Poitiers :

« Ce fut inutilement que le duc attendit le combat, car son ennemi s'enfuit encore plus loin ». Alors, toujours selon Guillaume de Poitiers, le duc rentra directement en Normandie : « De retour chez lui, après que son cher hôte Hérald eut demeuré quelque temps auprès de lui, il le congédia comblé de présents »

Il est surprenant que le chroniqueur, un des plus fervents panégyristes de Guillaume, n’ait pas mentionné la prise de Dinan et surtout la reddition de Conan qui ne pouvaient qu’ajouter à la gloire du duc de Normandie. Cette absence peut être interprétée de deux manières : ou Guillaume de Poitiers a oublié cet épisode, ce qui n'est pas vraisemblable, ou la prise de Dinan ne fut qu’un épisode secondaire et sans lendemain de la guerre de Bretagne ne méritant même pas une mention dans les chroniques. Si cette seconde hypothèse est bonne, il est évident que ce n’est pas Conan qui dût se rendre à Guillaume.

Quoiqu’il en soit, cette partie de la tapisserie de Bayeux est d’un grand intérêt à deux points de vue : elle montre à nouveau un château fortifié dans sa totalité et elle permet de constater la manière dont une armée peut conquérir un château.

   . Le château de Dinan est représenté dans son intégralité ; sa structure étant organisée de la même manière que celui de Rennes, on peut penser que ce type de château fortifié correspondait à une généralité que l’on retrouvera encore lors de la description du château de Bayeux.

En ce qui concerne le château de Dinan, je me bornerai à rappeler les éléments qui le constituent :
     . A : la butte
     . B : les fossés sans eau
     . C : la rampe permettant l’accès au haut château
     . D : les portes. A Dinan, il existe deux portes
              . Une porte basse pourvue de moyens de défense
              . Une porte haute dissimulée par les assiégés qui tentent une sortie.
   . E : la courtine est construite au moyen de pieux de bois créant ainsi des sortes de créneaux permettant le tir
   . F : une tour centrale comportant deux niveaux :
              . Un premier niveau, construit dans doute en maçonnerie, avec peut-être une ossature de bois
              . Un second niveau où devait se trouver la grande salle du château où vit le seigneur du lieu.

L’attaque de Dinant est beaucoup plus intéressante que celle de Dol parce que complète. Elle montre la fin de la bataille et doit s’articuler comme suit :


     - Des hommes d’armes ont réussi à pénétrer jusqu’au pied de la butte (G), ils ont planté  au sol leurs javelots et ont posé à terre leurs boucliers ; ils font tournoyer des cordes pourvues de poix enflammée afin de faire brûler la courtine de bois. Un des brûlots a déjà atteint la muraille.

     - Devant le risque d’embrasement du château, la garnison encerclée tente une sortie (H) en brandissant elle aussi des javelots afin d'essayer de briser l’encerclement.

     - Pour contrer la sortie, se produit  la charge des cavaliers (J), ils ont revêtu une cotte de mailles qui leur couvre le torse, les bras et les cuisses. Pour la charge, ils ne sont armés que d’un bouclier et un javelot ; quelques-uns portent en sus une épée. Ils sont coiffés d’un casque conique pourvu d’un nasal. Ils lancent leurs javelots dès qu'il sont assez près du château ennemi On aperçoit sur la courtine quelques javelots fichés dans les murs.

La sortie des assiégeants dût échouer puisqu’on aperçoit un homme d’armes (K) tendant  les clés du château  (L) au bout de  son javelot. Guillaume (4) s’avance alors pour les recevoir. Son bouclier est décoré d’une croix. Il est évident que ces scènes ne sont pas simultanées puisqu’entre la sortie manquée et la reddition, il dut s’écouter une période de négociations.

La scène suivante représente Guillaume (4) armant chevalier Harold (2) (HIC WILHEIM DEDIT HAROLD ARMA, Guillaume donne ses armes à Harold). A cette époque, il était de coutume que les hommes d’armes s'étant conduits vaillamment lors de la bataille, soient armés chevaliers directement sur le lieu des combats, sans passer par le long processus de l’adoubement qui ne se développera que plus tard. Guillaume tient le bras d’Harold et lève la main au-dessus de son épaule, il s’apprête à donner à Harold un violent coup de poing sur l’épaule, la colée. Afin de montrer à tous  son courage, Harold restera impassible devant la douleur.



La présence de cette cérémonie a de quoi étonner du fait qu’Harold est âgé d’environ 40 ans. Peut-être Guillaume voulut-il , par ce geste, agréger Harold à la  hiérarchie militaire du duché de Normandie et ainsi  renforcer les liens de sujétion de celui-ci envers lui.

Prochain article : LE. RETOUR À BAYEUX ET LE SERMENT D’HAROLD

NOTE COMPLÉMENTAIRE
La carte des différents lieux cités ci-dessus :

dimanche 6 octobre 2019

LA TAPISSERIE DE BAYEUX, témoignage de la vie et des mentalités au 11e siècle (16)

HISTOIRE CHRONOLOGIQUE DES ÉVÉNEMENTS DÉCRITS DANS LA TAPISSERIE DE BAYEUX

LA GUERRE DE BRETAGNE : LES OPÉRATIONS MILITAIRES. (Suite)

Le second épisode de l’expédition de Bretagne montre une armée figurée par quelques cavaliers  chevauchant entre Dol et Rennes (REDNES). La logique voudrait que cette armée soit celle de Guillaume lancée à la poursuite de Conan. Cette idée est en contradiction avec le récit de Guillaume de Poitiers :

"Le chef terrible (Guillaume) qui l'avait chassé aurait poursuivi le fuyard s'il n'avait vu un danger évident à conduire une nombreuse armée à travers de vastes contrées stériles et inconnues. S'il restait quelque chose .. (des récoltes) de  l'année précédente, les habitants l'avaient caché avec leurs troupeaux dans des lieux sûrs. Les blés étaient encore verts ou en épis. … le duc ramena son armée épuisée par la disette … présumant, dans sa grande âme que Conan le supplierait bientôt pour obtenir sa grâce et le pardon de son crime. Mais, comme il sortait des frontières de la Bretagne, on lui annonça tout à coup que Geoffroi d'Anjou s'était joint à Conan avec des troupes considérables, et que le jour suivant ils viendraient tous deux lui livrer bataille."

Ce texte permet de reconstituer le scénario qui suivit la fin du siège de Dol. L’armée normande, non seulement ne partit pas à la poursuite de Conan, mais dût rentrer en Normandie du fait que les troupes souffraient de la faim. Certes, elles auraient pu piller la campagne entourant Dol mais c’était impossible puisque les normands se trouvaient en territoire allié.

Dans ces conditions, l’armée représentée sur la tapisserie  ne peut être que l’armée bretonne qui se replie vers Rennes, non pour fuir mais, plutôt, pour rejoindre l’armée de Geoffroy d’Anjou venant à la rescousse de Conan afin de chasser Guillaume du duché de Bretagne et d’envahir la Normandie.

   . REDNES : « Rennes »  :

Cette scène est d’un grand intérêt au niveau de la description d’un château fort du 11e siècle. Le dessin permet de compléter les scènes partielles décrites sur la tapisserie dans ses premiers épisodes (grandes salles d’Edouard et de Guillaume, donjon où mangea Harold avant son passage sur le continent).

Le château est situé sur une motte (A), la présence de deux formes de murs (B) permet de penser que la butte était entourée d’un mur servant de fortification basse. Sur ses flancs semblent paître des animaux. Une rampe d’escaliers (C) permet d’accéder à la porte d’entrée du château (D). Ce château est entouré d’une courtine (E) composée de troncs de bois de différentes hauteurs, ce qui permet de créer des créneaux de tir. Au centre du château se trouve une tour construite probablement en pierres et comportant deux niveaux (F) ; on aperçoit à l’étage l’emplacement de la grande salle où se tient habituellement le duc et sa cour. Le mur sommital du donjon ne comporte pas de créneaux ni même de postes de guet ce qui montre bien qu’il s’agit plus d’une tour d’habitation que de défense.

Prochain article : LA GUERRE DE BRETAGNE : LES OPÉRATIONS MILITAIRES, la prise de Dinan.