REMARQUE
. Tous les articles de ce blog ont été rédigés par moi-même sans emprunt littéral à d'autres auteurs, ils sont le fruit d'une documentation personnelle amassée au cours des ans et présentent ma propre vision des choses. Après tout, mon avis en vaut bien d'autres.
. Toutes les citations de mes articles proviennent de recherches sur les sites gratuits sur Internet



Mon blog étant difficilement trouvable par simple recherche sur internet, voici son adresse : jeanpierrefabricius.blogspot.com

vendredi 14 août 2015

Mentalités et comportements au temps de la croisade (135) : EN GUISE DE CONCLUSION..

L'ÉMERGENCE DE CARACTÉRISTIQUES NOUVELLES

Ainsi, en 1192, s'est reconstitué un royaume qui n'est plus qu'un pâle reflet que ce qui existait auparavant : réduit à une mince frange littorale, il y ne survivra  jusque 1291 qu'à cause de la division des membres de la dynastie Ayyoubide après la mort de Saladin survenue en 1193. Sans arrière-pays, il ne peut compter que sur les villes italiennes et de leurs commerce pour lui permettre de vivre, celles-ci contrôlent désormais les ports qu'on leur a concédés ; les querelles intestines des princes cèdent peu à peu la place aux querelles des villes italiennes, Venise et Gènes en tête.

Ce royaume en est réduit à la défensive, les seules expéditions militaires qui réussirent furent effectuées au niveau du littoral nord avec la reconquête de Sidon et de Beyrouth, ce qui rétablit une continuité entre le royaume et le comté de Tripoli. Jérusalem ne sera jamais reconquis militairement (c'est seulement par la négociation que l'empereur Frédéric II se vit remettre la cité en 1229 lors de la sixième croisade) . A cela s'ajoute le fait que l'esprit des croisades s'émoussa au fil du temps, il se produisit certes des arrivées de chevaliers, mais on ne vite plus débarquer en Terre Sainte proprement dite de grandes expéditions militaires comme ce fut le cas lors du siècle précèdent.

En ce qui concerne les templiers et les hospitaliers, ils durent s'adapter aux nouvelles conditions de la Terre Sainte :
     . Les templiers firent d'Acre le centre de leur combat
     . Quant aux Hospitaliers, ils choisirent la forteresse de Margat comme siège de leur ordre et c'est là vers 1206 que furent promulgués les statuts de Margat qui consacrèrent l'adjonction à la fonction hospitalière des pratiques guerrières : on vit en effet pour la première fois apparaitre une différenciation entre les chevaliers et les sergents combattants d'une part et les chevaliers et sergents hospitaliers. C'est en particulier ce que relève Jacques de Vitry qui écrivit : "A l'imitation des frères du Temple, les frères de l'hôpital de Saint-Jean, employant aussi des armes matérielles, reçurent dans leur corps des chevaliers et des servants, afin que l'on vît s'accomplir ce qui a été dit par le prophète Isaïe sur l'avancement de la future Église. «Je vous établirai dans une gloire a qui ne finira jamais.  Le loup et l'agneau iront paître ensemble ; le lion et le bœuf mangeront la même paille ;  le loup habitera avec l'agneau; le léopard couchera à côté du bouc; le veau, le lion et la brebis demeureront ensemble " 

Désormais, les mentalités et comportements de cette nouvelle période ont beaucoup moins d'intérêt...


jeudi 13 août 2015

Mentalités et comportements au temps de la croisade (135) : EN GUISE DE CONCLUSION..

LA TROISIEME CROISADE
Saladin avait libéré Guy de Lusignan contre sa promesse de ne plus jamais combattre contre les turcs. Le roi sitôt libéré gagna Tyr mais Conrad de Montferrat lui refusa l'accès de la cité. Ainsi, alors même que le royaume n'existait plus qu'en théorie, se continuaient les querelles intestines entre francs !   Guy de Lusignan se rendit alors à Acre  avec quelques chevaliers afin de tenter de reprendre la ville. La querelle entre Guy et Conrad s'envenima quand Conrad épousa Isabelle, sœur cadette de Sybille et que Sybille, de qui Gui de Lusignan tenait son trône, mourut. Il y eut désormais deux prétendants au titre royal  !

 Philippe-Auguste arrive le premier le 20 avril 1191 devant Acre, il sera suivi deux mois plus tard de Richard Coeur de Lion qui s'était attardé à conquérir Chypre. Assiégée par la terre et par la mer,  la garnison d'Acre capitula le 12 juillet. Une fois la cité prise, il fallut régler la querelle dynastique : le 28 juillet, les rois s'accordèrent sur un compromis : Guy resterait roi, et Conrad et Isabelle lui succéderaient.

Richard Coeur de Lion, resté seul en Terre Sainte après le départ du roi de France, tenta d'élargir la reconquête. Il s'empare du littoral jusque Ascalon. Mais il ne pût reprendre Jerusalem. Parallèlement, le roi d'Angleterre régla la querelle dynastique : il céda Chypre à Gui de Lusignan, Conrad et Isabelle devinrent alors conjointement roi et reine. Quand en avril 1192, Conrad fut assassiné, les barons firent épouser à Isabelle Henri de Champagne qui fut proclamé roi.

Pressé de rentrer vues les collusions  de son frère Jean et du roi de France qui complotaient contre lui, Richard, après deux essais infructueux pour reprendre Jerusalem, se résolut à négocier avec le frère de Saladin, A-Afdal.

Le traité fut signé à Jaffa le 2 septembre 1192 ;
     - la trêve est signée pour trois ans,
     - les francs pourront conserver le littoral de Tyr à Jaffa mais ils rendront Ascalon au sultan,
     - les pèlerins  auront le libre accès aux lieux saints sans payer de taxes et la libre circulation sera garantie aux marchands.

À suivre...

mercredi 12 août 2015

Mentalités et comportements au temps de la croisade (134) : EN GUISE DE CONCLUSION..

Hattin la fin d'une époque ? En fait pas tout à fait et cela à deux points de vue :
     . Même si le royaume de Jérusalem a quasiment disparu, il en subsiste néanmoins  Tyr ; de même, les autres Etats francs n'ont pas été conquis.
     . En Occident, la prise de Jerusalem fut un choc qui va conduire à l'organisation d'une nouvelle croisade, la troisième qui regroupa les trois princes les plus puissants de l'époque : l'empereur Frédéric Barberousse, le roi de France, Philippe Auguste et le roi d'Angleterre Richard Coeur de Lion.

Ce sera à la fin de cette croisade que l'on pourra constater véritablement qu'une nouvelle époque est apparue.

LA CAMPAGNE DE SALADIN EN 1088
En 1188, abandonnant le siège de Tyr qui résiste toujours sous la conduite d'un nouvel arrivant, Guillaume de Montferrat, Saladin lance son offensive vers les Etats septentrionaux, comté de Tripoli et principauté d'Antioche.

L'armée turque ne fit que passer dans le comté de Tripoli : Saladin ne réussit pas à s'emparer ni du Krack des Chevaliers tenu par les Hospitaliers, ni de la citadelle de Tortose gardée par les templiers. De même, à la limite du comté et de la principauté, il ne pût prendre  Margat aux mains des Hospitaliers.

Par contre, est conquis tout l'arrière-pays de la principauté d'Antioche, celle-ci se réduit désormais à Antioche et à ses abords, les habitants promirent de se rendre à Saladin si aucun secours ne leur venait en aide.

Ainsi, à la fin des campagnes de 1188, le royaume de Jérusalem réduit à Tyr et la principauté d'Antioche à la seule région d'Antioche. Le seul état  à peu près préservé est le comté deTripoli, bien à l'abri derrière les montagnes frontalières et les forteresses qui ferment la plaine d'Akkar.

À suivre...

lundi 10 août 2015

Mentalités et comportements au temps de la croisade (132) : LA BATAILLE D'HATTIN OU LA FIN D'UN MONDE

SALADIN A JERUSALEM

L'entrée de Saladin et les premiers actes du sultan sont décrits par continuateur de Guillaume de Tyr qui une nouvelle fois va manifester son admiration envers sa magnanimité.

Alors "on envoya les clefs des portes à Saladin; quand il les eut, il en fut joyeux et rendit grâces à Dieu. Il envoya des gardes à la tour de David, et fit mettre sa bannière dessus et fermer toutes les portes de la cité, hors une: ce fut la porte de David. Il y mit des chevaliers et hommes d'armes, afin qu'aucun Chrétien n'en sortît, " il ne fallait pas en effet que des chrétiens puissent sortir sans payer la rançon ! "Quand Saladin eut bien fait garnir la tour de David et les portes de la cité, il fit crier qu'ils portassent leur rançon à la tour de David, et la livrassent à ses baillis qu'il y avait mis pour recevoir la rançon, "

Saladin fit "garder la cité de Jérusalem, pour que les Sarrasins ne fissent ni tort ni outrage aux Chrétiens qui étaient dans la cité. Il mit dans chacune des rues deux chevaliers et dix hommes d'armes pour garder la cité, et ils la gardèrent si bien qu'on n'ouït parler d'aucune injure faite aux Chrétiens." : il n'y eut donc ni pillage, ni massacre, ni exaction !

Le patriarche et Balian allèrent à l'Hôpital ; ils firent prendre et porter à la tour de David trente mille besants pour la rançon de sept mille hommes pauvres. Quand les trente mille besants furent payés ... On fit ainsi le nombre de sept mille hommes. On les mit tous hors de la cité de Jérusalem,

Cependant, il restait beaucoup de pauvres dans la ville :" le patriarche et Balian mandèrent les Templiers, les Hospitaliers et les bourgeois, et les prièrent, pour Dieu, qu'ils [pourraient aider] à racheter les pauvres gens qui étaient restés en Jérusalem" ils le firent chichement, pas autant qu'on aurait pu espérer puisqu'ils étaient assurés de sortir de la ville avec tous leurs biens.

Quand tous ceux qui furent rachetés furent hors de la cité de Jérusalem, il y resta encore beaucoup de pauvres gens.

C'est alors que se produisit un événement qui dût paraître incompréhensible aux francs de l'époque : un musulman qui rachète des chrétiens !
" Alors Salphedin vint à Saladin, son frère, et lui dit: «Sire, j'ai aidé à conquérir la terre et la cité, je vous prie donc que vous me donniez mille esclaves de ceux qui sont en la cité.» ..Saladin les lui donna, et manda à ses baillis qu'ils lui délivrassent mille esclaves; et ainsi firent. Quand Salphedin eut les mille pauvres, il les délivra pour Dieu."

Il est probable que cet exemple montra enfin aux chrétiens ce qu'il fallait faire : " Après le patriarche pria Saladin que, pour Dieu, il lui délivrât des pauvres qui ne se pouvaient racheter; il lui en donna sept cents. Le patriarche les délivra. Après Balian demanda à Saladin des pauvres; il lui en donna cinq cents; et Balian les délivra." Il est à remarquer que ni les templiers ni les Hospitaliers qui disposaient pourtant de grandes richesses ne proposèrent de racheter des pauvres.

C'est alors que Saladin accomplit un nouvel acte inouï : il permit à tous les pauvres qui restaient de sortir sans rien payer.
" Alors Saladin dit à ses gens: «Salphedin, mon frère, a fait son aumône, et le patriarche et Balian ont fait la leur, maintenant je veux faire la mienne.» Lors il commanda à ses baillis qu'ils tissent ouvrir la poterne devers Saint-Ladre, et fit crier par la cité que tous les pauvres gens sortissent dehors" ; seuls ceux qui essayèrent de tricher en se faisant passer pour pauvres furent emprisonnés.

Une fois tous les chrétiens qui voulaient quitter la ville soient partis ( il restait cependant onze mille personnes), Saladin fit purifier les lieux saints musulmans (dôme du Rocher et mosquée Al-Aqsa) que les chrétiens avaient transformé en église et palais ; par contre, il ne toucha pas au Saint-Sépulcre et permit que le culte chrétien s'y déroule. Il autorisa même que les malades séjournant à l’Hôpital y restent temporairement  avec un Hospitalier pour les soigner.

A titre de comparaison entre le comportement de Saladin et celui des croisés, je voudrais, une nouvelle fois,  citer des extraits du texte de Guillaume de Tyr concernant ce qui se passa en 1099 quand la première croisade prit Jérusalem :

" On ne pouvait voir cependant sans horreur cette multitude de morts, ces membres épars jonchant la terre de tous côtés, et ces flots de sang inondant la surface du sol. Et ce n'était pas seulement ce spectacle de corps privés de vie et dispersés çà et là en mille pièces qui inspirait un sentiment d'effroi; la vue même des vainqueurs couverts de sang de la tête aux pieds était également un objet d'épouvante...

Les croisés qui n'étaient pas occupés à massacrer au Temple " parcouraient la ville pendant ce temps, cherchant dans toutes les rues détournées, dans tous les passages écartés, les malheureux qui se cachaient pour échapper à la mort, les traînant ensuite en public comme de vils bestiaux, et les immolant à leur fureur. D'autres se formant par petits détachements, entraient dans les maisons, enlevaient le père de famille les femmes, les enfants, et tous les serviteurs, les perçaient de leur glaive, ou les précipitaient de quelque point élevé, en sorte que les malheureux en tombant sur la terre se brisaient en mille morceaux"

Ces derniers extraits quant à la différence de mentalité et de comportement entre les chefs croisés de 1099 et celui de Saladin en 1187 se passe de commentaires !

dimanche 9 août 2015

Mentalités et comportements au temps de la croisade (131) : LA BATAILLE D'HATTIN OU LA FIN D'UN MONDE

LE SIÈGE DE JÉRUSALEM ET LES NÉGOCIATIONS POUR LA REDDITION DE LA VILLE (17 septembre-2 octobre)

Elle est décrite par le continuateur de Guillaume de Tyr. Celui-ci, pourtant chrétien, effectue son témoignage sans parti-pris et présente un portrait flatteur de Saladin qu'il loue pour sa magnanimité et pour son esprit de miséricorde. A l'inverse, les chrétiens de Jérusalem apparaissent bien peu sympathiques.

Alors qu'il venait de s'emparer d'Ascalon, Saladin proposa à  "ceux de Jérusalem qu'il avait conviés"  de rendre la ville ;

 «Je vous dis, répliqua Saladin, que vous le ferez. Je crois bien que Jérusalem est la maison de Dieu, c'est notre croyance. Je ne mettrais pas volontiers le siège devant la maison de Dieu, et ne la ferais pas assaillir si je la pouvais avoir par traité et par amour. Je vous donnerai trente mille besants  si vous me promettez la cité de Jérusalem. Vous pourrez aller à cinq milles du côté que vous voudrez, et pourrez labourer à cinq milles de la cité, et je vous ferai venir telle abondance de vivres qu'en aucun lieu de toute la terre il n'y aura de vivres à si bon marché. Vous aurez trêve d'ici à la Pentecôte; et quand ce temps viendra, si vous voyez que vous puissiez avoir secours, alors [tenez bon] ; mais, si vous ne pouvez avoir [de secours], vous rendrez la cité, et je vous ferai conduire sûrement en terre de Chrétiens, corps et avoir ( avec tous vos biens) »

Les envoyés de Jérusalem refusèrent la proposition du sultan.

L'armée turque se porta alors vers Jérusalem et assiégea la ville, les habitants tentèrent quelques sorties mais sans succès. Saladin fit alors dresser ses engins de guerre puis il envoya ses troupes, protégées par les archers et par les tirs des machines de guerre, installer des échelles et creuser des sapes sous la muraille. Les turcs mirent le feu à ces mines et les murs de Jérusalem s'écroulèrent par endroits. Alors que certains chrétiens voulaient tenter une attaque désespérée, le patriarche les convainquit que leur sacrifice serait inutile et qu'il valait mieux traiter, ils envoyèrent Balian d'Ibelin, ce commandant de l'arrière-garde qui avait réussi à s'échapper du piège d'Hattin et avait organisé hâtivement la défense de la ville, rencontrer Saladin.

Balian se rendit au camp de Saladin et " il lui dit que les Chrétiens lui rendraient la cité pourvu qu'ils eussent la vie sauve" Saladin. rappela d'abord que les habitants de Jérusalem ayant refusé les conditions qui leur avait été faites à Ascalon, il avait fait le serment de s'emparer de la ville par la force et qu'il n'était pas question pour lui de transiger avec ce serment. Puis il répondit :

     . Sire Balian, pour l'amour de Dieu et pour vous... ils se rendront à moi comme s'ils étaient pris par [la] force, et je leur laisserai leurs meubles et [leurs] avoir... ; mais leurs corps seront mes prisonniers; et qui pourra et voudra se racheter je le laisserai aller pour une rançon convenue, et celui qui ne se pourra racheter demeurera mon prisonnier»              
    . Balian lui répondit: «Sire, quel serait le prix de la rançon?»
    . Saladin lui dit que le prix serait le même pour les pauvres comme pour les riches, que les hommes donneraient vingt livres, les femmes dix, les enfants dix, et que celui qui ne pourrait payer cette rançon serait esclave.
     . Alors Balian lui dit: «Sire, en cette cité il n'y a que peu de gens qui se puissent aider, hors les bourgeois ... car la cité est toute pleine de gens du pays d'autour et de menu peuple qui s'est mis là dedans"

Saladin ne voulut plus rien entendre.

De retour dans la cité, Balian rendit compte des résultats de son ambassade : le patriarche et les barons présents "eurent grande fâcherie pour le menu peuple de la cité" qui ne pourrait pas payer une telle rançon. Or l'ordre de l'hôpital avait en garde une importante somme qui venait du roi d'Angleterre pour son éventuelle future croisade. Ils décidèrent de s'en servir pour racheter les pauvres. Il est à remarquer que ni le patriarche, ni les deux ordres militaires, ni les bourgeois se proposèrent alors de participer à ce rachat des pauvres !

Une nouvelle fois,  Balian d'Ibelin est envoyé auprès de Saladin pour tenter d'obtenir de meilleures conditions au rachat des habitants.

Dans un premier Saladin refuse de revenir sur les conditions fixées préalablement, puis s'engage le dialogue :
    . «Sire, dit Balian, pour Dieu, demandez des pauvres gens une rançon raisonnable, et je ferai, si je puis, qu'on vous la paiera, car de cent il n'y en a pas deux qui puissent payer rançon (2%) .»
    . Saladin dit que, pour Dieu d'abord, et pour lui ensuite, il se contenterait d'une rançon raisonnable pour ceux qui pourraient payer rançon. Alors il convint que les hommes donneraient dix livres, les femmes cinq et les enfants une. (une rançon réduite de moitié)  Ainsi fut convenue la rançon de ceux qui pourraient se racheter, et que ce qui leur [resterait] , soit meubles ou autres choses, ils pourraient [l'] emporter en sûreté.
     . Après Balian dit à Saladin: «Sire, vous avez fixé la rançon des riches; maintenant vous devez fixer la rançon des pauvres, car il y en a bien vingt mille qui ne pourraient payer la rançon d'un homme. Pour Dieu, mettez y de la raison .»
     Saladin dit qu'il y mettrait volontiers de la raison, et que pour cent mille besants il laisserait aller tous les pauvres.

 Finalement après d'âpres négociations, Saladin accepta de fixer la rançon des pauvres "à trente mille besants pour sept mille hommes, et que l'on compterait deux femmes pour un homme, et dix enfants pour un homme "

Saladin " promit que, quand [les chrétiens ] seraient hors de la cité, il les ferait conduire sûrement en terre de Chrétiens," et demanda à ceux qui avaient des armes de protéger le convoi afin qu'il ne soit pas attaqué en cours de chemin par des pillards : bel exemple d'humanité que de se préoccuper ainsi du sort des vaincus !

Balian rentre alors à Jérusalem et rend compte de sa mission auprès du Patriarche qui agissait en chef de la cité en l'absence du roi,  il convoqua les Templiers, les Hospitaliers et les bourgeois de la cité pour obtenir leur avis, ceux-ci ne purent qu'accepter la proposition.

On peut être assez surpris en lisant ce qui précède  qui témoigne de la mansuétude et de l'humanité de Saladin alors qu'il  était sûr de l'imminence de la victoire. On semblerait même croire que c'est un chroniqueur musulman qui écrit ces lignes !

Le comportement de Saladin  est aux antipodes de celui des francs pour qui la prise d'une ville signifie massacre, pillage et destruction : Encore une fois,  il convient ici de rappeler ici la discussion qui s'éleva lors de la quatrième expédition d'Egypte et que rapporte Guillaume de Tyr : "  ... lorsque les villes sont prises de force, les armées remportent toujours de bien plus riches dépouilles que lorsqu'elles sont livrées aux rois et aux princes à la suite d'un traité. Dans le premier cas, au milieu de la confusion qu'entraînent toujours ces scènes tumultueuses de destruction, tout ce que chacun rencontre, appartient au premier occupant, et accroît la petite fortune de chaque vainqueur ; mais dans le second cas, les rois seuls [en] profitent .. tout ce qui leur est alloué revient de droit à leur fisc. "

Cette attitude du sultan qui tranche avec la sauvagerie des croisés était la normalité chez les musulmans vis à vis des " gens du livre" dont il fallait respecter les lieux de culte et les coutumes religieuses et à qui on imposait seulement le paiement de la capitation.

samedi 8 août 2015

Mentalités et comportements au temps de la croisade (130) : LA BATAILLE D'HATTIN OU LA FIN D'UN MONDE

LA FIN DE LA CAMPAGNE DE 1187.

Au lieu de se rendre directement à Jérusalem comme le souhaitaient les milieux religieux, Saladin préféra s'emparer de toutes les villes côtières afin d'empêcher un débarquement éventuel de renforts venus d'occident. Ce fut relativement facile : les villes, quasiment dépourvues de troupes depuis la bataille de Hattin  et n'ayant rien à attendre de l'extérieur, capitulèrent les unes après les autres après une résistance symbolique et contre la promesse d'avoir la vie sauve et de pouvoir sortir de leurs cités avec armes et bagages.

Seule, la ville de Tyr refusa de se rendre, c'est là que s'étaient réfugiés les francs du royaume de Jérusalem, rescapés de la bataille de Hattin et ils avaient reçu le renfort de troupes menées par Conrad de Montferrat.

Dans l'arrière pays, seules quelques forteresses résistaient encore, parmi elles, on peut citer Beaufort, Chateauneuf, (?) le Beissan,  Safed tenu par les templiers et  Belvoir aux mains des  Hospitaliers ainsi que les deux forteresses d'Outre-Jourdain. Celles-ci pourtant ne pouvaient plus poser de problèmes à Saladin : elles étaient encerclées et souffrirent bientôt du manque d'approvisionnement ; en outre, complètement isolées dans un pays hostile et n'avaient à espérer aucun secours.




Ainsi, en deux mois, Saladin avait reconquis la quasi-totalité du royaume de Jérusalem. Il décida alors de se porter vers Jérusalem afin de délivrer cette cité qui était devenue  pour les musulmans la troisième ville sainte de l'Islam. Il arriva aux portes de la ville le 17 septembre.

vendredi 7 août 2015

Mentalités et comportements au temps de la croisade (129) : LA BATAILLE D'HATTIN OU LA FIN D'UN MONDE

HATTIN ET LA CAMPAGNE MILITAIRE DE 1187

Suite de l'article précédent

Pour comprendre ce qui s'est passé à la bataille de Hattin, (ou plutôt des Cornes de Hattin du nom de la colline basaltique où s'est déroulée la bataille), il convient de souligner ici la différence des méthodes de combat entre francs et turcs. Pour les francs, l'essentiel du combat réside dans une charge massive de la cavalerie, les piétons étant plutôt au service de cette charge, elle constitue une attaque frontale puissante mais qui est limitée dans l'espace du fait du fait que les chevaux sont incapables de tenir longtemps au rythme que leur imposent les chevaliers. Cela explique par exemple, que les templiers disposent chacun de trois chevaux qu'ils utilisent à tour de rôle lors des combats.

Les turcs au contraire privilégient la mobilité, adaptant leur stratégie aux mouvements de l'ennemi, le harcelant et reculant faisant le vide devant lui dès qu'il fait mine d'attaquer pour revenir ensuite attaquant les flancs ou l'arrière de l'armée adverse. La stratégie turque à la bataille de Hattin sera cependant légèrement différente car Saladin semble penser qu'il pourra vaincre la quasi totalité de l'armée franque en l'encerclant et en effectuant sans relâche des charges contre l'ennemi.


Le 3 juillet, l'armée franque lève le camp de Sephorie et s'avance vers Tiberias sous un soleil torride. Le soir, elle se trouve à hauteur du village de Hattin et décide de s'y rendre car ce village dispose de sources. En avant du village se trouve l'armée turque qui barre le passage. Les francs décident alors de se replier sur une hauteur voisine appelée Cornes de Hattin.
C'est sur cette hauteur qu'ils dressent leur camp. Celle-ci serait certes une zone favorable au niveau de la sécurité du campement si elle disposait de sources, ce qui n'est pas le cas, les cavaliers francs après avoir cheminé toute la journée sous un soleil ardent, se trouvent dépourvus d'eau tant pour les chevaux que pour eux-mêmes.

Nous disposons, entre autre, de trois récits de la bataille, ceux du continuateur de Guillaume de Tyr, Bernard le Trésorier et de Jacques de Vitry et surtout celui de al-Afdal, le propre fils de Saladin qui fut un témoin oculaire de celle-ci.

Voici ce qu'écrit Jacques de Vitry à ce propos : "tandis que notre armée poursuivait sa marche vers la ville assiégée, de nombreux essaims de cavaliers armés à la légère, détachés de l'armée ennemie, ne cessèrent de voltiger insolemment sur la droite et la gauche de nos troupes, les inquiétant sans relâche, leur lançant des flèches et des traits qui blessaient les chevaux et les cavaliers, et les forçant enfin à faire halte et à dresser leurs tentes dans une position aride, où l'on ne trouvait point d'eau."

Dans la nuit, Saladin commanda d'abord de réaliser l'encerclement de la butte sur trois côtés par un rapide mouvement tournant de ses armées, ensuite, constatant que le vent soufflait vers la colline, il fit allumer des feux de broussailles qui enfumèrent le camp franc.

PREMIÈRE PHASE.
Le 4 juillet au matin, les armées  franques n'eurent d'autre solution que d'attaquer immédiatement. Elles étaient réparties en trois groupes
     . Une avant garde commandée par Raymond III de Tripoli,
     . L'armée principale sous le commandement du roi Guy de Lusignan,
     . L'arrière garde commandée par Balian d'Ibelin.

Chacune de ses trois composantes devaient attaquer dans les trois directions de l'encerclement partiel réalisé par Saladin
     . Raymond de Tripoli  (R.T du plan) attaque la partie de l'armée turque qui se trouve face à lui
     . Guy de Lusignan ( G.L) et Balian d'Ibelin (B.I) mènent deux attaques par leurs flancs sur les deux armées turques qui se trouvent en contrebas.

DEUXIÈME PHASE
L'armée de Raymond de Tripoli lance comme prévu la charge vers les Turcs qui lui font face. Il ne livre qu'un simulacre de combat car les troupes turques s'ouvrent devant lui et le laissent passer : cette phase du combat paraît étonnante ; elle peut s'expliquer de deux manières :
    . Permettre d'affaiblir les effectifs des armées franques afin de mieux vaincre les forces restées sur le plateau ?
    . Faire renaître la suspicion envers Raymond III en lui permettant de fuir et ainsi d'attiser à nouveau les divisions entre les francs ?

TROISIÈME PHASE ET QUATRIÈME PHASE
Elle est bien décrite dans le témoignage d'Al-Afdal
" Après le départ du comte, les Franj faillirent capituler. Les musulmans avaient mis le feu à l'herbe sèche, et le vent soufflait la fumée dans les yeux des chevaliers. Assaillis par la soif, les flammes, la fumée , la chaleur de l'été et le feu du combat, les Franj n'en pouvaient plus. Mais ils se dirent qu'ils ne pourraient échapper à la mort qu'en l'affrontant.

Ils lancèrent alors des attaques si violentes que les musulmans faillirent cédés. Cependant à chaque assaut, les Franj subissaient des pertes et leur nombre diminuait. Les musulmans s'emparèrent alors de la Vraie Croix. Ce fut pour les Franj, la plus lourde des pertes, car c'est sur elle, prétendirent-ils, que le Messie, la paix soit sur lui, aurait été crucifié.

Il ne resta alors plus que 150 chevaliers pour barrer l’accès de la tente écarlate du roi.

J'étais aux cotés de mon père à la bataille de Hittin, la première à laquelle j'ai assisté. Lorsque le roi des Franj se retrouva sur la colline, il lança avec ses gens une farouche attaque qui fit reculer nos propres troupes jusqu'à l'endroit où se tenait mon père. Je le regardais alors. Il était triste, crispé, et tirait nerveusement sur sa barbe. Il s'avança en criant: « Satan ne doit pas gagner! » Les musulmans partirent de nouveau à l'assaut de la colline. Quand je vis les Franj reculer sous la pression de nos troupes, je hurlai de joie: «Nous les avons battus!» Mais les Franj attaquèrent de plus belle, et les nôtres se retrouvèrent à nouveau auprès de mon père. Il les poussa cette fois encore à l'assaut, et ils les forcèrent l'ennemi à se retirer vers la colline. Je hurlai à nouveau: «Nous les avons battus!»Mais mon père se tourna vers moi et me dit : «Tais-toi ! Nous ne les aurons écrasés que lorsque cette tente là-haut sera tombée! » Avant qu'il ne puisse terminer sa phrase, la tente du roi s'écroula. Le sultan descendit alors de cheval, se prosterna et remercia Dieu en pleurant de joie.

Ce texte, montre bien les phases de la fin de la bataille : les francs lancent la charge contre les turcs, ceux-ci repoussent ces assauts puis tentent d'attaquer la colline. Ils sont repoussés par les francs. Peu à peu, l'épuisement  gagne peu à peu les francs qui combattent avec leur lourdes armures sous une chaleur torride, leurs assauts sont de moins en moins efficaces tandis que ceux des turcs le sont de plus en plus.

il ne restera plus à Saladin de réaliser l'encerclement par l'ouest de la colline : l'arrière-garde de Balian d'Ibelin réussit seule à échapper à la tenaille et à faire retraite, Attaquée de tous les côtés, l'armée principale n'eut d'autre choix que de capituler.

Tous ces renseignements sont tirés du récit du continuateur de Guillaume de Tyr, Bernard le Trésorier

" Quand les Sarrasins virent nos Chrétiens demeurer [sur la colline des Cornes de Hattin], ils en furent très-joyeux; ils s'hébergèrent si près d'eux qu'ils pouvaient se parler les uns aux autres, et qu'un chat ne pouvait sortir du camp des Chrétiens qu'on ne le vît dans celui des Sarrasins. Cette nuit fut très-fâcheuse au camp, car il n'y eut homme ni bête qui pût boire pendant la nuit.

Les Chrétiens passèrent cette nuit armés, et le malaise de la soif s'accrut beaucoup.... Il y avait une grande bruyère là où étaient nos Chrétiens. Les Sarrasins y mirent le feu, afin que les nôtres eussent plus grande souffrance, tant du feu que du soleil... Les hommes d'armes à pied jetaient tout ouvertement leurs armes et se rendaient aux Sarrasins, sans coup férir, par détresse de soif. Quand le roi vit l'angoisse et la détresse des hommes d'armes qui se rendaient aux Sarrasins, il manda au comte de Tripoli qu'il attaquât le premier... .

Le comte attaqua les Sarrasins en descendant le long d'une colline; sitôt que les Sarrasins le virent venir et pousser contre eux, ils s'ouvrirent et lui firent passage; en sorte que le comte passa outre. Quand il fut passé, les Sarrasins se refermèrent, et coururent sur le roi et le prirent avec tous les barons de sa compagnie, hors seulement ceux de l'arrière-garde qui s'en échappèrent.

Quand le comte de Tripoli, qui avait passé à travers les Sarrasins, ouït dire que le roi était pris, il s'en fut et s'en alla à Tyr. ... avec lui s'enfuirent aussi le fils du prince d'Antioche et les chevaliers qui l'avaient accompagné .. Balian d'Ibelin, qui était à l'arrière-garde, s'échappa et s'enfuit à Tyr, et ainsi fit Renaud le sire de Sidon.

En cette bataille fut perdue la sainte croix;

Après que le roi et les francs se soient rendus, Saladin fit entrer dans sa tente le roi et les barons qui avaient été faits prisonnier

" Quand Saladin vit devant lui le roi et les barons qui étaient à sa merci, il en fut très-joyeux. Il vit que le roi avait chaud et sut bien qu'il boirait volontiers. Il fit apporter une pleine coupe de sirop à boire pour le rafraîchir. ( ce qui signifie que le sultan faisait gràce de la vie) Quand le roi eut bu, il tendit la coupe au prince Renaud pour boire. Quand Saladin vit que le roi avait donné à boire au prince Renaud, l'homme du monde qu'il haïssait le plus, il en fut très-irrité, et dit au roi qu'il lui fâchait beaucoup qu'il le lui eût donné; que puisqu'il en était ainsi il pouvait bien le boire, mais à condition qu'il ne boirait jamais plus. Alors il demanda une épée, et lui-même coupa de sa main la tête au prince Renaud, parce que jamais ledit prince n'avait tenu ni foi ni serment dans les trêves qu'il lui avait données; puis il fit prendre sa tête et commanda qu'elle fût traînée par toutes les cités et tous les châteaux du pays; et ainsi fut. Après Saladin fit prendre le roi et tous les prisonniers, les fit mener en prison à Damas, et s'alla loger devant Tibériade.

Jacques de Vitry ajoute une précision quant au sort des prisonniers : "Saladin, espérant détruire entièrement dans les contrées de l'Orient les Ordres des Templiers et des Hospitaliers, fit trancher la tête à tous ceux dont il put se saisir."

Il va également tirer la leçon de la défaite en en donnant un explication morale et religieuse : si les chrétiens ont été vaincus, c'est que Dieu les avait abandonnés à cause de leurs péchés :

Ce fut le 3 de juillet, jour de la fête de la translation de saint Martin, l'an de l'Incarnation du Seigneur 1187, que le Seigneur livra le peuple chrétien aux mains des impies, en punition de ses innombrables péchés... Le Seigneur les humilia et les frappa de crainte et de lâcheté, à tel point que, par un changement complet de fortune, un seul des ennemis en poursuivait cent des nôtres; quelques-uns même jetaient honteusement les armes, et se remettaient sans la moindre résistance entre les mains de leurs ennemis.

Et afin qu'ils pussent reconnaître à des signes certains et évidents la terrible colère du Seigneur, et ne plus douter que le bouclier de la faveur divine s'était retiré d'eux, ils perdirent en outre par une déplorable catastrophe le bois de la croix du salut, qu'ils avaient porté avec eux au combat dans cette malheureuse journée.

Ainsi, c'est la plus grande partie des forces combattante des Etats francs qui est tuée ou fait prisonnier. Désormais, pour Saladin, la reconquête du royaume de Jérusalem peut commencer...

jeudi 6 août 2015

Mentalités et comportements au temps de la croisade (128) : LA BATAILLE D'HATTIN OU LA FIN D'UN MONDE

HATTIN ET LA CAMPAGNE MILITAIRE DE 1187

La campagne militaire de 1187 de Saladin s'est effectuée en trois temps :
     . Une première campagne en mai 1187 qui se termine par la victoire turque de la fontaine de Cresson
     . Ensuite se déroule l'offensive turque sur Tibériade et la bataille de Hattin survenue le 4 juillet 1187 qui anéantit l'essentiel des forces militaires des Etats francs.
     . Enfin, Saladin reconquiert la quasi totalité du royaume de Jérusalem puis la partie orientale du comté de Tripoli et de la principauté  d'Antioche

J'ai décrit les péripéties qui conduisirent à la bataille de la fontaine de Cresson ( voir l'article consacré à ce sujet  dans le chapitre sur la participation aux combats défensifs) 
Rappelons succinctement les faits : les turcs demandèrent à Raymond III comte de Tripoli et prince de Galilée l'autorisation de passer par ses Etats pour effectuer un raid. Le comte, pris entre deux feux, autorisa ce raid à condition qu'il ne se déroule qu'en une journée et qu'il n'attaque pas les lieux d'habitation. En même temps, Raymond de Tripoli avertit les habitants de Galilée de pas sortir ni des villages, ni des villes  et des forteresses pour gagner la campagne pour aucun motif que ce soit.

Ce message est reçu par les templiers de Safed, ils refusent d'obtempérer, appellent des renforts de la forteresse de Caco, demandent à des chevaliers Hospitaliers qu'ils rencontrent et à des chevaliers de Nazareth de se joindre à eux et attaquent l'armée turque de retour de son raid. C'est pour les francs une défaite écrasante qui renforça Saladin dans son idée qu'il pouvait l'emporter en jouant des rivalités entre les princes francs.

En juin 1187 se produit une nouvelle attaque, comme lors de l'offensive de mai, Saladin demande l'autorisation de traverser la Galilée. Raymond III, devant l'imminence du danger, rompit son alliance d'avec le sultan, se réconcilia avec le roi Guy de Lusignan en lui rendant hommage et joignit ses forces à celle du roi.

Saladin décide alors de s'emparer de Tibérias, possession de Raymond III où d'ailleurs séjourne son épouse, il en fait le siège au tout début du mois de juillet. La ville est investie mais les francs se réfugient dans la citadelle.

L'ost franc est installé à Séphorie, lieu habituel de son rassemblement, un endroit où se trouvent de nombreuses sources tandis que l'armée turque effectue le siège de Tlberias. Dans le camp des francs, se tint une réunion houleuse sur la stratégie à adopter :
     . Raymond III de Tripoli est partisan de se replier vers les places-fortes de la côte afin de disposer de bases sûres d'approvisionnement et de repli. Il préfère abandonner Tiberias plutôt que de risquer une attaque en pleine campagne avec tous les risques que cela comporte.
     . Le maître du temple Girard de Ridefort ainsi que Renaud de Châtillon veulent au contraire s'avancer vers le lac de Tibériade et attaquer l'armée turque pour reprendre Tiberias : l'un veut venger les templiers morts à la bataille de Cresson, l'autre est avide de hauts faits d'armes qui pourraient être suivis de fructueux butins.

Les barons francs se rangent à l'avis de Raymond III mais dans la soirée du 2 juillet, le maître de l'ordre du Temple vint voir le roi dans sa tente et lui montra que l'avis de Raymond III était peut-être une nouvelle trahison de la part de ce prince qui fut allié de Saladin ; en outre, il avertit le roi que les chevaliers du Temple voulaient en priorité venger leurs frères morts au combat de mai et que si le roi ordonnait la retraite, les templiers pourraient quitter le camp. Le roi se laissa convaincre, le lendemain matin du 3 juillet, il ordonna le départ de l'ost vers Tibériade.

 Jacques de Vitry raconte ces événements comme suit en les assortissant de commentaires eschatologiques :
"Le seigneur Gui, roi de Jérusalem, et Raimond, comte de Tripoli, suivis de presque tous les hommes nobles du royaume et de tous les chevaliers et hommes de pied qu'il leur fut possible de rassembler, marchant sous de sinistres auspices, et privés de l'assistance divine, se portèrent à la rencontre de Saladin et de son armée, et dressèrent leurs tentes autour de la fontaine de Séphor. Ils se confiaient en leur multitude plus qu'aux secours du ciel.

 Depuis la première arrivée des Latins dans la Terre-Sainte, on n'avait jamais réuni un aussi grand nombre de chevaliers pour une seule bataille; ils étaient douze cents, bien cuirassés; et on dit qu'il y avait en outre dans cette funeste expédition plus de vingt mille hommes de pied, armés et portant des arcs et des arbalètes." 

L'information essentielle concerne l'importance des troupes franques : 1200 chevaliers (dont, selon Iman-Al-din, une moitié sont membres de l'ordre du Temple et de l'hôpital), et plus de 20.000 piétons. Cette armée considérable comporte la quasi-totalité des forces franques : l'ost franc part donc avec presque tous les effectifs immédiatement disponibles dans un expédition particulièrement risquée. Une nouvelle fois, les discordes entre francs et les conflits d'intérêts personnels prirent le pas sur la prudence : c'était, en quelque sorte "quitte ou double" !

À suivre...