REMARQUE
. Tous les articles de ce blog ont été rédigés par moi-même sans emprunt littéral à d'autres auteurs, ils sont le fruit d'une documentation personnelle amassée au cours des ans et présentent ma propre vision des choses. Après tout, mon avis en vaut bien d'autres.
. Toutes les citations de mes articles proviennent de recherches sur les sites gratuits sur Internet



Mon blog étant difficilement trouvable par simple recherche sur internet, voici son adresse : jeanpierrefabricius.blogspot.com

lundi 9 janvier 2017

… SOUVENIRS DES ANNÉES 1950-60 : l’encadrement religieux de la société (4)

L’ENCADREMENT DES ENFANTS PAR L’EGLISE.

Assez étonnement, l’encadrement des enfants commençait dès la naissance par le choix du prénom du nouveau-né. Tout prénom sortant du calendrier des saints et de la tradition n’était pas possible même au niveau du service de l’Etat-civil, pourtant laïc. De là, il  découlait que chaque enfant était placé dès la naissance sous la protection d’un saint ; à ce prénom principal s’ajoutaient des prénoms secondaires, généralement celui du père  et du grand-père paternel pour les garçons, de la mère ou de la grand-mère maternelle pour les filles.

Venait ensuite le temps du baptême, celui-ci était effectuée peu de temps après la naissance ; dans les mentalités de l’époque, un enfant baptisé qui mourait devenait un ange, on gardait en effet le souvenir d’un âge où la mortalité infantile était encore omniprésente. Pour ce  baptême, les parents choisissaient un parrain et une marraine à l'enfant. C'étaient généralement des membres de la famille très proche. Un lien très fort unissait les parrains-marraines à leur filleul(e), ils étaient considérés comme des parents de substitution, théoriquement chargés de l’encadrement religieux des enfants. Cependant, leur rôle se limitait le plus souvent à offrir la gourmette au nom de l’enfant ou la chaîne à médaillon de la naissance puis le missel ou le brassard lors de la communion solennelle. Néanmoins, l’enfant savait qu’en cas de décès prématuré de leurs parents, il pourrait être pris en charge par ses parrains-marraines afin de lui trouver une solution afin d'échapper à l’orphelinat.

Pour les très jeunes enfants, l’éducation religieuse était essentiellement effectuée par les parents et plus spécialement par la mère de famille, les enfants apprenaient les deux prières essentielles, le « Notre Père » et le « Je vous salue Marie » que l’on récitait  tous les jours avant de s’endormir et au matin en s’éveillant. Les parents racontaient aussi que chaque enfant était doté d’un ange gardien qui tentait de les protéger des incitations du diable et du mal. Dans les familles très pieuses, avait aussi lieu tous les jours le bénédicité avant le repas.

Venait ensuite le temps du catéchisme du jeudi matin. Je ne me souviens pas exactement à partir de quel âge on allait au catéchisme, je pense que c’était vers 6-7 ans à l’entrée à l’école primaire. A l’âge de sept ans, l’église considérait en effet que l’enfant avait acquis son libre-arbitre et donc était responsable de ses péchés :  l’éducation religieuse pouvait commencer.

samedi 7 janvier 2017

… SOUVENIRS DES ANNEES 1950-60 : l’encadrement religieux de la société (3)


suite des articles précédents

La messe de 11h était qualifiée de « grand-messe » ou de  messe solennelle, elle était chantée avec la présence de la chorale accompagnée de l’orgue. Il n’y avait pas de bancs pour les enfants, ceux-ci accompagnaient leurs  parents, les plus jeunes garçons et les filles restaient avec leur mère dans les bancs des femmes, les plus grands garçons s’asseyaient du côté des hommes.

Nous n’allions que très rarement à ces messes solennelles qui étaient plutôt réservées aux adultes. À chaque fois que je m’y rendais, j’étais frappé par la magnificence de la cérémonie. J’étais tout d’abord saisi dès la première mesure de l’introït que jouait l’orgue de manière quasi tonitruante. C’est à ce moment qu’arrivait en procession la cohorte des enfants de chœur derrière la croix que portait l’un d’entre eux ;  la procession  commençait par les plus petits qui portaient  une aube rouge et un surplis blanc. Selon moi, ils ne servaient pas à grand-chose sinon à faire de la figuration, puis s’avançaient les plus grand en aube blanche, puis les deux servants, déjà des adolescents, qui assistaient le prêtre et enfin suivait le curé. Les deux assistants du curé participaient au déroulement de la messe, ce sont eux qui agitaient les clochettes lors de l’eucharistie, tenaient la patène lorsque le prêtre distribuait la communion, encensaient les fidèles...

Le prêtre portait les mêmes ornements que pour les autres messes mais ils paraissaient encore plus somptueux dans ce décor où tout s’entremêlait, la musique et les chants, les lumières vacillantes des cierges, la solennité de la procession... Tout contribuait à créer une ambiance quasiment irréelle et magique. Cette messe était entièrement chantée : aux phrases rituelles psalmodiées par le curé, répondaient les chants de la chorale. On semblait se trouver à mi-chemin entre le monde des hommes et le monde céleste.

Cette impression était encore renforcée lors du sermon ; alors que pour la messe des enfants, le curé prêchait devant la table d’autel en regardant les enfants, pour la messe solennelle il le faisait en chaire d’où il dominait l’assistance. C’était très impressionnant : le prêtre se muait pour quelques instants en interprète de la parole de Dieu, presque son parangon.

Je me suis longtemps  demandé pour quelles raisons ces messes solennelles étaient empreintes d’une telle majesté qui impressionnait les fidèles ; je ne l’ai compris que bien plus tard en particulier en étudiant la vie de saint François d’Assise qui témoignait d’un questionnement sur la finalité du rôle de l’église : l’église doit-elle être riche et puissante à l’image de la puissance de Dieu ou doit-elle être pauvre à l’image de la pauvreté du Christ ? Il n’y avait aucun doute que c’était la première alternative qui était alors privilégiée. Les cérémonies avaient pour but de frapper les esprits, de les émerveiller de toucher leur sensibilité et par ce biais, de  les amener à croire.

A cette époque, la notion de foi n’était qu’un concept assez vague que le curé ne définissait pas, l’essentiel pour l’église était, selon ce que j'observais,  de vivre en bons chrétiens et de  respecter  les règles morales et les rituels imposés par l’église ;  il fallait essayer de ne pas faire trop de péchés pour mériter le salut et si nécessaire de se les faire absoudre par la confession et la pénitence. La foi était un sentiment beaucoup plus profond émanant de l'être humain lui-même sans nécessaire corrélation avec les cérémonies voulues par l'église.

On raconte souvent qu’il existait un comportement différent des hommes et des femmes à propos de la messe. Un adage très communément employé était «  les femmes à la messe, les hommes au bistrot ». Je ne sais pas si cet adage correspondait à la vérité mais on nous le faisait croire : près des églises se trouvait généralement un bar fort animé le dimanche matin, on nous disait que ce bar était un lieu de péché  et qu’il ne fallait jamais y aller sous peine de perdre son âme.

jeudi 5 janvier 2017

… SOUVENIRS DES ANNEES 1950-60 : l’encadrement religieux de la société (2)

Du fait qu’il y avait un curé dans chaque paroisse, le nombre des messes célébrées était très important. Il y avait d’abord une messe basse chaque matin, elle était évidemment peu fréquentée par les familles qui avaient bien d’autres choses à faire à ce moment ; à ces messes, on trouvait surtout des  vieilles filles souvent bigotes ainsi que des veuves pour qui l’office du matin  apportait quelque réconfort. Elles étaient toute vêtues de noir. Pour elles, la messe faisait  partie intégrante du déroulement de leur journée.

Le dimanche, le curé célébrait trois messes : la messe basse, la messe dite des enfants, la grand-messe. Ces messes étaient bien différentes bien que les mêmes rites s’y déroulaient ; ces différences tenaient à la solennité de la célébration et aussi au public à laquelle elles s’adressaient.

La messe basse avait lieu vers 7h du matin, elle était fréquentée par le même public que celui de la semaine auquel s’ajoutaient quelques personnes qui, ayant affaire la matinée, ne pouvait assister aux deux autres offices. Cette messe était parlée et non psalmodiée, elle était entrecoupée de quelques chants entonnés par les voix aigrelettes des participants.

La deuxième messe, celle des enfants, avait lieu à 10h. C’est évidemment la messe dont je me souviens le mieux, et que je peux décrire en détail.  Elle était plutôt organisée pour les enfants mais, bien évidemment, tous pouvaient y assister ; c’était en particulier le cas des mères de familles qui venaient avec leurs enfants portant à cette occasion leurs « habits du dimanche » : chemise blanche, cravate et culotte courte puis pantalon pour les jeunes garçons, belle robe et chapeau pour les filles. On se rendait à l’église à pieds, en famille ou avec les copains/copines.

Cette messe se caractérisait par le fait que les enfants étaient séparés de leurs parents. Une dizaine de bancs leur étaient réservés  dans la première travée entre la table d’autel et la chaire. Les garçons étaient assis à gauche, les filles à droite ;  la séparation des sexes lors des messes ne s’appliquait pas qu’aux enfants ; les adultes faisaient de même y compris pour les gens mariés qui devaient se séparer pour la circonstance.

Pendant cette messe, les enfants étaient surveillés par deux vieilles bigotes, toute vêtues de noir qui prenaient pour la circonstance un air autoritaire et renfrogné, elles étaient chargées de l’ordre et de la discipline ; celle qui gardait les garçons avait une réputation de grande sévérité,  si l’un d'eux bavardait ou s’amusait, elle éructait bruyamment des « tsi tsi » qui remettaient au pas la plupart d'entre eux ; cependant, si cela ne suffisait pas, elle n’hésitait pas à envoyer le bavard ou le chahuteur face à la table d’autel et à genoux afin que « Monsieur le curé » le voie. Cela suffisait à calmer les autres ! Cette messe était partiellement chantée, un paroissien se chargeant de diriger les chants.

La messe commençait d’abord par la procession des enfants de chœur qui précédait l’arrivée du prêtre. Les enfants de chœur, pour cette messe, étaient assez peu nombreux, beaucoup moins que dans les messes solennelles comme je l’indiquerai plus loin. Le curé était revêtu des habits sacerdotaux : l’aube, l’étole, le manipule au  poignet et la chasuble somptueusement ornée de motifs de fil doré ; la couleur de celle-ci changeait selon les différentes parties des temps liturgiques : verte pour les temps ordinaires, violette pour le carême et l’avent, blanche pour les grandes solennités, noire pour les enterrements...

Nous avions tous notre missel avec, pour chaque page, deux colonnes : l’une comportait le rituel en latin, l’autre en était la traduction, la messe était alors en latin et les répons se produisaient dans cette langue. Personnellement, je trouvais beaucoup de charme au latin, je préférais, et de loin, des répons tels que «  Dominus Vobiscum – et cum spirite tuo » au pâle « le seigneur soit avec vous – et avec votre esprit » on ne comprenait certes pas tout mais cela avait beaucoup d’allure ! Seules quelques prières dont le « Notre Père » étaient dites en français.

Pour cette messe des enfants, le curé adaptait son prêche, utilisant des notions telles que l’amour de Dieu et du prochain, les paraboles, l’exemple des saints,  le sacrifice de Jésus sur la croix... pour énoncer des sentences surtout morales ayant trait aux comportements de la vie quotidienne qu’il avait pu observer. Il ne montait pas en chaire mais parlait de la table d’autel face aux enfants.

Malgré ces aménagements, les prêches du curé étaient trop longs et la plupart des enfants présents n’écoutaient que le début du sermon, puis, peu à peu, leur attention se détournait et à la fin, plus personne n’était attentif, tous attendaient l’ « amen » qui signifiait la fin du prêche.

Après le prêche, la messe suivait son cours ; à cette époque, le curé officiait sur l’autel situé au chevet de l’église et tournait le dos aux fidèles. En sorte qu’on ne voyait pas ce  qui se passait quand, prenant l’hostie et le vin, il prononçait en latin les phrases rituelles qui les transformaient en corps et sang du Christ ;  pour les enfants que nous étions, c’était un grand mystère que nous ne pouvions pas comprendre. Nous assistions à cette eucharistie à genoux comme tous les autres fidèles, la tête baissée, ce qui ajoutait encore à ce mystère. On levait la tête seulement quand le prêtre levait le calice contenant ce qui était devenu le sang du Christ et l’hostie consacrée.

L’eucharistie était suivie de la communion, je reparlerai plus loin des rites que celle-ci imposait, à cette époque, elle se faisait à genoux devant la table d’autel, rambarde qui séparait le chœur de la nef, le prêtre passait de l’un à l’autre prononçait ou plutôt baragouinait à toute vitesse une longue phrase en latin ainsi libellée :"Corpus Domini nostri Jesu Christi custodiat animam tuam in vitam aeternam," mais dont on entendait distinctement que le début et la fin. Il ne fallait pas mâcher l’hostie mais la laisser mollir dans la bouche avant de l’avaler. Pendant ce court laps de temps, on regagnait sa place et, à genoux, on se recueillait. Les enfants croyaient-ils avaler le corps du Christ ? Ils étaient certes intrigués que cette petite hostie puisse contenir un homme entier mais puisqu’on leur avait dit qu’il en était ainsi, à quoi bon douter !

Apres le Notre Père et la bénédiction finale ("Pater, Filio et Spirito tuo") que l’on recevait à genoux, le prêtre prononçait la formule rituelle «  ite missa est » qui signifiait que la messe était finie, après une dernière génuflexion, on pouvait sortir de la surveillance du dragon pour repartir chez soi avec sa mère, ses frères et sœur ou avec les copains/copines. .

mardi 3 janvier 2017

…SOUVENIRS DES ANNEES 1950-60 : l’encadrement religieux de la société (1)

La série d’articles qui va suivre va évoquer plusieurs aspects  de la vie quotidienne des années 1950-1960, il s’agit d’un témoignage et non d’une étude exhaustive de la société de l’époque. Tant de choses ont changé en presque 60 ans que ce témoignage pourra paraître émaner d’un passé totalement révolu. La première série de ces articles concernera l’encadrement de la société par la religion catholique.

Laissons maintenant ce témoin, un enfant du peuple, égrener ses souvenirs

A cette époque, la religion catholique faisait partie intégrante de la vie quotidienne comme de l’encadrement de notre société d’enfants, Elle était un complément indispensable à l’enseignement dispensé par l’école et à l’éducation donnée par les parents. Tous participaient à part quasi-égale à notre préparation à la vie d’adulte.

Il y avait alors un prêtre dans chaque paroisse et pour chaque église ; les prêtres étaient nombreux et il était  encore courant que, dans les familles pieuses, un des enfants entre au séminaire. La notion de paroisse était une réalité, elle associait une église à des gens qui souvent y avaient été baptisés, s’y étaient mariés et où serait célébrée leur messe d’enterrement pendant laquelle la quasi-totalité des paroissiens viendrait  leur dire un dernier adieu.

Presque tous les enfants étaient baptisés, ils allaient à la messe tous les dimanches  et au catéchisme le jeudi, ils faisaient leur petite communion vers l’âge de 7 ans, puis effectuaient leur communion solennelle à 12 ans. Beaucoup aussi étaient enfants de chœur.

La communion solennelle marquait en quelque sorte la fin des études religieuses tout comme le certificat d’études primaires consacrait la fin de l’instruction à l’école primaire. La communion solennelle était suivie de la confirmation que beaucoup faisaient encore, puis peu à peu, la participation des jeunes à la messe se réduisait. Il faut dire qu’à cette époque, on passait très vite de l’enfance au monde adulte. Dès 14 ans, beaucoup étaient déjà dans le monde du travail, ce qui induisait d’autres modes de vie et de pensée. Cependant, même si les jeunes cessaient d’aller à la messe, la plupart conservaient un certain respect pour les conceptions religieuses acquises et pratiquaient leurs préceptes dans le cadre de leur vie quotidienne.

Ceux qui continuaient à fréquenter l’église le faisaient par habitude familiale en particulier dans les familles très pieuses  où l’assistance à la messe s’effectuait en famille.

À suivre..

jeudi 22 décembre 2016

..La légende de Saint Nicolas (10)

SAINT NICOLAS DÉLIVRE LES PRISONNIERS

Le dernier miracle de Saint Nicolas que je me propose de décrire dans ce chapitre consacré à Saint Nicolas est celui de la délivrance des prisonniers. Elle est mentionnée à deux reprises par Jaques de Voragine et correspond à une légende médiévale  qui explique en grande partie l’importance de la dévotion vouée à Saint Nicolas en Lorraine.

LE TEXTE DE JACQUES DE VORAGINE
Un homme riche dut aux mérites de saint Nicolas d'avoir un fils qu'il nomma Adéodat. Il éleva, dans sa maison, une chapelle en l’honneur du saint dont il célébra, chaque année, la fête avec solennité. Or le pays était situé près de la terre des Agaréniens. Un jour Adéodat est pris par eux, et placé comme esclave chez leur roi. L'année suivante, tandis que le père célébrait dévotieusement la fête de saint Nicolas, l’enfant, qui tenait devant le monarque une coupe précieuse, se rappelle la manière dont il a été pris, la douleur et la joie de ses parents à pareil jour dans leur maison, et se met à soupirer tout haut. A force de menaces, le roi obtint de connaître la cause de ces soupirs, et ajouta: « Quoi que fasse ton Nicolas, tu resteras ici avec nous. » Tout à coup s'élève un vent violent qui renverse la maison et transporte l’enfant avec sa coupe devant les portes de l’église où ses parents célébraient la fête; ce fut pour tous un grand sujet de joie.

 On lit  ailleurs que cet enfant était de la Normandie, et qu'allant outre-mer, il fut pris par le Soudan qui le faisait fouetter souvent en sa présence. Or un jour de Saint-Nicolas, qu'il avait été fouetté et que, renfermé dans sa prison, il pleurait en pensant à sa délivrance et à la joie ordinaire de ses parents à pareil jour, tout à coup il s'endormit et, en se réveillant, il se trouva dans la chapelle de son père *.

LE MIRACLE DU SIRE DE RECHICOURT
Le sire de Réchicourt, un chevalier lorrain qui participait vers 1230 à la croisade, fut fait prisonnier par les turcs, ils l’enfermèrent dans un sombre cachot où ils l’enchaînèrent, peut-être attendaient-ils le paiement d’une rançon qui ne vint jamais. Les mois puis les années passèrent... À peine nourri, les habits en loques, les cheveux et la barbe en broussailles, le corps sale et couvert de vermines, le sire de Rechicourt avait perdu toute apparence humaine. Tous les soirs cependant,  il priait Saint Nicolas et reprenait espoir.

Une nuit, un froid inhabituel l’éveilla, il ouvrit les yeux et aperçut un ciel parsemé d’étoiles qui brillaient intensément ; il se dressa, constata que les chaînes qu’il portait aux bras et aux jambes avaient été descellées des murs du cachot, et s’aperçut qu’il se trouvait sur le parvis d’une grande église, il reconnut tout de suite l’église de Saint Nicolas de Port. Saint Nicolas l’avait sauvé de ses oppresseurs ! Le miracle eut lieu dans la nuit du 5 au 6  décembre, jour anniversaire de la mort de Saint Nicolas.

Le matin du 6 décembre,  on découvrit au pied de la porte un  vagabond sale, hirsute, chargé de fers  et en haillons qui réussit à se faire reconnaître grâce à une bague portant son sceau. A la nouvelle de ce miracle, les gens accoururent et on célébra une messe d’action de grâces. Pendant l’élévation, les chaînes tombèrent sur le sol. Elles sont conservées dans un reliquaire du trésor de la basilique

Pour commémorer ce miracle, il est organisé chaque année dans la nuit du 5 au 6 décembre une grande procession au cours de laquelle, le bras-reliquaire de Saint Nicolas est porté en cortège dans la basilique toute illuminée par les bougies portées par les très nombreuses personnes venues honorer le patron de la Lorraine


mardi 20 décembre 2016

..La légende de Saint Nicolas (9)

DEUX MIRACLES ACCOMPLIS PAR SAINT NICOLAS APRÈS SA MORT

Le premier miracle que je rapporterai est celui de l’enfant noyé et ressuscité par Saint Nicolas. Il est représenté dans les deux vitraux n°14 et 39 de la cathédrale de Chartres. J’ai accolé ci-dessous le texte de Jacques de Voragine et les deux représentations du miracle sur le vitrail 39.

Un noble pria le bienheureux Nicolas de lui obtenir un fils, lui promettant de conduire son enfant à son église où il offrirait une coupe d'or. Un fils lui naquit et quand celui-ci fut parvenu à un certain âge, il commanda une coupe. Elle se trouva fort de son goût, et il l’employa à son usage, mais il en fit ciseler une autre d'égale valeur. Et comme ils allaient par mer à l’église de saint Nicolas, le père dit à son fils d'aller lui puiser de l’eau dans la coupe qu'il avait commandée en premier lieu. L'enfant, en voulant puiser de l’eau avec la coupe, tomba dans la mer et disparut aussitôt. Le père cependant, tout baigné de larmes, accomplit son vœu. 

Etant donc venu à l’autel de saint Nicolas, comme il offrait la seconde coupe, voici qu'elle tomba de l’autel comme si elle en eût été repoussée. L'ayant reprise et replacée une seconde fois sur l’autel, elle en fut rejetée encore plus loin. Tout le monde était saisi d'admiration devant un pareil prodige, lorsque voici l’enfant sain et sauf qui arrive portant dans les mains la première coupe ; il raconte, en présence des assistants, qu'au moment où il tomba dans la mer, parut aussitôt saint Nicolas qui le garantit. Le père rendu à la joie offrit les deux coupes au saint.

Les deux documents racontent le même événement avec toutefois trois différences importantes :
   . D’abord, Jacques de Voragine évoque deux coupes tandis que le vitrail n’en présente qu’une seule ; en conséquence, l’histoire de la seconde coupe qui  tombe à terre n’y apparaît pas ; à l’arrivée, les parents de l’enfant, ne viennent pas porter une seconde coupe, ils sont simplement en prière devant l’autel.
   . Ensuite,  on constate, sur le vitrail présenté ci-dessus, que l’enfant ne tombe pas à l’eau naturellement ;  près de lui se trouve en effet un démon cornu tenant à la main un bâton muni d’un crochet qui a servi à tirer l’enfant pour le faire tomber dans l’eau et le noyer. Dans cette perspective, le miracle prend tout son sens : il s’agit de l’éternel combat du bien contre le mal, de Dieu et de ses saints contre les forces sataniques.  Nicolas, du fait de sa sainteté, possède le moyen de contrer le diable et peut retirer des griffes du démon un enfant innocent pour le remettre à ses parents.
    . Enfin, il convient de constater une autre différence entre les deux sources d'information : dans le texte de la Légende Dorée, le saint n’apparaît pas au moment où l'enfant tend la coupe à ses parents, il n'est cité qu'au moment du sauvetage de l'enfant ;  par contre, le vitrail de Chartres figure saint Nicolas physiquement présent  à cet instant et donc en vie.

Selon moi, le vitrail de Chartres présente le récit dans sa version la plus ancienne et met en scène l''évêque de son vivant tandis que le texte de Jacques de Voragine témoigne d'une version postérieure ayant subi de nombreux ajouts et surtout faisant intervenir le saint après sa mort terrestre.

dimanche 18 décembre 2016

..La légende de Saint Nicolas (8)

LA MORT DE NICOLAS ET SON DOUBLE ENSEVELISSEMENT (suite)

La troisième partie du texte de Jacques de Voragine évoque la translation du corps de Saint Nicolas à Bari.

« Longtemps après les Turcs détruisirent la ville de Myre ; or, quarante-sept soldats de Bari (62 selon la tradition) y étant venus, et quatre moines leur ayant montré le tombeau de saint Nicolas, ils l’ouvrirent, et trouvèrent ses os qui nageaient dans l’huile ; ils les emportèrent avec respect dans la ville de Bari, l’an du Seigneur 1087. »

Rappelons le contexte historique : la bataille de Manzikiert (1071) qui a vu la défaite de l’armée byzantine contre le sultan seldjoukide Alp Arslan, avait été suivie de l’invasion de l’Anatolie par les turcs. La ville de Myre étant menacée, deux cités italiennes, Venise et Bari, décidèrent de récupérer les reliques de Saint Nicolas  avant qu’il ne soit trop tard. Prenant de court les vénitiens, Bari organisa une expédition qui  arriva la première.

À ce moment, selon le livre de Adrien Baillet « les vies  des saints... disposés selon l’ordre des calendriers  » paru en 1704, « ils ne trouvèrent presque personne dans le monastère de l’église de Sion, il n’y avait que trois religieux qui gardaient le Saint dépôt, tout était en désolation par les hostilités des turcs. Ils firent croire à ces religieux qu’ils étaient envoyés du Pape... pour pourvoir à la sûreté.. des saintes reliques et les garantir des insultes des ennemis de Jésus Christ », les moines, soudoyés, acceptèrent la translation. «Après diverses prières, ils rompirent le tombeau de marbre à grand coups de marteau et ils y trouvèrent une urne et crûrent que c’était un grand vase de parfum ; ils remarquèrent qu’elle était pleine d’une liqueur admirable qui ressemblait à une huile très pure qui sortait du corps du Saint. On en tira les os du Saint et on remarqua qu’ils suaient de la même liqueur.. » .Ils arrivèrent à Bari le dimanche 9 mai. «On ajoute que le miracle que Dieu avait opéré à Myre (celui de la manne) se continuait à Bari... les magistrats... jetèrent les fondements d’une grande et magnifique église, le Pape Urbain 2 en fit la dédicace »

Ce texte corrobore, en l’expliquant plus précisément, le récit de Jacques de Voragine,

À propos du suintement émanant des os de Saint Nicolas, je voudrais citer un extrait de la « vie de sainte Brigitte de Suède (+1373)  d’après des documents authentiques  écrite par une religieuse de l'adoration perpétuelle  » en 1879 où, selon ce texte, c’est Saint Nicolas lui-même qui le justifie  :

«  En pénétrant dans le temple qui renferme le tombeau du grand saint Nicolas, Brigitte ressentit une joie inexprimable; elle se prosterna avec une humble dévotion devant les saintes reliques, et sa pensée médita le symbolisme de l'huile qui en découlait... A ce moment apparut à ses yeux une forme vénérable, toute brillante et comme ointe d'un baume odorant. La céleste vision lui dit : « Je suis l'Évêque Nicolas; je vous apparais sous cette forme pour vous révéler l'état dans lequel se trouvait mon âme aux jours de ma vie terrestre; mes membres étaient adroits et souples au service de Dieu, comme l'est un instrument frotté d'huile sous la main de celui qui le manie. Écoutez donc : de même que la rose exhale un agréable parfum, de même que le raisin donne un jus plein de douceur, ainsi mes ossements ont reçu de Dieu le rare privilège de distiller une huile salutaire. En effet, le Tout-Puissant n'honore et n'exalte pas seulement ses élus dans le ciel; il les glorifie également sur la terre, pour l'édification d'un grand nombre »

Les reliques de Saint Nicolas se trouvent toujours à Bari à quelques exceptions près, un humérus se trouve à la cathédrale de Fribourg en Allemagne, on trouve aussi quelques fragments à l’abbaye de Hauterive et en Belgique. En outre, en 1098, un chevalier lorrain Aubert de Varangéville s’empara d’une phalange du doigt de Saint Nicolas et la ramena en Lorraine ce qui fit de Saint Nicolas le patron de cette province.

À Bari, deux grandes fêtes sont célébrées en l’honneur de Saint Nicolas :
     . Le 6 décembre, date anniversaire de la mort présumée du Saint,
     . Le 9 mai, date anniversaire de la translation. Une grande procession conduit la statue du Saint vers la mer où elle est chargée sur un bateau de pêche qui se rend à l’endroit où, en 1087, le bateau transportant les reliques a accosté. A l’issue de cette procession, on prélève la manne suintant du tombeau  dans un flacon de verre, la manne sera alors mélangée à de l’eau bénite pour distribution aux fidèles.

               le tombeau de saint Nicolas à Bari

Dans les deux articles suivants, j'évoquerai deux miracles post mortem de saint Nicolas.  

jeudi 15 décembre 2016

..La légende de Saint Nicolas (7)

LA MORT DE NICOLAS ET SON DOUBLE ENSEVELISSEMENT

Le texte de Jacques de Voragine évoquant  la mort de celui qui allait devenir Saint Nicolas se décompose en trois parties :
     . La mort de l’évêque proprement dite,
     . L’ensevelissement au monastère de Sion où il s’était retiré et le miracle de la manne,
     . La translation du corps de Saint Nicolas à Bari où il se trouve encore.

On ne trouve que très peu de représentation de la mort de Nicolas, je n’en connait  qu’une sur le retable de Tallinn. Le panneau de ce retable est présenté à côté du texte de la légende dorée.

Quand le Seigneur voulut enlever le saint de dessus la terre, Nicolas le pria de lui envoyer, des anges; et en inclinant la tète, il eu vit venir vers lui : et après avoir dit le Psaume, In te, Domine, speravi, jusqu'à ces mots : In manus tuas...., il rendit l’esprit, l’an de J.-C. 343. Au même moment, on entendit la mélodie des esprits célestes.

Les deux versions concordent : sur le panneau du retable, on aperçoit Nicolas en prières qui s’affaisse doucement, au dessus, deux anges que Dieu a envoyé portent un corps nu simplement vêtu d’un linge autour de la taille et représenté en prières, c’est l'âme de Nicolas que les deux anges mènent au ciel.







La deuxième partie du texte de Jacques de Voragine est, selon moi, l’épisode le plus curieux de toute l’histoire de Saint Nicolas :

On l’ensevelit dans  un tombeau de marbre ; de son chef jaillit une fontaine d'huile et de ses pieds une source d'eau; et jusqu'aujourd'hui, de tous ses membres, il sort une huile sainte qui guérit beaucoup de personnes. Il eut pour successeur un homme de bien qui cependant fut chassé de son siège par des envieux. Pendant son exil, l’huile cessa de couler; mais quand il fut rappelé elle reprit son cours.

Ainsi, selon ce texte,  du corps même de l’évêque suinte un liquide que l’on peut recueillir et qui guérit d’innombrables maladies ! Il va de soi qu’il se créa très vite un pèlerinage, les pèlerins venant en grand nombre pour prier et obtenir de la manne. Ce pèlerinage se produisit avant même que Nicolas soit reconnu comme Saint, d’abord par les chrétiens du l’empire byzantin ( au 6eme siècle, Justinien lui dédie une église à Constantinople) puis par les chrétiens occidentaux probablement à la fin du 11e siècle consécutivement au transfert des reliques de Saint Nicolas à Bari en 1087.


À suivre...