REMARQUE
. Tous les articles de ce blog ont été rédigés par moi-même sans emprunt littéral à d'autres auteurs, ils sont le fruit d'une documentation personnelle amassée au cours des ans et présentent ma propre vision des choses. Après tout, mon avis en vaut bien d'autres.
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Mon blog étant difficilement trouvable par simple recherche sur internet, voici son adresse : jeanpierrefabricius.blogspot.com

mardi 2 juin 2015

Mentalités et comportements au temps de la croisade (81) : LES FORTERESSES DES TEMPLIERS et le système de défense des états francs.

IMAGES DES FORTERESSES

A la douceur des paysages qui entourent les pèlerins sur les chemins des lieux saints, s'oppose la rudesse des forteresses dominant leur périple. Ces forteresses, généralement construites sur les promontoires, s'égrenaient le long  de la route, leur présence devait rassurer les pèlerins en leur donnant un sentiment de sécurité ainsi que la certitude  d'être protégés.

Pour moi, paradoxalement, c'est en regardant les ruines d'un château que je ressens le plus sa puissance car elles me permettent de laisser courir mon imagination.

Actuellement, il ne subsiste des deux châteaux de BEAUFORT et de SUBEIBE photographiées dans les années 20, que des restes de tours arasés et de soubassements de murailles alternant avec les roches en place qui semblent les consolider comme pour les préserver. Sur ces éperons, dépourvus de la végétation arbustive qui pourrait adoucir les formes, subsiste la ruine à nue ce qui la rend encore plus imposante ; elle ressemble à ces nids d'aigle quasiment inaccessibles des légendes germaniques et présente un aspect compact aux formes décharnées et déchiquetées, quasiment fantomatiques.

Il faut peu d'efforts à l'imagination pour reconstruire virtuellement ces forteresses en ruines, il suffit par la pensée d'élever les murailles pour créer un château si haut qu'il semble rejoindre le ciel !

En laissant vagabonder sa pensée, on peut aussi ressentir la présence de la petite garnison qui y vivaient en permanence dans des conditions probablement difficiles ; il faut l'imaginer sur la plateforme de la tour-donjon surveillant d'un regard inquiet le magnifique panorama qui se déployait devant eux, à la recherche de tous les signes qui pourraient signaler une incursion de leurs ennemis : fumée, nuage de poussières, incendies... On peut imaginer aussi dans les châteaux des ordres militaires qu'aux cris de guerre s'ajoute le tintement des cloches qui rythment la prière. Enfin, on peut imaginer le désespoir de ces hommes qui durent capituler après une résistance acharnée menée jusqu'à l'extrême limite de leurs forces. ( SUBEIBE capitule devant l'armée de Nur-el-Din en 1164, BEAUFORT en 1190 devant l'armée de Saladin)

On mesure encore mieux la puissance de ces forteresses quand la beauté sauvage de ces ruines se conjugue au déchaînement des éléments naturels comme dans cette gravure qui représente le CHATEAU DE LA MER à Sidon ( construit en 1227-8).

La nature témoigne d'une violence extrême comme si tous les éléments s'étaient associés pour détruire la forteresse. A ce déchaînement conjugué de la mer et de la tempête semble répondre l'impassibilité et la sérénité de la muraille comme si elle semblait dire : j'ai été construite puis démolie  par les hommes, votre violence n'a aucune prise sur moi seuls les hommes seront à même de me détruire !

Cette image m'évoque les gravures de Gustave Doré et l'amour de la tempête dont Chateaubriand témoigne dans René.

dimanche 31 mai 2015

Mentalités et comportements au temps de la croisade (81) : LES FORTERESSES DES TEMPLIERS et le système de défense des états francs.

IMAGES DES PÈLERINAGES (suite)

La même impression de beauté et d'harmonie devait être ressentie par les pèlerins quand, après une longue marche, ils arrivaient à Nazareth, lieu de l'Annonciation ; pour ces pèlerins, va commencer la seconde partie de leur trajet, celle de la vie terrestre de Jésus et de ses œuvres.

 La ville est étagée sur les flancs de la colline et on y distingue bien l'ancienne basilique. Actuellement une grande église moderne la remplace, elle surmonte les ruines de la maison (supposée) de Marie. Face à cet humble et simple édifice, on ressent une étrange impression et sans doute aussi les mêmes sentiments que ceux des pèlerins de l'époque des croisades.


Apres Nazareth, les pèlerins gagnaient le lac de Tibériade où ils pouvaient suivre pas à pas, en longeant la berge, les hauts faits de Jésus dans sa vie terrestre. Sur la gravure, les paysages respirent la paix, la sérénité et la quiétude, : un moutonnement de collines et de basses montagnes aux formes arrondies et douces, une corolle végétative autour des eaux calmes du lac créent les conditions de la réminiscence de tout ce qui se passa ici : la pêche miraculeuse, la tempête calmée, la multiplication des pains, la maison de Pierre, le sermon sur la montagne...

Paradoxe de cette époque et des mentalités croisés pour qui violence et sauvagerie sont de mise, les pèlerins entendent évoquer cette phrase des béatitudes  : " Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu" !

Cette évocation des pèlerinages par les gravures anciennes est sans doute un peu trop idyllique, ils faudrait la corriger pour évoquer les conditions pratiques dans lesquelles ils s'accomplissaient : les longues marches, la chaleur (le trajet de Ramleh à Jérusalem se faisait de nuit pour y pallier), les possibles attaques des brigands, la fatigue et l'épuisement, les maladies, l'impossibilité de se rendre à certains endroits à cause de la guerre... Tous ces aléas doivent être cependant relativisés, d'abord parce qu'on voyageait en groupes dans lesquels la charité et la solidarité devaient jouer à fond, ensuite par le fait que les voies de pèlerinage étaient jalonnées de lieux d'accueil (monastères, hôpitaux) où l'on pouvait être hébergé, nourris et soigné, enfin et surtout parce que les pèlerins étaient animés par leur foi qui devait tempérer et même faire oublier la dureté des conditions de voyage.

samedi 30 mai 2015

Mentalités et comportements au temps de la croisade (80) : LES FORTERESSES DES TEMPLIERS et le système de défense des états francs.

IMAGES DES PÈLERINAGES (suite)



Le pèlerinage se poursuivait ensuite vers Bethléem où l'on priait sur le lieu de la Nativité puis vers Hébron où se trouvaient les tombes des prophètes. Ces deux villes, représentées par des gravures du XIXè siècle, étaient de petites bourgades de maisons cubiques blanches serrées les unes contre les autres pour se protéger des dangers et établis dans des vallées plantées d'oliviers et sans doute de cultures variées. Les pèlerins devaient, une nouvelle fois, ressentir la douceur et l'harmonie des paysages ainsi que la sensation d'être dans un monde très différent de le leur. Le dépaysement devait cependant être atténué par le fait qu'au dessus des maisons s'élevaient les clochers des églises qui remplaçaient à l'époque des croisades les minarets des mosquées que les gravures représentent.

Les bords du Jourdain étaient, comme je l'ai écrit, un lieu d'une grande importance pour les pèlerins qui viennent rituellement se baigner près du lieu où se produisit le baptême de Jésus. L'endroit est bucolique, l'eau et les arbres composent un paysage de quiétude et de paix. J'ai visité cet endroit il y a longtemps et j'ai ressenti la même impression de sérénité et d'apaisement que celle révélée par la gravure.

Il est facile d'imaginer la ferveur des pèlerins qui s'y baignent et renouvellent les engagements du baptême qui leur avait permis dès leur naissance d'entrer dans l'espérance de la vie éternelle. En ce sens, l'immersion dans les eaux du Jourdain allait de pair avec la prière au Saint-Sépulcre : l'une permettait la rémission des péchés, l'autre renouvelaient la promesse de la vie éternelle : pur de tout péché, le pèlerin était sûr d'obtenir son salut.

À suivre...

vendredi 29 mai 2015

Mentalités et comportements au temps de la croisade (79) : LES FORTERESSES DES TEMPLIERS et le système de défense des états francs.

Pour illustrer  en quelques images les chapitres précédents concernant les forteresses des Etats francs de Terre sainte et les paysages des lieux saints, je n'utiliserai pas de photos actuelles car, selon moi, aucune de ces photos ne rend l'atmosphère si particulière de la Terre sainte. En outre,  les paysages ont été tant bouleversés par la civilisation moderne qu'ils ne signifient plus rien à l'exception toutefois des lieux saints proprement dits, conservés à l'intérieur des églises du  saint Sépulcre, de Bethléem et de Nazareth.

IMAGES DES PÈLERINAGES

Afin de tenter de retrouver les impressions mentales des pèlerins venant prier sur les lieux saints, mieux vaut se référer aux gravures et tableaux peints par des artistes du 19ème siècle, ils représentent en effet des paysages qui devaient largement ressembler à ceux de l'époque des Etats francs

Les pèlerins arrivaient à Jaffa ou à Acre. Ils avaient accompli un long trajet généralement maritime ; partis pour la plupart d'Italie du sud, il leur avait fallu plus d'un mois pour arriver en Terre Sainte. Ainsi Philippe Auguste, parti de Messine le 30 mars 119,  arrive devant Acre le 20 avril, le Cardinal Thiard Visconti se trouve à Acre quand il apprend qu'il a été élu pape (Grégoire X), il part d'Acre le 11 ou le 18 novembre 1271 et arrive à Brindisi le 1er janvier 1272, soit un trajet de 20 jours pour le roi de France et de 42 ou 50 jours pour le nouveau pape.

Les deux gravures (Jaffa de Woodward et Acre de Bartlett) représentent ces deux ports. Outre le soulagement d'avoir atteint la Terre Sainte, ce qui devait frapper les pèlerins en arrivant à Acre ou Jaffa, c'était la puissance des remparts bordant la mer et battus par les flots ; on devait ressentir un sentiment d'indestructibilité de ces murailles que la mer ne faisait d'effleurer sans pouvoir les détruire ; on avait aussi cette impression que rien ne pourrait chasser les francs de ces terres,  considérées comme conquises pour l'éternité. Puis ils rentraient dans le port et accostaient enfin ; la ville leur apparaissait alors avec ses petites maisons cubiques ; leur étonnement devait être grand face à ce paysage qui ressemblait un peu à l'Italie mais surtout manifestait le dépaysement de l'orient.

Puis les pèlerins s'organisaient pour le départ vers les Lieux-Saints. En général, ils s'agrégeaient à un groupe,  partaient à pieds accompagnés de quelques mules et  louaient souvent les services d'un guide local. S'ils étaient arrivés à Jaffa, ils se rendaient d'abord à Jérusalem. Les deux gravures (Miller 1860 et Stanfield 1852) présentent Jérusalem sans doute comme la virent les pèlerins du 13eme siècle

La vue générale est celle qu'ils aperçurent de la ville sainte depuis le mont des Oliviers, ils furent sans doute immédiatement saisis par la beauté du lieu et surtout par sa sacralité. En un regard, toute l'histoire sainte se déployait devant leurs yeux : l'esplanade du Temple, l'ancien dôme du Rocher, devenu une église que les francs avaient surmontée d'une croix, la Porte Dorée, encore ouverte à cette époque, par où Jésus serait entré à Jérusalem  le jour des rameaux et où il réapparaîtra pour le jugement dernier, le jardin des oliviers de l'agonie..

Le moment le plus fort du pèlerinage était bien entendu la visite au Saint-Sépulcre, quand les pèlerins arrivaient devant l'entrée que l'on aperçoit ci dessus, il est probable qu'ils devaient ressentir une forte émotion assortie d'une ferveur exaltée et d'une grande allégresse, ils étaient enfin arrivés ! Pourtant, autrefois comme aujourd'hui, ils ne pouvaient effectuer qu'un bref séjour devant la pierre sur laquelle fut, selon la tradition, déposé le corps du Christ, tant il y a de monde. Il est probable néanmoins qu'en sortant, beaucoup de pèlerins devait se sentir soulagés et heureux à la fois d'avoir accompli leur vœu et, en conséquence, d'avoir obtenu la rémission de leurs péchés. Ensuite, il leur était possible d'être hébergé à l'hôpital  des hospitaliers de saint Jean de Jérusalem qui se trouvait à quelques pas du Saint Sépulcre.

La représentation du saint Sépulcre sur cette gravure montre l'édifice après sa reconstruction terminée en 1149.

mercredi 27 mai 2015

Mentalités et comportements au temps de la croisade (78) : LES FORTERESSES DES TEMPLIERS et le système de défense des états francs.

LA MISE EN DEFENSE DES POSSESSIONS ORIENTALES DU ROYAUME DE JERUSALEM (suite)

La SEIGNEURIE D'OUTRE-JOURDAIN était dans une situation très différente de la TERRE de SUETE au niveau de son système de défense comme au niveau de sa géographie.

Elle se déploie en bandes longitudinales avec d'Est en Ouest :
     . Le fossé d'effondrement qui se poursuit de la vallée du Jourdain à la mer Morte puis au Wadi Araba jusqu'à la mer Rouge. Dans sa partie nord, cette région était, à l'époque des croisades, bien cultivée.
     . A l'est de ce fossé se trouve le rebord de faille qui constitue un massif montagneux échancré de vallées courtes descendant vers le fossé.
     . Au piémont oriental de ce massif se trouve une bande nord-sud de zones cultivées au moyen de l'irrigation ainsi que des espaces propices à l'élevage.
    . Au delà, se développe un plateau qui descend insensiblement jusqu'au désert. Ce plateau devient de plus en plus aride vers l'est.

La Seigneurie d'Outre-Jourdain ne comportaient pas de villes et était peuplée essentiellement de semi-nomades, capables de se muer en pillards et dont il fallut contrôler les déplacements.

La frontière orientale présente les mêmes caractéristiques que la frontière sud du royaume, elle est imprécise et fluctuante, de ce fait, le système défensif comporte une chaîne de fortins et de forteresses d'arrêt destiné à stopper toute invasion. En ce sens, la Seigneurie d'Outre-Jourdain présente une situation très différente de celle de la TERRE DE SUETE qui pouvait compter sur l'arrivée rapide de l'ost venu de Galilée en cas d'invasion ; la seigneurie d'Outre-Jourdain ne possédait pas le même avantage : très éloignée du reste du royaume, ( il fallait pour y accéder contourner la Mer Morte)  elle ne devait compter que sur ses propres structures défensives.

On pourrait penser que cette seigneurie qui comporte en grande partie des déserts inhabités serait pauvre et de faible revenu, ce n'est cependant pas le cas car une route très importante la parcourt du Nord au Sud.

Cette route passe au pied des montagnes qui constituent le rebord de faille et correspond :
      - en premier lieu à une voie commerciale qui mène à la Syrie et à la mer Rouge  ; par là, passent les caravanes menant vers le Nord les produits venus des Indes, d'Afrique et d'Arabie,  passant par la mer Rouge et transitant à Eilat. En retour, les caravanes emmènent les produits des contrées septentrionaux vers l'orient.
     - En deuxième lieu, à la route des caravanes de pèlerins venus du nord se rendant puis revenant du pèlerinage à La Mecque et Medine. Ils arrivent par cette route jusque Eilat, prennent un bateau et débarquent à Djeddah.

Dans ces conditions, il est évident que les forteresses des francs et les fortins épars ont été établies le long de cette voie ou à faible distance de celle-ci. En effet, le seigneur d'Outre-Jourdain percevait un péage sur les caravanes, en échange, il devait assurer la sécurité sur leur parcours.

Ainsi les forteresses et fortins avaient un double rôle local :
     . Surveiller les mouvements des pillards venus de l'est,
     . Sécuriser la voie des caravanes tant de commerçants que de pèlerins.
A ce double rôle s'ajoutait une fonction d'ensemble qui était de constituer une marche frontière protégeant le royaume de Jérusalem en avant de la mer Morte.

Le seigneur d'Outre-Jourdain disposait également d'un revenu annexe sous forme d'un droit sur les flottilles de bateaux qui parcouraient la Mer Morte alors navigable, menant vers le nord les produits des oasis établies à la frange montagneuse du rebord oriental de faille.

La construction des forteresses importantes de la Seigneurie d'Outre-Jourdain est étroitement dépendante de la phase de constitution de la Seigneurie qui débute en 1116 :
     - en 1116, le roi Baudouin 1er effectue plusieurs expéditions pour réaliser la conquête de l'Outre-Jourdain, il arrive jusqu'au port d'ELATH qu'il fortifie et construit les forteresses de VAL-MOYSE située près de PETRA et du KRAK DE MONTRÉAL qui devient le centre de la seigneurie. Cette seigneurie est donnée en fief en 1118 à Romain du Puy mais celui-ci sera dépossédé de ses terres en 1132 par le roi Foulques pour cause de félonie.
     - le fief est ensuite remis à Payen le Bouteiller qui va faire construire la forteresse du KRAK DE MOAB (KERAK) en 1142 afin de protéger la partie nord de la seigneurie des incursions des nomades.
     - enfin, en 1162, un accord entre Baudouin II et Philippe de Milly seigneur de Naples (Naplouse) indique que le roi recevra tous les fiefs possédés par Philippe à Naplouse et Tyr ; en échange, Philippe recevra toutes les possessions royales outre Jourdain, ce qui unifie la seigneurie autour du même vassal. Philippe de Milly entrera dans l'ordre du Temple et il cédera la forteresse d'AHAMANT (Amman) à l'ordre dont il deviendra le maître.

Jusque 1170, la seigneurie d'Outre-Jourdain vit dans une paix relative : elle est, en quelque sorte, un no-man's-land entre deux Etats qui ne sont pas en bons termes, l'émirat de Damas sunnite et le califat fatimide d'Egypte chiite. D'ailleurs, aucun des deux Etats ne formule de revendications particulières sur ces territoires.

Tout va changer à l'époque de Nur al Din et surtout de Saladin qui prit le pouvoir en Égypte en abolissant le califat fatimide en 1171 etse rendit maître de Damas en 1174. Pour Saladin, la Seigneurie d'Outre-Jourdain était devenu un obstacle majeur pour l'unification de ses Etats. Pourtant il ne fut pas à l'origine de la guerre qui aboutit à la conquête de l'Outre Jourdain et au quasi-anéantissement du royaume de Jérusalem après la bataille de Hattin ;  celui qui en fut responsable fut un aventurier cupide et un brigand sans scrupules, Renaud de Châtillon.
   

mardi 26 mai 2015

Mentalités et comportements au temps de la croisade (77) : LES FORTERESSES DES TEMPLIERS et le système de défense des états francs.

LA MISE EN DEFENSE DES POSSESSIONS ORIENTALES

les possessions du royaume de Jérusalem à l'est du Jourdain forment, comme il a été dit plus avant, deux excroissances : la TERRE DE SUETE et la SEIGNEURIE D'OUTRE-JOURDAIN. Chacune possède ses spécificités et sont très différentes l'une de l'autre.

La TERRE DE SUETE est une région peuplée comportant de nombreux villages. Elle constitue une sorte de marche frontière en tant que position avancée du royaume de Jérusalem face aux positions damascènes et à Damas qu'elle menace directement. En conséquence, sa frontière est fluctuante dépendant des rapports de forces entre le roi de Jérusalem et l'atabeg de Damas.

Cette caractéristique a pour conséquence le fait qu'on ne trouve pas dans cette terre de Suete  de grandes forteresses ; la seule que les francs tentèrent de construire fut démantelée avant son achèvement ; en effet, la construction d'une grande structure prend beaucoup de temps et pendant cette période, elle est vulnérable aux attaques. Dans cette région peuplée, il était préférable, pour contenir une attaque ennemie, de compter sur un maillage assez dense de nombreux petits fortins d'arrêt entourés d'un lacis de villages fortifiés appelés casal.

Le rôle militaire de ces fortins est néanmoins limité : elles ne servent qu'à arrêter l'ennemi en attendant l'arrivée de troupes venues du royaume. La terre de Suete est en effet proche de la Galilée et d'ailleurs, elle est possession de son prince. En cas d'attaque, ces fortins peuvent contenir l'avancée de l'ennemi en attendant l'arrivée de l'ost princier.

Ces petites structures sont de trois sortes :
     . Des tours-donjons établies sur des hauteurs réputées  inaccessibles,
     . La réutilisation de ruines antiques ( temple de Zeus à Jerash par exemple)
     . Des châteaux troglodytes dans les grottes des versants.

A ce rôle militaire limité s'ajoutaient deux autres fonctions plus immédiates :
     . Imposer et affirmer la souveraineté des francs sur les villages,
     . Assurer la sécurité moyennant péage des caravanes parcourant le pays sur la grande voie qui mène de Syrie à l'Arabie et à l'Egypte.

lundi 25 mai 2015

Mentalités et comportements au temps de la croisade (76) : LES FORTERESSES DES TEMPLIERS et le système de défense des états francs.

 Les forteresses protégeant les lieux stratégiques et les zones frontalières (suite)

La frontière sud.

La défense  de la limite sud du royaume de Jérusalem n'était pas organisée selon nos concepts actuels, on ne pouvait en effet pas parler de frontière fixe mais plutôt d'un glacis aux limites imprécises et fluctuantes : cette caractéristique s'explique sans peine : le sud du royaume est constitué d'un désert coupé seulement de quelques oasis dans lequel une limite frontalière est exclue à cette époque,

Ces caractéristiques expliquent la manière dont est organisée la défense de cette partie du royaume : elle se compose de forteresses verrouillant les voies d'invasion possible et permettant de lancer des offensives vers le sud.

Une telle structuration de l'espace qui avait été réalisée pour le siège d'Ascalon était parfaitement adaptée à la défense du sud du royaume, ce qui explique qu'elle n'a pas été ni modifiée ni même complétée :
     . IBELIN  (11) gardait la route côtière au nord.
     . GAZA (12) et DARUM (13) contrôlaient la voie littorale provenant d'Égypte, barraient toute incursion provenant du sud mais aussi permettaient aux francs de lancer des attaques contre l'Egypte.
     . BETHGIBELIN (10) et  BLANCHE GARDE (9) puis au delà, le TORON DES CHEVALIERS (4) protégeaient la route  partant de Gaza vers Jérusalem et Hebron.

La partie Sud-Est du glacis frontalier au delà d'Hebron ne disposait que quelques postes de défense échelonnés sur la piste qui part d'Hebron, contourne la mer Morte et se continue dans la Seigneurie d'Outre-Jourdain ; cette quasi-absence de système défensif s'explique sans peine :
     . D'abord, on se trouve dans un désert à l'écart des voies de communication et d'invasion, la route par où les armées fatimides attaquaient était essentiellement celle du littoral.
     . Ensuite, cette zone était englobée dans les Etats francs puisque la Seigneurie d'Outre-Jourdain se déployait largement à l'est de la mer Morte. La ligne défensive était donc reportée plus à l'Est.

dimanche 24 mai 2015

Mentalités et comportements au temps de la croisade (75) : LES FORTERESSES DES TEMPLIERS et le système de défense des états francs

 Les forteresses protégeant les lieux stratégiques et les zones frontalières (suite)

La partie centrale du royaume de Jérusalem 


En arrière du littoral à l'ouest et de la route Jérusalem-Nazareth se trouve une ligne intermédiaire de châteaux comportant deux tronçons :
     . Dans sa partie sud, ont été construites  des forteresses au niveau du piémont montagneux ; elles  peuvent constituer une seconde ligne de défense du littoral, cependant leur rôle primordial semble être plutôt de former le centre des seigneuries que les francs se sont constitués et qui dominent la plaine où sont établis les villages et terres assujetties. C'est le cas pour le château de MIREBEL (37), de CACHON (38) ou de CALENSUE (38) qui fut cédé ensuite aux Hospitaliers. Gardant la route de Naplouse à Cesarée se trouvait le CASTELLUM AERAE (39) appartenant aux templiers.
     . Le deuxième tronçon correspond à la vallée de l'Esdrelon qui est située entre les monts Carmel au sud et les derniers contreforts du mont Liban au nord. Cette plaine se termine par une large baie entre Haiffa et Acre. Ont déjà été cités les deux forteresses templières de SAFRAN (21) et de SAPHORIE (20) au nord de la plaine, protégeant la route des pèlerins de TIBERIAS (17) à ACRE. Au sud de la plaine se trouve, entre autre, le château de LA FEVE (40)

Ainsi, dans cette partie centrale apparaissent nettement cinq bandes longitudinales :
     . La bande littorale associant ports fortifiés et forteresses qui gardent la route longeant le rivage.
     . Une bande établie au niveau du piémont des monts de Judée comportant des châteaux qui forment  le cœur des seigneuries se développant en contrebas.
     . La voie des pèlerins de Jérusalem à Nazareth protégée par quelques fortins.
     . La ligne de forteresses au niveau des voies de passage possible à travers les monts de Judée.
     . La ligne naturelle des crêtes des mont de Judée et du Jourdain.