REMARQUE
. Tous les articles de ce blog ont été rédigés par moi-même sans emprunt littéral à d'autres auteurs, ils sont le fruit d'une documentation personnelle amassée au cours des ans et présentent ma propre vision des choses. Après tout, mon avis en vaut bien d'autres.
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Mon blog étant difficilement trouvable par simple recherche sur internet, voici son adresse : jeanpierrefabricius.blogspot.com

jeudi 2 janvier 2014

..L' HYDRE DE LERNE DU  NÉO-LIBÉRALISME. 1. Les antécédents historiques

La société humaine m'a semblé s'organiser selon deux structures antagonistes que je qualifierai d'un terme éminemment détestable de "monde d'en bas" et de "monde d'en haut" ( terme paraphrasé d'une déclaration d'un homme politique qui parlait de "France d'en bas" et de "France d'en haut", comme si ce terme était compatible avec l'idéal d'égalité prôné par la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789).
   - le "monde d'en bas", composé d'une immense majorité de ceux que j'ai appelé les "braves gens" capables de compassion, de générosité  et de dévouement envers les autres.
   - le "monde d'en haut" évoluant selon ses propres concepts, indépendamment de la société réelle. Il est conduit et structuré par de petits groupes d'individus avides de profits et sans scrupules qui, sous couvert d'anonymat, mènent l'humanité à leur guise. Ils savent très bien ce qu'ils font et dans quel sens ils conduisent leur action sans que, bien entendu, ceux qu'ils considèrent comme le "vulgus pecum" puisse se rendre toujours compte de ce qu'ils décident. Par leur action néfaste et détestable, par les multiples formes dont ils se parent, ils étendent leurs filets sur le monde réel, pervertissant tout ce qu'ils touchent, modelant la société à leur guise et y effaçant peu à peu tous ces élans de générosité et de compassion que l'on ressent dans le "monde d'en bas"

Lorsque je cherche un correspondance mythologique à ce "monde d'en haut", une image me vient presque immédiatement à l'esprit, celle de l'HYDRE DE LERNE (représentée ici par Albrecht Dürer) monstre aux multiples têtes, dont une immortelle, exhalant un poison qui détruisait toute vie à la ronde. Couper une de ces têtes ne servait à rien puisqu'elle repoussait immédiatement, plus dangereuse et plus malfaisante encore qu'auparavant.

Essayer de comprendre le fonctionnement néfaste de cette Hydre moderne et tenter d'en démonter les mécanismes qui la sous-tendent furent pour moi l'occasion de longues recherches que j'ai tenté de synthétiser dans les articles qui vont suivre.

 Il convient de replacer d'abord ce système dans sa perspective historique.

La STRUCTURE DE LA SOCIÉTÉ INDUSTRIELLE DU 19ème SIÈCLE. 
la société industrielle du 19ème siècle est née de la révolution des techniques qui, avec l'invention de la machine à vapeur mue au charbon de terre, permit la création de nouveaux moyens de communication (chemin de fer, bateaux à vapeur), de grandes manufactures, du machinisme et d'immenses banlieues usinières autour des villes..

Le coût de toutes ces avancées techniques fut tel qu'il devint vite impossible à un seul individu de financer la création des infrastructures, il fallut accompagner la révolution technique d'une évolution économique, ce qui conduisit à imaginer des formes diverses d'associations dont la plus pérenne et la plus efficace fut la société anonyme par actions.

L'épanouissement de la société par actions conduisit à la transformation de la classe sociale de ceux que la société du 19ème siècle qualifiait de " bourgeois" avec création de deux groupes :
     . Les chefs des entreprises industrielles et bancaires qui dirigent effectivement ces sociétés parce que eux et leur famille possèdent un pourcentage suffisant d'actions pour contrôler les assemblées générales des actionnaires où chaque action compte pour une voix,
     . Les "rentiers" disposant de fonds suffisants provenant souvent d'héritages de parents commerçants ou artisans, qui achètent et revendent des actions selon les bénéfices escomptés ou supposés et vivent principalement des dividendes versés par les sociétés anonymes.

La Bourse, élément principal de régulation de la vie économique,est basée à cette époque essentiellement sur les résultats effectifs des entreprises : par l'intermédiaire des courtiers de bourse, le rentier achète des actions de sociétés pour lesquelles les résultats sont bons et revend celles des sociétés que l'on ressent en difficultés :
   . dans le premier cas, le cours des actions monte, le capital augmente et la société anonyme disposera d'un surplus de capitaux qui lui permettra d'investir,
   . dans le second cas, le cours des actions baisse, ce qui augmente les risques de faillite.

À cette période, la bourse était ancrée dans le réel, elle témoignait des grandes tendances économiques et constituait un baromètre de la bonne santé des sociétés par actions

Certes il existait deux dangers inhérents à ce système :
   . il se produit des tentatives de spéculation (vendre des actions d'une société pour faire baisser les cours de ses actions,racheter ensuite ces actions au prix bas afin de les faire monter à nouveau) : ces tentatives, jugées moralement indécentes, ne sont cependant pas nées avec la société industrielle puisque l'on trouve des formes de spéculation dès l'antiquité.
   . La société anonyme, pour subsister, doit verser des bénéfices importants aux actionnaires, ce qui conduit à limiter toute augmentation de salaires et à interdire tous les moyens permettant aux ouvriers d'usines, le "prolétariat " de s'organiser.

Le "prolétariat" représente le revers de la médaille de la société industrielle, il forme une masse d'autant plus misérable et exploitée qu'elle est alimentée par l'exode des campagnes vers les villes elle-même engendrée par la forte augmentation démographique. Comme la demande d'emploi excède l'offre, les "bourgeois" peuvent exploiter à leur guise leurs ouvriers : salaires de misère, horaires démentiels, logements insalubres, ouvriers ressentis comme dangereux et à surveiller, qui doivent porter un livret visé par les forces de l'ordre à chaque déplacement.

En 1841, la situation sanitaire des prolétaires est considérée comme si préoccupante que le gouvernement du roi Louis-Philippe commande une enquête au docteur Willermé. Le rapport de ce médecin dispense de tout commentaire.

En voici quelques extraits qui décrivent la situation du prolétariat à Mulhouse :

" Dès l’année 1827, on y comptait 44 840 ouvriers employés dans les seuls ateliers de filature, de tissage et d’impression d’indiennes… Sept ans plus tard, en 1834, époque de prospérité et d’extension pour ces manufactures, on évaluait approximativement à 91 000 le nombre de leurs travailleurs… (un) quart de la population.

La durée journalière du travail varie… A Mulhouse, à Dornach… les tissages et les filatures mécaniques s’ouvrent généralement le matin à cinq heures, et se ferment le soir à huit, quelquefois à neuf...Ainsi leur journée est au moins de quinze heures. Sur ce temps, ils ont une demi-heure pour le déjeuner et une heure pour le dîner ; c’est là tout le repos qu’on leur accorde. Par conséquent, ils ne fournissent jamais moins de treize heures et demie de travail par jour.

La cherté des loyers ne permet pas à ceux des ouvriers en coton du département du Haut-Rhin...de se loger...auprès de leurs ateliers. De là, la nécessité pour les plus pauvres, qui ne pourraient d’ailleurs payer les loyers au taux élevé où ils sont, d’aller se loger loin de la ville, à une lieue, une lieue et demie, ou même plus loin, et d’en faire par conséquent chaque jour deux ou trois, pour se rendre le matin à la manufacture, et rentrer le soir chez eux.

On conçoit que pour éviter de parcourir deux fois chaque jour un chemin aussi long, ils s’entassent, si l’on peut parler ainsi, dans des chambres ou petites pièces, malsaines, mais situées à proximité de leur lieu de travail. J’ai vu à Mulhouse…de ces misérables logements où deux familles couchaient chacune dans un coin, sur de la paille jetée sur le carreau et retenue par deux planches. Des lambeaux de couverture et souvent une espèce de matelas de plumes d’une saleté dégoûtante, voilà tout ce qui leur recouvrait cette paille. Du reste, un mauvais et unique grabat pour toute la famille, un petit poêle qui set à la cuisine comme au chauffage, une caisse ou grande boîte qui sert d’armoire, une table, deux ou trois chaises, un banc, quelques poteries, composent communément tout le mobilier qui garnit la chambre des ouvriers.

Pour les plus pauvres, tels que ceux des filatures, des tissages, et quelques manœuvres, la nourriture se compose communément de pommes de terre, qui en font la base, de soupes maigres, d’un peu de mauvais laitage, de mauvaises pâtes et de pain. Ce dernier est heureusement d’assez bonne qualité. Ils ne mangent de la viande et ne boivent du vin que le jour ou le lendemain de la paie, c’est-à-dire deux fois par mois.



L'ANALYSE DE KARL MARX DE LA SOCIÉTÉ INDUSTRIELLE
le "manifeste du parti communiste"  écrit par Karl Marx et Friedrich Engels en 1847 et publié en 1848, présente, avec une extraordinaire prescience, une vision prophétique du développement du capitalisme ; cette analyse pourrait être transposée en 2014 au moins pour les deux premiers paragraphes. En voici quelques extraits pour lesquels j'ai ajouté un titre :

La mondialisation de l'économie de marché.
Poussée par le besoin de débouchés toujours nouveaux, la bourgeoisie envahit le globe entier. Il lui faut s'implanter partout, exploiter partout, établir partout des relations. Par l'exploitation du marché mondial... Les vieilles industries nationales ont été détruites et le sont encore chaque jour. Elles sont supplantées par de nouvelles industries... qui n'emploient plus des matières premières indigènes, mais des matières premières venues des régions les plus lointaines, et dont les produits se consomment non seulement dans le pays même, mais dans toutes les parties du globe. A la place de l'ancien isolement des provinces et des nations se suffisant à elles-mêmes, se développe...une interdépendance universelle des nations.

Par le rapide perfectionnement des instruments de production et l'amélioration infinie des moyens de communication, la bourgeoisie entraîne dans le courant de la civilisation jusqu'aux nations les plus barbares. Sous peine de mort, elle force toutes les nations à adopter le mode bourgeois de production ; elle les force à introduire chez elle la prétendue civilisation, c'est-à-dire à devenir bourgeoises. En un mot, elle se façonne un monde à son image.

Le modelage des modes de pensée.
Partout où la bourgeoisie a conquis le pouvoir, elle a foulé aux pieds les relations féodales, patriarcales et idylliques... elle les a brisés sans pitié pour ne laisser subsister d'autre lien, entre l'homme et l'homme, que le froid intérêt, les dures exigences du "paiement au comptant". Elle a noyé les frissons sacrés de l'extase religieuse, de l'enthousiasme chevaleresque, de la sentimentalité... dans les eaux glacées du calcul égoïste. Elle a fait de la dignité personnelle une simple valeur d'échange; elle a substitué aux nombreuses libertés, si chèrement conquises, l'unique et impitoyable liberté du commerce...elle a mis une exploitation ouverte, éhontée, directe, brutale.

L'inéluctabilité de la victoire du prolétariat.
... le développement de l'industrie, non seulement accroît le nombre des prolétaires, mais les concentre en masses plus considérables; la force des prolétaires augmente et ils en prennent mieux conscience. Les intérêts, les conditions d'existence au sein du prolétariat, s'égalisent de plus en plus, à mesure que la machine efface toute différence dans le travail et réduit presque partout le salaire à un niveau également bas.. Les ouvriers commencent par former des coalitions contre les bourgeois pour la défense de leurs salaires. Ils vont jusqu'à constituer des associations permanentes pour être prêts en vue de rébellions éventuelles. La bourgeoisie produit ses propres fossoyeurs. Sa chute et la victoire du prolétariat sont également inévitables.


Il va de soi que ces extraits présentent une minuscule facette de la pensée de Karl Marx.

LA MISE EN PLACE DE FORMES DE RÉGULATION DE L'ECONOMIE
les deux premiers extraits du manifeste du parti communiste sont encore d'actualité comme il est dit plus haut, par contre, l'annonce de la victoire inévitable du prolétariat ne s'est nulle part réalisée :
     - les révolutions communistes en Russie, en Chine et ailleurs furent le fait de groupuscules d'agitateurs marxistes et non celui du prolétariat puisque celui-ci ne représentait qu'une infime minorité de la population.
     - dans les pays industriels, où le prolétariat était important, la révolution n'a pas eu lieu principalement par le fait qu'entre le prolétariat et les bourgeois capitalistes se sont glissés les États qui ont régulé les rapports économiques et sociaux au nom de la paix sociale mais aussi par compassion envers les souffrances des ouvriers.

Les lois sociales votées au 19ème siècle peuvent être données en exemple : elles furent de quatre types :
   - levée des interdits qui empêchaient toute revendication des ouvriers : auparavant, les grèves étaient assimilée à une révolte et réprimée par les forces de l'ordre, les associations de défenses étaient interdites,
   - correction des abus les plus criants : limitation puis interdiction du travail des enfants, limitation du temps journalier de travail (11h en 1900), instauration du repos hebdomadaire, versement des salaires à intervalle régulier...
   - mise en place de système de caisse d'assurances en premier lieu contre les accidents de travail,
   - création d'instances d'arbitrage et de contrôle : conseil des prudhommes, inspection du travail, convention collectives...

LA MISE EN PLACE DU NÉO-LIBÉRALISME À LA FIN DU 20ème siècle
le néolibéralisme est le fruit de théories économiques apparues et systématisées à partir des années 1970. Un de ses théoriciens est Milton Friedmann de l'école dite de Chicago qui reçut le prix Nobel pour ses travaux.

Ce système prône :
     .  la liberté totale des marchés qui se réguleront d'eux même par le jeu de la concurrence,
     .  La suppression de tout ce qui peut entraver ce jeu : suppression du rôle de l'Etat-providence et de son interventionnisme, disparition du secteur public, des règles mises en place pour la protection des travailleurs (salaires minimum, temps de travail), du contrôle de la monnaie...
     . Fixation des taux de change entre monnaies et des taux d'intérêts du crédit par le marché et non plus par des décisions politiques
     . Libre circulation des capitaux et des biens dans le cadre de la mondialisation,
     . La libre entreprise doit être systématiquement encouragée et ne doit subir aucune entrave, ce qui implique des baisses de charges et d'impôts. Chaque individu devra être susceptible de devenir un entrepreneur.
    . La règle d'adéquation entre l'offre et la demande de produits industriels doit être revue : c'est l'offre qui devient l'élément essentiel, à charge pour le marché de mettre en place des méthodes permettant aux produits industriels de trouver des clients.

Ce néolibéralisme présente deux caractères particulièrement surprenants :
   . Par la volonté affirmée de supprimer tous les freins mis par les États au titre de la protection des ouvriers, le néolibéralisme annihile tous les efforts et toutes les lois mises en place pendant un siècle et demi : on se retrouve dans la situation décrite par Karl Marx avec une extension indéfinie et inhumaine de cette société qui méritera de plus en plus son qualificatif d' HYDRE de LERNE.
   . l'offre étant privilégiée sur les besoins réel des gens, on va mettre en place un système que j'appellerai la SOC-COM, la société de consommation, qui va enserrer dans ses liens l'ensemble de l'humanité et user de méthodes de vente pouvant être classées en trois grandes catégories :
        . Le conditionnement mental par la publicité,
        . L'obsolescence programmée,
        . La tyrannie de la production et des modes de vente.

Ces trois méthodes seront décrites dans les prochains chapitres...

mercredi 1 janvier 2014

Nouvelle année

Après le terrifiant figuier étrangleur dans son association avec une des scènes de l'enfer de Dante, j'ai voulu, pour ce premier janvier, donner une image plus optimisme. La DIVINE COMÉDIE se termine en effet par une vision de paradis illustrée par Gustave Doré.

Rêvons pour cette nouvelle année d'un monde meilleur, sans guerre, plus juste et plus harmonieux à l'image de cette gravure de félicité...

mardi 31 décembre 2013

De la nature.5. Le figuier etrangleur

L'histoire de cet arbre photographié à la Martinique ressemble presque à un récit d'horreur :

Une graine de cet arbre est transportée par les fientes des oiseaux qui ont mangé ses fruits ; ces fientes tombent au hasard du vol de l'oiseau, dans la forêt dense tropicale, elles atterrissent la plupart du temps sur les branches d'un arbre au niveau de la canopée ; là, la graine dispose de tous les éléments pour germer !

La plante se développe à la manière d'un épiphyte  dans les branches supérieures de l'arbre avec apparition de racines aériennes pendant vers le sol et de branches poussant vers le ciel afin de capter un peu de lumière. Quand les racines aériennes ont atteint le sol, la croissance de l'arbre s'accélère : Les racines aériennes s'assemblent jusqu'à former un pseudo-tronc et recouvrir plus ou moins la plante-hôte.

Quand l'arbre-hôte meurt de cet étouffement et disparaît par décomposition, il ne reste qu'un immense creux au sein du figuier étrangleur.

Cet arbre a partiellement recouvert de ses racines les restes d'une construction : on a l'impression que peu à peu,il va "digérer" cette construction en la faisant disparaître : sa vue m'a rendu mal à l'aise et m'a fait ressentir à la fois la puissance quasi-maléfique de la nature et la fragilité des constructions humaines que l'arbre semble détruire sans peine. Pour peu, j'aurais pu croire à un dessein démoniaque de l'arbre à l'égard de l'homme.

Cette seconde photo d'un des temples d'Angkor est encore plus effrayante : un des plus beaux spécimens de l'art humain se recouvre des racines d'un banian, ces racines évoquent un nid de serpents ondulant, étendant leurs rets au dessus de la galerie du temple, s'insinuant partout pour détruire la quintessence de l'esprit humain afin de s'installer à sa place.

A ces images que je ressens comme monstrueuses, j'associe certains mythes mythologiques comme celle de Méduse, la Gorgone à la chevelure de serpents qui pétrifiait tous ceux qui la regarde, de la luxure dans l'art roman représentée par une femme dont des serpents sucent les seins... pourtant la correspondance la plus nette et la plus étrange entre ces figuiers étrangleurs et l'être humain me fut donné par les illustrations effectuées par Gustave Doré pour le chant 13 de la DIVINE COMEDIE de Dante (l'enfer)


 Dans ce chant 13, Dante guidé par le poète latin Virgile,se trouve dans une épaisse forêt qui correspond au deuxième degré de l'enfer.


Déjà, de tous côtés, l'air de plaintes résonne.
J'écoutais, je cherchais, et ne voyais personne,
Et ce bruit me faisait m'arrêter, interdit.

Il crut que je croyais que ces cris ineffables
Retentissaient, poussés par des ombres coupables
Qui se cachaient de nous dans le branchage épais.

Et, dans cette croyance, il me dit : "Si tu cueilles
Un rameau seulement au milieu de ces feuilles,
Tu verras tes pensées étrangement trompés."

Moi, la main étendue en avant, je me penche,
Et détache d'un arbre une petite branche ;
Le tronc crie aussitôt : "Ah ! pourquoi m'arracher ?"

Tandis que d'un sang noir l'écorce se colore,
"Pourquoi me déchirer ?" répète-t-il encore ;
"O cruel, et ton coeur est-il donc de rocher ?

Nous fûmes autrefois des hommes, tes semblables." 

Il apparaît entre ce figuier étrangleur et les damnés changés en arbre une étrange osmose et un terrible dessein : Les figuiers étrangleurs ne pourraient-ils pas être ces damnés tout droit sortis de l'enfer pour étouffer les œuvres humaines afin de se venger de leur damnation !

Ce continuum n'existe pas et n'est heureusement que pure licence poétique !

lundi 30 décembre 2013

De la nature. 4

La nature est-elle capable de se venger des outrages commis par les hommes ? Tout dépend du contexte de civilisations  dans lequel on se trouve : à cet égard, on peut déterminer trois types de modes de pensée.

LA NATURE AU SENS MATÉRIALISTE DU TERME
Selon cette conception, la nature n'est dotée ni d'une âme ni d'un esprit : elle EXISTE mais elle n'EST pas, au sens philosophique du terme puisqu'elle n'a pas conscience d'exister.

On peut en donner deux exemples :

L' évolution de la végétation n'est pas linéaire comme peut l'être notre conception de la vie : elle se produit, pour une grande partie d'entre elle, automatiquement et de manière cyclique selon un processus immuable, germination, éclosion, fructification, dessèchement et production de graines, germination.... Ce processus se produit hors de toute considération d'espace et de temps ; une fois la vie installée quelque part, elle se perpétue tant que les conditions qui lui ont donné naissance existent. Les aléas climatiques n'ont même pas de prise sur elle puisque la sélection naturelle la fait évoluer, il suffit pour s'en rendre compte de parcourir une zone désertique après une pluie et de constater que ce désert sans vie s'est couvert en quelques heures d'un tapis de plantes, seules les plantes qui n'étaient pas capables de s'adapter ont disparu.

Il en est de même pour tous les phénomènes naturels : on apprend par exemple que les rivières recherchent leur " profil d'équilibre" : c'est une absurdité : la rivière creuse une gorge parce que le courant d'eau est rapide et que mécaniquement il arrache la roche ; de même, lorsque la rivière accède dans une plaine, elle dépose ses alluvions et exhausse son lit simplement parce que le courant se ralentit et qu'il n'a plus la force de trainer les sédiments arrachés en amont. La rivière ne se place en aucun cas dans une perspective d'avenir, elle ne vise pas à se créer un lit douillet où elle pourra se reposer !

Dans cette conception donc, l'évolution de la nature n'est que la résultante du jeu des simples forces mécaniques ou biologiques ; ces forces agissent indépendamment de nous. La nature n'a aucun dessein ni dans le futur ni à notre encontre : c'est nous qui ressentons cette puissance lorsqu'on constate à quel point nos œuvres, même les plus grandioses, ne sont que dérisoires prétentions ; pourtant ce n'est pas la nature qui se venge puisqu'elle n'a pas conscience du mal qu'on lui fait.

L'ANIMISME DE LA NATURE
La plupart des civilisations pensent que l'être humain est totalement partie prenante dans la Nature et ne s'en différencie pas ; les mêmes règles et cycles naturels s'appliquent autant à l'homme qu'à tout ce qui l'entoure, c'est le cas par exemple pour les aborigènes déjà évoqués qui disent que la terre n'appartient pas à l'homme mais que l'homme appartient à la terre.

Pour une grande majorité des civilisations animistes, il existe un créateur, une force vitale cosmique qui, une fois la création effectuée, se désintéresse de celle-ci. Cependant chaque élément de la nature possède en lui une parcelle du divin sous forme d'un esprit : les arbres, les animaux, les hommes, les objets inanimés (feu, terre, eau, rocher..) ou cosmique (lune, soleil, ciel...). Il en est de même des ancêtres mythiques ou réels des hommes. Troubler cette parcelle divine qui est en chaque chose, revient à perturber l'ordre cosmique, ce qui n'est pas sans conséquences graves pour l'être humain.

L'homme se doit donc, pour se préserver et permettre sa survie, connaître ces esprits et entrer en communication avec eux. Une description intéressante de ceux-ci nous est donnée par David Kopenawa, un chaman Yanomani, une tribu amazonienne menacée de disparition par l'avancée de nos modes de vie dans la forêt.

" Certains vivent dans le ciel, d’autres sous la terre, d’autres dans les montagnes couvertes de forêts et de fleurs. Certains vivent dans les rivières, dans la mer, dans les étoiles ou dans la lune ou le soleil. Omame (le créateur) les a choisis parce qu’ils sont bons pour le travail, pas le travail dans les jardins mais le travail du chamanisme, de la guérison des maladies des gens. Ils sont beaux mais très difficiles à voir. Les shapiri veillent sur tout, les shapiri veillent sur le monde."

Pour entrer en communication avec ces esprits, on doit insuffler dans le nez du chaman une drogue hallucinogène, la Parika au moyen d'une longue tige creuse.

"Nous apprenons à les connaître, à les voir, à les écouter. Seuls ceux qui connaissent les shapiri peuvent les voir parce qu’ils sont très petits et brillent comme des lumières. Il y en a beaucoup...  des milliers comme des étoiles. Ils sont beaux, décorés avec des plumes de perroquet, peints avec du roucou. D’autres ont des pendants d’oreille et sont peints en noir. Ils dansent très bien et chantent différents chants"

Le chaman va alors demander aux esprits tout ce qui est nécessaire à la survie de l'homme en particulier :
   . Quel rite doit-on accomplir pour que l'esprit de la terre donne une bonne récolte de manioc ?
   . Comment remédier au fait que l'esprit de l'arbre pourrait se venger si on lui coupe une branche ?
   . Quel interdit à été violé par la tribu pour que telle ou telle catastrophe se soit produite ?

Dans cette conception, la nature est capable de se venger si on lui fait du mal. Elle peut donc démolir une construction humaine qui la gêne.

LA NATURE DANS LA CONCEPTION BIBLIQUE.
Mieux que de longues dissertations mieux vaut citer le livre 1 de la Genèse.
" 1.26 : Puis Dieu dit: Faisons l'homme à notre image, selon notre ressemblance, et qu'il domine sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, sur le bétail, sur toute la terre, et sur tous les reptiles qui rampent sur la terre.
1.27 :Dieu créa l'homme à son image, il le créa à l'image de Dieu, il créa l'homme et la femme.
1.28 : Dieu les bénit, et Dieu leur dit: Soyez féconds, multipliez, remplissez la terre, et l'assujettissez; et dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, et sur tout animal qui se meut sur la terre.
1.29 : Et Dieu dit: Voici, je vous donne toute herbe portant de la semence et qui est à la surface de toute la terre, et tout arbre ayant en lui du fruit d'arbre et portant de la semence: ce sera votre nourriture."


Dans cette conception, la Nature appartient à l'homme, elle lui a été donnée par Dieu et l'homme peut prélever ce qu'il veut, défricher la forêt pour y planter ce qu'il veut, tuer les animaux qu'il veut pour sa subsistance.

Cette liberté ne possède que deux limites :
   . Il est nécessaire que l'homme préserve cet héritage lui venant de Dieu : pour cela, il lui faut éviter d'exploiter sans vergogne la nature car sinon l'oeuvre divine sera saccagée et l'avenir compromis,
  . Si l'homme devient trop orgueilleux, se voulant à l'image de Dieu et ne respectant pas son oeuvre, Dieu se vengera de l'homme et détruira ce qu'il a indûment accompli (déluge, tour de Babel...)

Dans la conception biblique qui est celle du monde méditerranéen et occidental, la Nature ne peut accomplir de vengeance vis à vis de l'homme puisque, par essence, tout ce qui vit lui appartient.

Choisir entre ces trois conceptions ressort plus de la croyance que de la mise en pratique d'un raisonnement construit.

Pourtant, dans ma quête des rapports de l'homme et de la nature, mes convictions plutôt matérialistes furent ébranlées devant l'oeuvre du figuier étrangleur...

dimanche 29 décembre 2013

De la nature. 3

La nature outragée, la Nature martyrisée mais la Nature libérée, libérée par elle-même : cette paraphrase du discours du Général de Gaulle à Paris le 25 août 1944 pourrait sembler s'appliquer parfaitement à la nature et à la vision que l'homme peut en avoir aujourd'hui.

LA NATURE OUTRAGÉE 

Sacs plastiques, boîtes de conserve, paquets de cigarettes ou de gâteaux, canettes de bière broyées, bouteilles de plastique jetés des vitres des voitures qui passent...  s'accumulent dans le caniveau du bord de route, créant des dépotoirs spontanés que personne ne prendra la peine ni le temps de nettoyer. Quand les caniveaux seront emplis de ces détritus, l'eau d'écoulement débordera et inondera les riverains.

Certes ces outrages seront bientôt recouverts de feuilles sèches et d'herbes qui les enfouiront, pourtant ils resteront là, témoins des ravages accomplis par l'homme et fruits de leur inconscience.

Un peu plus loin, dans un ancien verger laissé à l'abandon et devenu un taillis désordonné, s'amoncellent les ordures : seau de plastique, éléments de réfrigérateur cassés, chaise de salon de jardin, tout s'accumule ici alors que la collectivité locale a aménagé une décheterie à quelques pas de là.

Comment peut-on agir ainsi ?

Ce qui est surprenant, c'est que dans ce dépotoir, né de l'infamie et de l'irresponsabilité de ceux qui l'ont constitué, les arbres fruitiers continuent à dispenser leur manne à qui voudrait la récolter. Encore faut-il avoir de bonne chaussures pour accéder à ces arbres car on risque de se blesser sur les débris coupants qui parsèment le sol.

LA NATURE LIBÉRÉE PAR ELLE-MÊME.
cette construction humaine que son concepteur voulait sans doute éternelle, disparaît lentement et sûrement ; le sol recèle tout ce qu'il faut pour que la végétation se régénère d'elle-même. Les graines enfouies dans la terre formeront partout de jeunes pousses puis des arbustes, les racines se faufileront dans les interstices des murs, soulèveront le béton du sol et bientôt casseront tout ce qui avait fait un instant l'orgueil et la fierté d'un homme.

Au bord d'une rue du bourg se trouve cet enclos entouré de murs ruiniformes et devenu un dépotoir sauvage envahi par les orties. Sur un des murs est encore apposé un panneau à moitié délavé par le temps indiquant qu'il s'agit d'une propriété privée. Dérisoire prétention que la Nature effacera bientôt ! 

Cette image de la Nature qui se libère en détruisant les œuvres humaines peut sembler n'être qu'une métaphore, pourtant.... !

samedi 28 décembre 2013

De la nature. 2

Lorsque je me remémore la scène décrite précédemment et que je l'analyse raisonnablement, je me dis que le ressenti qui m'avait étreint alors ne devait être qu'un effet de mon imagination et qu'à la manière des pré-romantiques, j'avais prêté à la nature une beauté et une harmonie qu'elle ne possède peut-être pas.

Il me suffit pour m'en convaincre de me livrer à quelques recherches sur la MÉCANISME DE LA VISION HUMAINE : l'oeil humain est un merveilleux outil dont le mécanisme de fonctionnement est d'une perfection si aboutie qu'elle ne peut pas être, selon moi, seulement le fruit de la sélection naturelle.


Ce mécanisme, si j'en crois les découvertes scientifiques,  est basé sur quelques principes :
   . L'oeil possède un système automatique de correction de la lumière émise qui pénètre dans l’œil en passant par l’ouverture réglable de l’iris. Alors, le cristallin en se déformant va assurer la mise au point de façon à ce que l’image de la scène ou de l’objet observés soit projetée avec netteté sur la surface de la rétine.
    . La rétine est composée :
          . de 120 millions de bâtonnets dont la grande  sensibilité à la lumière permet la vision nocturne au moyen de toutes les nuances de gris,
          . De 5 à 6 millions de cônes qui permettent la vision diurne et celle des couleurs. Les trois types de cônes (S, ondes courtes du bleu-violet, M, onde moyenne du jaune-vert et L, onde courte du rouge) permettent de créer un nombre quasi infini de nuances de couleurs ; l'ensemble est transmis sous forme d'impulsions au cerveau par le moyen des nerfs optiques.
   . Le cerveau va alors traiter les informations reçues, il reconstruit l'image transmise par les deux rétines qui agissent comme une lunette binoculaire, et crée une image  tridimensionnelle.

Ce mécanisme permet alors de comprendre que la fleur décrite dans l'article précédent procède de :
     . La perception des photons de lumière que peuvent  capter les cônes rétiniens,
     . La reconstruction de notre cerveau qui organise les informations transmises et crée l'image en 3D.
     . La mise en œuvre par le cerveau des sentiments du type beauté, harmonie, éternité, fugacité qui accompagnent  la reconstruction visuelle effectuée.

À cet égard, il parait évident, que chaque être vivant pourvu du sens de la vision aura une vision propre de son environnement à la fois parce que le champ d'ondes capté par sa rétine est différent de celui de l'homme et que la reconstruction effectuée par le cerveau est également différente : ainsi la fleur tant admirée est perçue de mille manières par tous les êtres à qui il est donné de la regarder.

cette caractéristique biologique de la diversité des visions d'un même objet selon chaque espèce pose un problème philosophique considérable : PEUT-ON DÉPASSER LA PERCEPTION SUBJECTIVE POUR ACCÉDER À L'ASPECT  DES CHOSES EN SOI ? ( telles qu'elles sont dans leur réalité) en d'autres mots quelle est la réalité de la fleur par delà l'aspect subjectif que construit notre cerveau.

Ce problème a été posé de tout temps mais une des réponses les plus appropriées me semble avoir été fournie par le   philosophe allemand Emmanuel Kant (1724-1804)

Kant se pose en introduction de la "Critique de la raison pure" cette question de base : pouvons-nous atteindre la vérité au delà des apparences ? Le monde est-il comme nous le voyons ?

Pour ce philosophe, notre conception du monde se fonde sur :
   . L'entendement qui analyse les données des expériences effectuées
   . La Raison qui utilise les fruits de l'expérience pour en tirer des lois.

Cependant, pour Kant, la Raison humaine ne fonctionne pas dans l'absolu, tel un tableau vide, elle utilise un certain nombre de concepts dit " à priori" non fondés sur l'expérimentation,  ressentis comme nécessaires et universels,  mais qui ne sont que des constructions de l'esprit humain : l'espace-temps, le principe de causalité...

 En conséquence, nous ne voyons pas la réalité (le NOUMENAL selon Kant) mais l'apparence spatio-temporalisées de cette réalité (le PHÉNOMÉNAL)  : la chose " en soi" nous est à jamais inaccessible.

Nous ne connaissons donc le monde qu'à travers le prisme de notre structure mentale sans pouvoir dépasser cette apparence

En CONCLUSION de cet article, je me remémore à nouveau la fleur admirée dans le matin glacé et j'en tire deux sentiments
   . Le pessimisme de savoir que je ne verrai jamais la fleur telle qu'elle est et que je n'en aurai que l'illusion,
   . L'optimisme de savoir que mon cerveau est capable de concevoir la beauté et l'harmonie au travers de cette illusion.

C'est bien entendu le sentiment d'optimisme qui l'emporte en moi.

vendredi 27 décembre 2013

De la Nature. 1

" La nature est si belle quand on prend le temps de la regarder" : j'avais été frappé par cette phrase entendue de la bouche d'une vieille personne qui circulait en fauteuil roulant dans les allées d'un parc couvert de fleurs et m'en suis souvenu avec une étrange acuité, l'autre jour pendant une de mes promenades effectuée lors d'un matin glacé quand je suis tombé en arrêt devant l'harmonieuse beauté d'une humble fleur des champs.

 Cette fleur, engourdie par le froid et recroquevillée sur elle-même, avait été couverte par le givre d'une épaisse parure de diamants. Elle était immobile dans sa rigidité comme si, devenue un joyau, elle avait peur de voir tomber ses somptueux atours. Pour l'instant, les pâles rayons du soleil de l'aube la faisait étinceler de mille feux. Même le vent s'était calmé afin de ne pas perturber l'harmonie de cet instant glacé.

 J'eus l'impression que le temps s'était arrêté : rien ne bougeait, le ciel était d'un bleu pale immaculé, le silence était absolu, tout semblait figé, rien que pour moi. Je ressentis alors, fugacement, un curieux sentiment d'éternité, Certes cette impression n'était que subjective : c'est pourquoi, en prenant cette photo j'ai voulu conserver de manière quelque peu dérisoire, le sublime de cet instant.

 En effet, cette splendeur ne sera qu'éphémère : il suffira d'un peu de chaleur pour que la beauté éclatante de la fleur perde peu de son éclat puis disparaisse, la laissant à nu en proie à son hibernation hivernale.

 Face à ce moment d'ineffable sérénité, je remémorai un court paragraphe de "René" de Chateaubriand :

    " J'entrai avec ravissement dans le mois des tempêtes... j’aurais voulu être un de ces guerriers errant au milieu des vents, des nuages et des fantômes..... Le jour, je m’égarais sur de grandes bruyères terminées par des forêts. Qu’il fallait peu de chose à ma rêverie ! une feuille séchée que le vent chassait devant moi, une cabane dont la fumée s’élevait dans la cime dépouillée des arbres, la mousse qui tremblait au souffle du Nord sur le tronc d’un chêne, une roche écartée, un étang désert où le jonc flétri murmurait ! .... souvent j’ai suivi des yeux les oiseaux de passage qui volaient au-dessus de ma tête. Je me figurais les bords ignorés, les climats lointains où ils se rendent ; j’aurais voulu être sur leurs ailes. 
   Un secret instinct me tourmentait : je sentais que je n’étais moi-même qu’un voyageur, mais une voix du ciel semblait me dire : « Homme, la saison de ta migration n’est pas encore venue ; attends que le vent de la mort se lève, alors tu déploieras ton vol vers ces régions inconnues que ton cœur demande. »
    « Levez-vous vite, orages désirés qui devez emporter René dans les espaces d’une autre vie ! » Ainsi disant, je marchais à grands pas, le visage enflammé, le vent sifflant dans ma chevelure, ne sentant ni pluie, ni frimas, enchanté, tourmenté, et comme possédé par le démon de mon cœur."

Je ressentis, en me souvenant de ce texte, qu'il existait un dualisme étonnant entre le mouvement désordonné de la tempête dans laquelle se complait René et la profonde quiétude du bref instant que je venais de vivre, entre l'envie d'autres horizons et la recherche de l'éternité : ces deux composantes existent en moi comme en tout être humain même si j'ai l'impression que l'homme moderne ne prend plus le temps de s'arrêter et de profiter du moment , il ne cesse de courir après des chimères entre un passé à jamais révolu et un avenir imprévisible sans ressentir le présent.

jeudi 26 décembre 2013

Ce qu'il ne faut pas dire !

Cette caricature dessinée par Emmanuel Poiré dit Caran d'Ache est parue dans le Figaro du 14 février 1889, elle comporte la légende suivante :
       . "Ne parlons surtout pas de l'affaire Dreyfus" pour le premier dessin,
       . "Ils en ont parlé !" pour le deuxième.

 Et si on transposait ces dessins à notre époque ? De quoi faut-il ne pas parler ?
J'ai relevé au cours de nombreux repas de famille ou de société, quelques allégations qui peuvent mettre le feu aux poudres.

      - en premier lieu, il ne faut jamais demander à quelqu'un quel est son salaire : c'est un sujet tabou, cela permet aux uns d'imaginer que les voisins de table gagnent plus que lui et de les envier : ( qu'est-ce qu'ils doivent gagner avec le train de vie qu'ils ont ! ) et aux autres de se vanter en faisant étalage de leur luxe...

   - quand on est retraité, il ne faut pas faire état de la manière dont on vit (loisirs, vacances, projets), vous allez entendre immédiatement des réparties envieuses et  désobligeantes du type : " heureusement qu'on travaille pour vous payer vos retraites! " ou " nous on n'aura pas votre chance, on travaillera jusqu'a l'âge de .. pour avoir une retraite minable"      

- autre sujet tabou, le poids des convives, il est inconvenant d'évoquer les problemes d'obésité et de surpoids, ils ne doivent pas être dévoilés dans leur brutalité clinique pendant un repas, car ils traumatisent ceux qui en sont atteints et leur coupera l'appétit ! Par contre, il parait normal que chacun décrive avec emphase le dernier régime alimentaire qu'il a accompli et de combien de kilogrammes il a maigri ! ( "mais depuis, j'ai repris...")

      - il ne faut pas non plus évoquer le gouvernement : immédiatement, l'assistance se divisera en deux camps. Les laudateurs du régime précédent ( du temps de ...) , les déçus du régime actuel ( j'avais voté pour lui , si j'avais su ! ) ; quelques-uns se tairont, ce sont ceux qui sont d'accord avec la politique actuelle et qui ont avantage à se taire car, sinon on leur tombera dessus. br />      

- on ne parle pas non plus des immigrés, immédiatement, le ton montera : les uns clameront qu'ils sont responsables de tous les maux, chômage, insécurité..., les autres diront qu'heureusement qu'ils sont là pour faire tous les sales travaux dont personne ne veut : la bagarre est assurée.

     - Il n'est pas de bon ton non plus de parler des résultats scolaires si les enfants des convives sont en échec, d'ailleurs à quoi bon le faire puisqu'on s'attirera la même réponse : "mon enfant est intelligent, c'est la maîtresse qui est incapable...."

      - Ne pas dire non plus " vous dites que que vous n'avez jamais le temps, vous êtes pourtant soumis au régime des 35 heures" on vous regardera d'un air courroucé et on vous répondra qu'on travaille beaucoup plus que 35 heures chaque semaine. que seuls les fonctionnaires... ( on connaît la chanson qui suit ! )

     -Il ne faut pas parler des musées visités, ni d'art, ni de culture, vous serez l'objet d'une opprobre généralisée : dans un repas de fête, on n'a pas besoin d'"intello"

 De quoi faut-il alors parler ? De tout le reste : les programmes de la télévision, les derniers achats effectués, les résultats de l'équipe de France...