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dimanche 9 août 2015

Mentalités et comportements au temps de la croisade (131) : LA BATAILLE D'HATTIN OU LA FIN D'UN MONDE

LE SIÈGE DE JÉRUSALEM ET LES NÉGOCIATIONS POUR LA REDDITION DE LA VILLE (17 septembre-2 octobre)

Elle est décrite par le continuateur de Guillaume de Tyr. Celui-ci, pourtant chrétien, effectue son témoignage sans parti-pris et présente un portrait flatteur de Saladin qu'il loue pour sa magnanimité et pour son esprit de miséricorde. A l'inverse, les chrétiens de Jérusalem apparaissent bien peu sympathiques.

Alors qu'il venait de s'emparer d'Ascalon, Saladin proposa à  "ceux de Jérusalem qu'il avait conviés"  de rendre la ville ;

 «Je vous dis, répliqua Saladin, que vous le ferez. Je crois bien que Jérusalem est la maison de Dieu, c'est notre croyance. Je ne mettrais pas volontiers le siège devant la maison de Dieu, et ne la ferais pas assaillir si je la pouvais avoir par traité et par amour. Je vous donnerai trente mille besants  si vous me promettez la cité de Jérusalem. Vous pourrez aller à cinq milles du côté que vous voudrez, et pourrez labourer à cinq milles de la cité, et je vous ferai venir telle abondance de vivres qu'en aucun lieu de toute la terre il n'y aura de vivres à si bon marché. Vous aurez trêve d'ici à la Pentecôte; et quand ce temps viendra, si vous voyez que vous puissiez avoir secours, alors [tenez bon] ; mais, si vous ne pouvez avoir [de secours], vous rendrez la cité, et je vous ferai conduire sûrement en terre de Chrétiens, corps et avoir ( avec tous vos biens) »

Les envoyés de Jérusalem refusèrent la proposition du sultan.

L'armée turque se porta alors vers Jérusalem et assiégea la ville, les habitants tentèrent quelques sorties mais sans succès. Saladin fit alors dresser ses engins de guerre puis il envoya ses troupes, protégées par les archers et par les tirs des machines de guerre, installer des échelles et creuser des sapes sous la muraille. Les turcs mirent le feu à ces mines et les murs de Jérusalem s'écroulèrent par endroits. Alors que certains chrétiens voulaient tenter une attaque désespérée, le patriarche les convainquit que leur sacrifice serait inutile et qu'il valait mieux traiter, ils envoyèrent Balian d'Ibelin, ce commandant de l'arrière-garde qui avait réussi à s'échapper du piège d'Hattin et avait organisé hâtivement la défense de la ville, rencontrer Saladin.

Balian se rendit au camp de Saladin et " il lui dit que les Chrétiens lui rendraient la cité pourvu qu'ils eussent la vie sauve" Saladin. rappela d'abord que les habitants de Jérusalem ayant refusé les conditions qui leur avait été faites à Ascalon, il avait fait le serment de s'emparer de la ville par la force et qu'il n'était pas question pour lui de transiger avec ce serment. Puis il répondit :

     . Sire Balian, pour l'amour de Dieu et pour vous... ils se rendront à moi comme s'ils étaient pris par [la] force, et je leur laisserai leurs meubles et [leurs] avoir... ; mais leurs corps seront mes prisonniers; et qui pourra et voudra se racheter je le laisserai aller pour une rançon convenue, et celui qui ne se pourra racheter demeurera mon prisonnier»              
    . Balian lui répondit: «Sire, quel serait le prix de la rançon?»
    . Saladin lui dit que le prix serait le même pour les pauvres comme pour les riches, que les hommes donneraient vingt livres, les femmes dix, les enfants dix, et que celui qui ne pourrait payer cette rançon serait esclave.
     . Alors Balian lui dit: «Sire, en cette cité il n'y a que peu de gens qui se puissent aider, hors les bourgeois ... car la cité est toute pleine de gens du pays d'autour et de menu peuple qui s'est mis là dedans"

Saladin ne voulut plus rien entendre.

De retour dans la cité, Balian rendit compte des résultats de son ambassade : le patriarche et les barons présents "eurent grande fâcherie pour le menu peuple de la cité" qui ne pourrait pas payer une telle rançon. Or l'ordre de l'hôpital avait en garde une importante somme qui venait du roi d'Angleterre pour son éventuelle future croisade. Ils décidèrent de s'en servir pour racheter les pauvres. Il est à remarquer que ni le patriarche, ni les deux ordres militaires, ni les bourgeois se proposèrent alors de participer à ce rachat des pauvres !

Une nouvelle fois,  Balian d'Ibelin est envoyé auprès de Saladin pour tenter d'obtenir de meilleures conditions au rachat des habitants.

Dans un premier Saladin refuse de revenir sur les conditions fixées préalablement, puis s'engage le dialogue :
    . «Sire, dit Balian, pour Dieu, demandez des pauvres gens une rançon raisonnable, et je ferai, si je puis, qu'on vous la paiera, car de cent il n'y en a pas deux qui puissent payer rançon (2%) .»
    . Saladin dit que, pour Dieu d'abord, et pour lui ensuite, il se contenterait d'une rançon raisonnable pour ceux qui pourraient payer rançon. Alors il convint que les hommes donneraient dix livres, les femmes cinq et les enfants une. (une rançon réduite de moitié)  Ainsi fut convenue la rançon de ceux qui pourraient se racheter, et que ce qui leur [resterait] , soit meubles ou autres choses, ils pourraient [l'] emporter en sûreté.
     . Après Balian dit à Saladin: «Sire, vous avez fixé la rançon des riches; maintenant vous devez fixer la rançon des pauvres, car il y en a bien vingt mille qui ne pourraient payer la rançon d'un homme. Pour Dieu, mettez y de la raison .»
     Saladin dit qu'il y mettrait volontiers de la raison, et que pour cent mille besants il laisserait aller tous les pauvres.

 Finalement après d'âpres négociations, Saladin accepta de fixer la rançon des pauvres "à trente mille besants pour sept mille hommes, et que l'on compterait deux femmes pour un homme, et dix enfants pour un homme "

Saladin " promit que, quand [les chrétiens ] seraient hors de la cité, il les ferait conduire sûrement en terre de Chrétiens," et demanda à ceux qui avaient des armes de protéger le convoi afin qu'il ne soit pas attaqué en cours de chemin par des pillards : bel exemple d'humanité que de se préoccuper ainsi du sort des vaincus !

Balian rentre alors à Jérusalem et rend compte de sa mission auprès du Patriarche qui agissait en chef de la cité en l'absence du roi,  il convoqua les Templiers, les Hospitaliers et les bourgeois de la cité pour obtenir leur avis, ceux-ci ne purent qu'accepter la proposition.

On peut être assez surpris en lisant ce qui précède  qui témoigne de la mansuétude et de l'humanité de Saladin alors qu'il  était sûr de l'imminence de la victoire. On semblerait même croire que c'est un chroniqueur musulman qui écrit ces lignes !

Le comportement de Saladin  est aux antipodes de celui des francs pour qui la prise d'une ville signifie massacre, pillage et destruction : Encore une fois,  il convient ici de rappeler ici la discussion qui s'éleva lors de la quatrième expédition d'Egypte et que rapporte Guillaume de Tyr : "  ... lorsque les villes sont prises de force, les armées remportent toujours de bien plus riches dépouilles que lorsqu'elles sont livrées aux rois et aux princes à la suite d'un traité. Dans le premier cas, au milieu de la confusion qu'entraînent toujours ces scènes tumultueuses de destruction, tout ce que chacun rencontre, appartient au premier occupant, et accroît la petite fortune de chaque vainqueur ; mais dans le second cas, les rois seuls [en] profitent .. tout ce qui leur est alloué revient de droit à leur fisc. "

Cette attitude du sultan qui tranche avec la sauvagerie des croisés était la normalité chez les musulmans vis à vis des " gens du livre" dont il fallait respecter les lieux de culte et les coutumes religieuses et à qui on imposait seulement le paiement de la capitation.

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