REMARQUE
. Tous les articles de ce blog ont été rédigés par moi-même sans emprunt littéral à d'autres auteurs, ils sont le fruit d'une documentation personnelle amassée au cours des ans et présentent ma propre vision des choses. Après tout, mon avis en vaut bien d'autres.
. Toutes les citations de mes articles proviennent de recherches sur les sites gratuits sur Internet



Mon blog étant difficilement trouvable par simple recherche sur internet, voici son adresse : jeanpierrefabricius.blogspot.com

vendredi 10 juillet 2015

Mentalités et comportements au temps de la croisade (105) : LES HOSPITALIERS DE SAINT JEAN DE JERUSALEM SOUS LES SUCCESSEURS DE RAYMOND DU PUY JUSQU'À 1187

LES HOSPITALIERS DANS LA DEFENSE DU ROYAUME

LA PARTICIPATION EFFECTIVE À LA GUERRE DÉFENSIVE : LA BATAILLE DE LA FONTAINE DE CRESSON

Elle est nommément citée dans un curieux texte de BERNARD LE TRÉSORIER (continuateur de Guillaume Tyr datant de la fin du 13eme siècle ) mais aussi par JACQUES DE VITRY ;  avant de la décrire, il convient de rappeler les événements qui se sont déroulés précédemment.

RAPPEL DES EVENEMENTS CONTEMPORAINS
Le contexte historique de la bataille de la fontaine de Cresson peut être décrit au moyen du récit de Jacques de Vitry illustré  par l'arbre généalogique des rois de Jérusalem

Depuis 1174, règne à Jérusalem le roi Baudouin IV atteint de la lèpre, il est sacré roi de Jérusalem alors qu'il est âgé de 13 ans ;  jusqu'à ce qu'il atteigne 15 ans, le royaume est dirigé par un régent, le comte Raymond III de Tripoli.

La suite de cette histoire est décrite avec beaucoup de précision dans la chronique de Jacques de Vitry.

"Cependant le roi n'ayant pas voulu se marier, à cause de sa maladie, donna en mariage les deux sœurs qu'il avait, savoir Sibylle, l'aînée, et Isabelle, la cadette, à deux hommes de naissance illustre: Sibylle à Guillaume Longue-Épée, marquis de Montferrat; et Isabelle à Honfroi de Toron. Guillaume étant mort, et ayant laissé un fils encore enfant, qui fut nommé Baudouin, le roi donna sa veuve en mariage à un certain jeune homme du comté du Poitou, nommé Gui de Lusignan; et comme ses infirmités l'accablaient de plus en plus, il lui confia aussi toute l'administration du royaume; mais Gui, ayant encouru la colère du roi [ à cause de son incapacité], perdit son crédit et le gouvernement du pays."

Sa maladie s'allant en s'aggravant, Baudouin IV décide d'organiser sa succession afin d'écarter Gui de Lusignan :

" Le roi ayant alors convoqué les grands du royaume, fit donner l'onction royale à son neveu Baudouin, encore tout petit [âgé de cinq ans ] et remit cet enfant, ainsi que les affaires publiques... sous la tutelle du comte de Tripoli [ Raymond III ].

"Peu de temps après, le roi Baudouin le Lépreux étant entré dans la voie de toute chair, et le jeune roi Baudouin étant mort également [en 1186 ], Gui de Lusignan fut élevé au trône par l'assistance de sa femme Sibylle, à qui le royaume appartenait [en tant que plus proche parent des deux rois défunts et ] en vertu de ses droits héréditaires; et il en prit possession, sans demander le consentement du comte de Tripoli, qui était à cette époque administrateur de tout le royaume. "

Gui de Lusignan était donc devenu roi sans l'avis du régent Raymond III, ce qui ne pouvait qu'indigner le comte de Tripoli. Il s'en suivit une division du royaume entre les partisans de Gui (dont fait partie le maître des templiers Gérard  de Ridefort) et ceux de Raymond (dont fait partie le maître des hospitaliers Roger du Moulin)

A cette époque, Raymond III dispose d'une puissance à peu près égale de celle du roi : en effet, outre le comte de Tripoli, a contracté mariage avec la dame de Tibériade, qui était aussi souveraine de toute la Galilée : Raymond III  devenait de ce fait comte de Tripoli et prince de Galilée

"Pour organiser sa vengeance, le comte conclut une trêve avec Saladin, sans consulter le roi  dont il se déclara l'ennemi"

Ainsi le comte de Tripoli va privilégier le combat contre Gui de Lusignan au détriment du combat contre Saladin !

Cette situation était très dangereuse car Saladin ne manquerait pas de profiter de la division du royaume pour l'attaquer, c'est d'ailleurs ce qu'explique Jacques de Vitry : " Saladin, homme rusé, doué d'une grande expérience et fort habile à la guerre, reconnut aussitôt qu'un royaume divisé en lui-même peut être facilement désolé, et que l'on entre aisément par la vaste brèche que fait la discorde "

Devant ce danger, il se constitua une délégation comportant Balian d'Ibelin, l'archevêque de Tyr et les maîtres du Temple et de l'Hôpital qui rencontra le comte de Tripoli à Tibériade le 29 mars 1187 pour tenter de concilier les points de vue et éviter une guerre interne entre chrétiens. Un mois plus tard eut lieu la bataille de la fontaine de Cresson.

mercredi 8 juillet 2015

Mentalités et comportements au temps de la croisade (105) : LES HOSPITALIERS DE SAINT JEAN DE JERUSALEM SOUS LES SUCCESSEURS DE RAYMOND DU PUY JUSQU'À 1187

LES HOSPITALIERS DANS LA DÉFENSE DU ROYAUME

LA PARTICIPATION EFFECTIVE À LA GUERRE DÉFENSIVE
Celle-ci est assez difficile à trouver dans les textes médiévaux que j'ai pu consulter en libre accès sur internet. En outre, ils ne donnent guère  d'informations sur la question qui me semble la plus importante : les frères-chevaliers participaient-ils effectivement au combat ou le grand-maître ne conduisait-il que les chevaliers et les sergents stipendiés ?

Pour montrer les caractéristiques de la participation de l'ordre de l'hôpital aux guerres défensives, je prendrai deux exemples :

Le premier est cité par Guillaume de Tyr, il concerne les événements consécutifs au DON A L'HÔPITAL DE LA MOITIÉ DE LA VILLE DE PANEADE (Banyas)

L'extrait ci-dessous décrit les motivations de ce don, il ne s'agit évidemment pas d'une aumône mais beaucoup plus d'un partage des frais occasionnés pour la mise en défense de la place tant en entretien de la garnison et que de la participation au renforcement des moyens de défense.

" A peu près à la même époque, Honfroi de Toron, connétable du Roi, et seigneur à titre héréditaire de la ville de Panéade, fatigué des dépenses qu'il avait à faire et des sollicitudes continuelles que lui donnait cette ville, voyant qu'il lui serait impossible de s'y maintenir et de la gouverner à lui seul, obtint le consentement du Roi pour en faire un partage égal avec les frères Hospitaliers ; de telle sorte que ceux-ci étant possesseurs de la moitié de la ville et de toute sa banlieue, entrèrent aussi pour moitié dans toutes les dépenses d'utilité et de nécessité publiques, et concoururent, selon leur devoir, à la défense de leur portion.

Cette ville se trouvait située sur les confins du territoire des ennemis, et par conséquent fort près d'eux, en sorte qu'on ne pouvait y arriver ou en sortir sans courir les plus grands dangers, à moins de marcher avec une forte escorte ou de suivre secrètement des chemins détournés."

Une fois ce don effectué, les hospitaliers durent  approvisionner la ville en vivres et installer une garnison afin de soutenir un siège éventuel, en conséquence, l'ordre organisa une caravane qui se dirigea vers Paneade.

"Les frères, après avoir pris possession de la partie de la ville qui leur échut, résolurent un jour de faire des approvisionnements en vivres et en armes, et de conduire des troupes dans la place, afin de la mettre en bon état de défense. Ils rassemblèrent à cet effet un grand nombre de chameaux et d'autres animaux destinés au transport des bagages; ils se mirent en marche avec leur suite, afin d'accompagner leur expédition et de l'appuyer, au besoin, de la force des armes, et se dirigèrent vers la ville de Panéade, dans l'intention de l'approvisionner pour un long espace de temps."

C'est quand ils arrivent aux portes de la ville que la caravane est attaquée : les soldats de l'ordre ne semblent pas avoir  résisté longtemps, les uns sont tués, les autres prennent la fuite, ceux qui sont rattrapés sont fait prisonniers : cette faible résistance fait penser qu'il ne devait pas y avoir de frères chevaliers présents  car ceux-ci se seraient défendu avec beaucoup plus de vigueur.

"Déjà ils étaient arrivés assez près de la ville avec tous leurs bagages, quand tout-à-coup les ennemis, instruits de leur approche, se présentèrent devant eux, et, les pressant du glaive, renversant et tuant un grand nombre d'entre eux, rompirent les rangs et s'emparèrent du convoi, tandis que le reste de la troupe cherchait son salut dans la fuite. Tous ceux que la vivacité de l'attaque empêcha de se sauver périrent par le glaive ou furent chargés, de fers. Ainsi toutes les provisions qui avaient été rassemblées pour le service de la place tombèrent au pouvoir des ennemis pour être employées à son préjudice."

Au vu de ce qui venait de se produire et pour éviter des attaques ultérieures  l'ordre de l'hôpital préféra abandonner sa part dans la ville et le rendit à son ancien propriétaire. Ce renoncement est pour moi un second élément qui permet de penser que l'ordre disposait de moyens militaires insuffisants pour des opérations autres que la garde des forteresses.

"Les frères cependant, redoutant de nouveaux accidents du même genre et les dépenses qui en résultaient, renoncèrent aux conditions stipulées par leur traité, et résignèrent entre les mains d'Honfroi de Toron leur portion de propriété sur la ville, avec les charges et les bénéfices qui en résultaient."

mardi 7 juillet 2015

L'ÉCHEC DE L'OFFENSIVE DE LA DEUXIEME CROISADE SUR DAMAS EN 1148 (2)

LES CAUSES DE L'ÉCHEC

Dans le cours de son récit, Guillaume de Tyr évoque une trahison de certains seigneurs francs de Terre Sainte :  les damasquins  leur ayant versé de l'argent afin qu'ils mènent la croisade vers le sud de la cité, là où il était impossible qu'elle réussisse à prendre Damas,

Dans  le paragraphe qui suit la description de la bataille, Guillaume de Tyr va se livrer à une analyse plus précise des causes de l'échec en effectuant une enquête auprès de ceux qui avaient vécu l'événement :

"Je me souviens d'avoir très-souvent questionné à ce sujet des hommes sages, et qui avaient conservé un souvenir très-fidèle des événements de ce temps, et je le faisais principalement avec l'intention de pouvoir consigner dans cette histoire tout ce que j'en aurais appris. Je leur demandais quelle avait été la cause de ce grand malheur, quels étaient les auteurs de ces crimes, comment un projet aussi détestable avait pu être exécuté. J'ai recueilli des rapports fort divers sur les causes que l'on peut assigner à cet événement "

La première mise en cause concerne les seigneurs francs qui espéraient bien obtenir la place qu'ils estimaient leur revenir dans la future principauté de Damas, or ils se virent supplanter par le comte de Flandres, un nouveau venu qui n'aurait dût songer, selon eux, qu'au salut de son âme et qui se révélait n'être venu que pour conquérir une principauté. Plutôt que lui laisser cette principauté, les seigneurs de Terre-Sainte auraient préféré faire échouer la croisade.

" .. quelques personnes pensent que le comte de Flandre pourrait avoir fourni la première occasion de tous ces maux. Après que les Chrétiens furent arrivés auprès de la ville de Damas, lorsqu'ils se furent emparés de vive force des vergers et du passage du fleuve, enfin lorsqu'on eut commencé le siége de la ville, on dit que le comte alla trouver en particulier et séparément les rois de l'Occident... pour en obtenir que la ville lui fût livrée dès qu'elle serait prise ; on assure même qu'on le lui promit. Quelques-uns des grands de notre royaume en furent instruits, et s'indignèrent .... qu'un si grand prince... qui semblait vouloir combattre pour le Seigneur, sans prétendre à aucune récompense, eût demandé qu'on lui adjugeât une si belle portion du royaume; car ils espéraient que tout ce qui pourrait être conquis avec le concours et par les soins des princes pèlerins tournerait à l'agrandissement du royaume et au profit des seigneurs qui y habitaient. L'indignation qu'ils en ressentirent les poussa jusqu'à cette honteuse pensée d'aimer mieux que la ville demeurât entre les mains des ennemis, que de la voir devenir la propriété du comte; et cela, parce qu'il leur semblait trop cruel pour ceux qui avaient passé toute leur vie à combattre pour le royaume ...de voir des nouveaux venus recueillir les fruits de leurs travaux, tandis qu'eux-mêmes...  seraient obligés de renoncer à l'espoir des récompenses que leurs longs services semblaient cependant avoir méritées. "

Un autre accusation est proférée contre le prince d'Antioche que la croisade n'avait pas secouru alors qu'il était aux prises avec les armées de Nur-Al-Din et qu'il perdait peu à peu tous les territoires outre-Oronte.

" D'autres disent que le prince d'Antioche, indigné que le roi de France... l'eût abandonné sans vouloir lui prêter assistance, avait engagé quelques-uns des princes de l'armée ... à faire en sorte que les entreprises du Roi n'eussent aucun succès, et qu'il avait obtenu d'eux qu'ils emploieraient tous leurs soins pour le forcer de se retirer honteusement sans avoir réussi dans ses efforts."

Enfin, Guillaume de Tyr reprend cette accusation de concussion et de trahison qu'il avait déjà formulée dans le récit : certains seigneurs francs ayant reçu de l'argent des habitants de Damas pour faire échouer la croisade.

"D'autres enfin affirment qu'il ne se passa rien autre chose si ce n'est que l'or des ennemis corrompit ceux qui firent tout le mal"

Que peut-on penser de ces allégations ? Difficile de le dire, pourtant si on se réfère aux mentalités des seigneurs francs mettant surtout en avant leur avidité de possessions territoriales même au prix de trahison,  on peut penser que la première hypothèse peut être envisagée : l'histoire de la première croisade fourmille de ce type de de traîtrise : la conduite de Bohémond à Antioche et celle de Raymond de Toulouse au siège d'Archas montrent bien que, souvent chez les croisés qui étaient venus sans idée de retour, l'appétit de terres était une motivation beaucoup plus forte que le service de Dieu.

lundi 6 juillet 2015

L'ÉCHEC DE L'OFFENSIVE DE LA DEUXIEME CROISADE SUR DAMAS EN 1148 (1)

Dans la perspective de l'étude des mentalités qui présidaient à cette série sur les croisades, je voudrais donner ici quelques précisions sur cet échec retentissant de la deuxième croisade à Damas que j'ai évoqué dns mon précédent article.

LA CHRONOLOGIE DES ÉVÉNEMENTS

L'échec de la seconde croisade commence dès le conseil d'Acre (24 juin 1148) lorsque fut décidé le choix de l'objectif de l'offensive vers Alep ou Damas.
       - A Alep, règne le fils de Zengi qui s'était emparé d'Edesse et avait reconquis le comté. Zengi avait été assassiné en 1146 et les émirats qu'il contrôlait avaient été partagés entre ses deux fils :  Nur-Ad-Din avait reçu Alep et Sayf-Ad-din, Mossoul.
  - À Damas, régnait un émir, Mu'in-Al-Din Unur avec qui les princes croisés avaient signé des trêves et qui entretenait des relations pacifiques avec les Etats francs. L'émir de Damas craignait à juste titre son puissant voisin d'Alep, ce qui explique son choix vis à vis des croisés.

De ces deux Etats turcs, celui de Nur-Ad-Din était le plus menaçant, la logique aurait voulu que ce soit lui qui soit attaqué par la croisade : ce ne fut pas le cas : la croisade se porterait sur Damas !

le choix de Damas serait inexplicable sans l'appétit de puissance des barons francs tout comme des croisés  qui voulaient s'emparer de nouvelles terres et rêvaient de se constituer des fiefs : dans cette perspective,  l'émirat de Damas était jugé plus facile à conquérir que celui d'Alep et beaucoup rêvaient  à la constitution d'une principauté chrétienne à Damas et espéraient  y trouver leur compte.

Certains prétendirent que ce choix correspondait à une politique réfléchie : à partir de Damas, il serait plus facile d'attaquer Alep, d'autres mirent en avant le contexte religieux en rappelant que Damas était lié au souvenir de saint Paul. Pourtant ces arguments ne sont que prétexte, la vraie raison est, comme souvent dans l'histoire des croisades, l'appétit de conquête.

Pour comprendre ce qui s'est passé, le récit de Guillaume de Tyr est particulièrement précieux :

Dans un premier temps, les armées croisées, s'installent dans la partie occidentale du bord de la Ghuta (1 du plan) l'oasis qui entoure Damas, constituée d'un lacis dense de chemins étroits et de jardins ils tentent de s'emparer des jardins pour s'avancer vers la ville mais ils se heurtent à une forte résistance : " Vers l'occident, par où nos troupes arrivaient, et vers le nord, le sol est entièrement garni de vergers, qui forment comme une forêt épaisse....  Afin que les propriétés ne soient pas confondues et que les passants ne puissent y entrer à leur gré, ces vergers sont entourés de murailles construites en terre, car il y a peu de pierres dans le pays. Ces clôtures servent donc à déterminer les possessions de chacun, Ces vergers sont en même temps pour la ville de Damas d'excellentes fortifications; les arbres y sont plantés très-serrés et en grand nombre, les chemins sont fort étroits, en sorte qu'il semble à peu près impossible d'arriver jusqu'à la ville, si l'on veut passer de ce côté. C'était cependant par là que nos princes avaient résolu... de conduire leurs armées et de s'ouvrir un accès vers la place. [ils pensaient que serait plus facile] et ils désiraient pour leurs armées pouvoir profiter de la commodité des fruits et des eaux."

" Le roi de Jérusalem entra donc le premier avec ses troupes dans ces étroits sentiers; mais l'armée éprouvait une extrême difficulté à s'avancer, soit à cause du peu de largeur des chemins, soit parce qu'elle était incessamment harcelée par des hommes cachés derrières les broussailles, "

La voie directe vers la ville par les jardins se révélant plus difficile que prévu, les croisés décident de se porter  jusqu'à la rivière Barana. (2) :" Les nôtres, en effet, apprenant que le fleuve était dans le voisinage, se hâtèrent de s'y rendre, pour apaiser la soif ardente que leur avaient donnée les travaux de la journée et les nuages de poussière soulevés sans cesse par les pieds des hommes et des chevaux : ils s'arrêtèrent un moment en voyant les bords du fleuve occupés par une multitude innombrable d'ennemis. ". Finalement les berges de la rivière sont conquis par l'armée de l'empereur Conrad III.

A ce moment, le 24 juillet 1148, l'armée croisée contrôle une partie des jardins ainsi que le cours de la rivière, ce qui lui permettrait de couper l'approvisionnement en eau de l'oasis.  Les damasquins tentent des sorties pour desserrer l'étreinte  mais sans réussir à faire vaincre les croisés. Ils appellent aussi à  l'aide leurs puissants voisins d'Alep et de Mossoul qui étaient jusqu'alors leurs rivaux.

Pendant ce temps, Philippe d'Alsace comte de Flandres réussit à convaincre Louis VII et Conrad III de lui attribuer la future principauté de Damas. On peut imaginer la colère des seigneurs syriens qui se voyaient floués par un nouveau venu !

C'est alors que se commit l'erreur qui fit tout échouer : Les seigneurs syriens persuadèrent alors Louis VII et Conrad III et " les entraînèrent à abandonner le quartier des vergers, pour transporter leur camp et leurs armées à l'autre extrémité de la ville.(3 du plan) Ils dirent...qu'il n'y avait de cet autre côté de la place qui fait face au midi... ni vergers qui formassent un point d'appui pour la défense, ni fleuve ni fossés qui pussent rendre plus difficiles l'accès et l'attaque des murailles. Les murailles, disaient-ils en outre, étaient basses et couvertes en briques non cuites, en sorte qu'elles ne pourraient pas même soutenir un premier assaut : ils ajoutaient encore que, de ce même côté, on n'aurait besoin ni de machines ni d'efforts considérables ; que dès la première attaque il ne serait nullement difficile de renverser les murailles en les poussant avec la main, et d'entrer aussitôt après dans la place"

Suite à ces conseils, les croisés se portèrent vers le sud, ce qui permit à l'émir de Damas de réoccuper les jardins et de les mettre solidement en défense. Sans eau, ni approvisionnement, l'armée franque ne pouvait tenir : Le camp était entièrement dépourvu de denrées : "on leur avait persuadé, même avant qu'ils entreprissent cette expédition, qu'ils s'empareraient de la place sans coup férir, et, dans cet espoir, les Chrétiens n'avaient apporté de vivres que pour quelques jours : On leur avait dit que la ville se rendrait sans la moindre difficulté et dès le premier assaut " [ce qui ne se produisit pas]

" Dans cette nouvelle situation les Chrétiens ne savaient que faire.... Il leur semblait fâcheux ...  impossible d'aller reprendre les positions qu'ils avaient quittées. En effet, aussitôt après qu'ils en étaient sortis , les ennemis...  s'appliquèrent à fortifier ces lieux et les chemins par où nos soldats avaient passé, beaucoup plus même qu'ils ne l'étaient auparavant; ils encombrèrent les avenues de poutres et d'énormes quartiers de pierres, et les vergers furent occupés par des multitudes d'archers, chargés de repousser quiconque tenterait de s'approcher.

A cela s'ajouta l'arrivée d'une armée de secours provenant d'Alep et conduite par Nur-Ad-Din : sans eau ni approvisionnement, menacée d'être encerclée, la croisade abandonna le 28 juillet le siège de Damas. L'échec fut d'autant plus grave que Nur-Ad-Din fut accueilli en vainqueur à Damas ; en 1154, il s'empare de Damas, réalisant l'union de Damas et d'Alep et l'encerclement des Etats francs.

dimanche 5 juillet 2015

Mentalités et comportements au temps de la croisade (104) : LES HOSPITALIERS DE SAINT JEAN DE JERUSALEM SOUS LES SUCCESSEURS DE RAYMOND DU PUY JUSQU'À 1187

LES HOSPITALIERS DANS LA DEFENSE DU ROYAUME

J'avais mentionné dans un article précédent que les chevaliers-hospitaliers participaient à l'activité militaire des Etats francs de Terre Sainte avec quatre modalités d'actions :
     - la prise en charge des forteresses,
     - la participation à la haute-cour royale et aux divers conseils où s'élabore la stratégie des chrétiens,
     - les combats livrés pour la défense des Etats Francs,
     - les combats offensifs et de conquête.
Le premier type d'action ayant été décrit, je passerai successivement aux trois autres.

LA PARTICIPATION AUX CONSEILS 
La deuxième  activité qui peut être assimilée aux pratiques guerrières sans en faire véritablement partie est la participation du maître de l'Hopital, ainsi d'ailleurs que celle du maître des Templiers, aux conseils convoqués pour organiser les campagnes militaires à venir.

Guillaume de Tyr décrit par exemple le conseil qui fut organisé à Acre le 24 juin 1148  pour décider de l'objectif qui serait celui de la deuxième croisade. A ce conseil, participent les trois parties prenantes dans l'offensive : l'empereur Conrad III et ce qui reste des croisés allemands après  les terribles épreuves de la traversée de l'Anatolie, Louis VII et les croisés de France, Baudouin III et ses feudataires du Royaume de Jérusalem ; parmi ces derniers se trouve le maître de l'ordre de l'hôpital  Raymond du Puy.

Cette présence de Raymond du Puy pose deux interrogations pour lesquelles Guillaume de Tyr n'apporte pas de réponses :
     . Pour quelle raison, le maître des Hospitaliers fut-il convoqué à ce conseil ?
     . Les Hospitaliers, dont la vocation avouée et officielle était l'accueil et les soins à apporter aux malades allaient-il participer à l'offensive ?

A la première question, il est assez aisé de répondre : entre les croisés français et allemands qui ne connaissent pas le pays et qui attendent des seigneurs locaux la détermination de l'objectif et les feudataires des états francs qui n'étaient pas d'accord sur celui-ci à cause d'intérêts personnels inavoués, le maître des Hospitaliers pouvait être d'un précieux conseil, il avait l'avantage de connaître parfaitement le pays ainsi que la géopolitique locale mais aussi d'être neutre entre les parties.

L'objectif de l'offensive à venir était en effet l'objet de discordes : devait-on attaquer Damas, ville avec laquelle une trêve avait été signée ou Alep où résidait l'ennemi principal qui avait conquis Edesse. Finalement le conseil d'Acre décida d'attaquer Damas, ce qui conduisit la croisade à un échec complet. En lisant Guillaume de Tyr, on ne sait pas quelle fut l'influence de Raymond du Puy dans cette décision. On sait simplement que Templiers et Hospitaliers se livraient à une grande concurrence et qu'en général ils étaient souvent d'avis contraire lors de ces conseils.

A la question de savoir si les Hospitaliers ont pris part à l'offensive sur Damas, il ne me le semble pas en lisant Guillaume de Tyr et cela pour deux raisons :
   - d'abord, parce que le chroniqueur ne le mentionne pas, il cite l'ordre de marche de l'armée avec précision  (ost du roi de Jérusalem , puis croisés français, puis croisés allemand) sans noter la présence des Hospitaliers (ni d'ailleurs celle des templiers).
   - ensuite du fait que Guillaume de Tyr implique le mauvais choix de l'objectif et l'échec de l'offensive à une trahison dans le rang des croisés ; si les Hospitaliers avaient été présents, le chroniqueur qui les détestait, n'aurait pas manqué de les accuser de cette trahison.

Dans le cas de la seconde croisade, il me semble donc que la convocation de Raymond du Puy était essentiellement due à sa connaissance du terrain et à la sagesse de ses conseils.


samedi 4 juillet 2015

Mentalités et comportements au temps de la croisade (103) : LES HOSPITALIERS DE SAINT JEAN DE JERUSALEM SOUS LES SUCCESSEURS DE RAYMOND DU PUY JUSQU'À 1187

LE KRACK DES CHEVALIERS (épilogue)

On peut, au vu de l'impression d'invulnérabilité de la place forte, se poser la question de savoir comment un tel château fut pris en 1271 par le sultan des mamelouks d'Egypte, Baybars ? Jusque cette date, en effet, le KRACK avait subi de nombreux sièges sans être conquis.

Dans les années qui précédèrent, les mamelouks s'étaient emparés de nombreuses forteresses franques (Beaufort en 1268, Safed en 1266, Chastel-Blanc en 1271),  ils avaient aussi conquis les terres et villages qui dépendaient du Krack en sorte que cette forteresse se trouvait complètement isolée dans un territoire hostile. Les communications étaient désormais coupées avec ce qui restait du comté de Tripoli. Le Krack comportait  une garnison de 300 hommes et avait accueilli de nombreux villageois qui y étaient venus s'y réfugier.

Dans un premier temps, le sultan mamelouk, encercla le Krack, comptant sur la famine pour réduire la place. Puis, voyant que le siège pourrait s'éterniser, Baibars décida de donner l'assaut, il fit installer des mangonneaux et creuser des sapes qui amenèrent  à l'écroulement d'une partie du rempart extérieur. Les assaillants purent alors investir le fossé entre l'enceinte extérieure et l'enceinte intérieure. Là , ils se trouvèrent  pris au piège ; face à eux s'élèvent le glacis  qu'ils ne peuvent escalader sans être massacrés et les  murailles du château du haut desquelles on pouvait lancer toutes sorte de projectiles ainsi que des bordées de flèches : L'assaut révélait bien que le château était tel que ses concepteurs l'avaient voulu, inexpugnable.

Le sultan décida alors de ruser : il fit passer aux assiégés une lettre émanant soi-disant du maître de l'ordre indiquant aux chevaliers hospitaliers et à leurs troupes, que s'ils se rendaient, ils auraient la vie sauve.

Sans possibilité de vérifier la véracité de la lettre, la garnison négocia la reddition et obtint du sultan de sortir saufs de la forteresse. Ils eurent la chance de ne pas subir le sort de la garnison de Safed à qui Baibars avait aussi promis la vie sauve à la garnison contre leur reddition : il fit couper la tête à tous les hommes et fit vendre comme esclaves les femmes et les enfants.

LES DERNIÈRES MODIFICATIONS.
Les mamelouks effectuèrent quelques modifications de détail au Krack sans en changer la structure :
     . Ils renforcèrent le flanc sud en créant trois nouvelles tours dont une imposante tour carrée centrale,
     . Ils renforcèrent également les autres flancs,
     . Ils créèrent un établissement de bains et un aqueduc pour alimenter la citerne,
     . Ils modifièrent également la structure d'entrée en créant un poste de garde extérieur et en reconstruisant le poste de garde situé en haut de la rampe.
     . Enfin, ils transformèrent l'église en mosquée avec adjonction de Mihrab.

jeudi 2 juillet 2015

Mentalités et comportements au temps de la croisade (102) : LES HOSPITALIERS DE SAINT JEAN DE JERUSALEM SOUS LES SUCCESSEURS DE RAYMOND DU PUY JUSQU'À 1187

LE KRACK DES CHEVALIERS 

LA TROISIEME PHASE DE RECONSTRUCTION (suite)

Le troisième aménagement est effectué dans la cour intérieure avec construction de deux ensembles :
    . De vastes entrepôts constitués par de puissants piliers carrés et trapus supportant des voûtes d'arêtes, ces entrepôts sont couverts d'un toit en terrasse qui constitue une cour supérieure.
    . Dans la cour inférieure est construit un bâtiment accolé aux galeries du monastère de la première reconstruction. Ce bâtiment est précédé d'arcades qui figurent une esquisse de cloître, c'est une salle de prestige couverte de voûtes d'ogives qui était utilisée pour les réunions du chapitre et aussi pour les réceptions de l'ordre.

L'architecture des entrepôts est évidemment très différente de celle de la salle du chapitre et de la galerie comme le montrent les photos ci-dessous :


Tous ces aménagements rendent assez difficile la lecture de la structure du château ; sur les deux photos ci-dessous, ont été mentionnés ses principaux éléments :


mercredi 1 juillet 2015

Mentalités et comportements au temps de la croisade (101) : LES HOSPITALIERS DE SAINT JEAN DE JERUSALEM SOUS LES SUCCESSEURS DE RAYMOND DU PUY JUSQU'À 1187

LE KRACK DES CHEVALIERS

LA TROISIEME PHASE DE RECONSTRUCTION (suite)
L'ENCEINTE EXTÉRIEURE (voir plan sur l'article précédent) enveloppe le noyau central de la forteresse sur les quatre côtés , c'est une fortification pourvue de tours en forme de demi-cercle construite en saillie sur la courtine extérieure. En avant de l'enceinte extérieure du flanc sud, là où la surface de l'éperon est plan, fut creusé un large fossé barrant le seul accès facile au château ;  sur les autres flancs, la pente escarpée du versant suffisait seule à leur protection.

 La face intérieure rectiligne comporte divers aménagements comme le montre la photo ci-dessous :
     - A gauche, un bâtiment à deux niveaux. adossé au rempart,
     - plus loin, un mur comportant un chemin de ronde à créneaux sous lequel sont aménagés des archères dans l'épaisseur du mur.

La photo permet aussi de déterminer la fonction de cette enceinte extérieure : elle doit certes servir de première ligne défense mais, selon moi, ce n'est pas son rôle principal : les aménagements du chemin menant à la porte d'entrée étaient  tels qu'il semblait impossible d'investir le château de ce côté , la seule solution était, pour les assaillants, de tenter un assaut sur les flancs Nord, Est et éventuellement Sud de la forteresse : c'est dans cette perspective que l'enceinte extérieure pouvait jouer un rôle primordial.

En dépit des pentes escarpées des flancs Nord, Est et du fossé précèdent le flanc Sud, on pourrait imaginer qu'au moyen de sapes, l'assaillant puisse faire écrouler une partie de l'enceinte extérieure, ce qui permettrait son assaut. Dans ce cas, les assaillants se trouvent dans le fossé sec établi entre les deux remparts. Or, la photo le montre bien, le rempart extérieur est situé en net contrebas du premier rempart : les assaillants ayant investi le fossé sont face aux puissantes murailles du château intérieur, ils sont pris sous les projectiles et les flèches lancées par les défenseurs installés dans les chemins de ronde, ils ne peuvent grimper sur le glacis car ils seraient tués avant d'arriver en haut.


A cela s'ajoute le fait que le fossé ne mène nulle part, sinon aux tours de défense du premier rempart et de la porterie. Certes, à la base de ces tours se trouvent des poternes mais, pour les assaillants, il est difficile de rentrer dans le château par les escaliers étroits et sombres ; en outre, ces tours bénéficient d'un renforcement de leur défense au moyen de mâchicoulis  Par contre, les poternes sont très utiles aux défenseurs puisqu'ils peuvent effectuer des sorties et prendre l'assaillant à revers.

Ainsi, la création de la deuxième enceinte ainsi que le renforcement de la porte rendent le KRACK DES CHEVALIERS pratiquement imprenable. Cette forteresse représente le point d'aboutissement de l'art militaire des places fortifiées :  cela se comprend sans peine : ces aménagements ont été effectués dans les années précédant la bataille de Hattin et ils bénéficièrent de toutes les techniques défensives élaborées en Terre Sainte au fil du temps.