REMARQUE
. Tous les articles de ce blog ont été rédigés par moi-même sans emprunt littéral à d'autres auteurs, ils sont le fruit d'une documentation personnelle amassée au cours des ans et présentent ma propre vision des choses. Après tout, mon avis en vaut bien d'autres.
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mardi 8 octobre 2019

LA TAPISSERIE DE BAYEUX, témoignage de la vie et des mentalités au 11e siècle (17)

HISTOIRE CHRONOLOGIQUE DES ÉVÉNEMENTS DÉCRITS DANS LA TAPISSERIE DE BAYEUX

LA FIN DE LA GUERRE DE BRETAGNE : LA PRISE DE DINAN

La troisième phase de la guerre de Bretagne, telle qu’elle est décrite  par les phylactères de la tapisserie de Bayeux,  paraît sans ambiguïté en ce qui concerne la poursuite des opérations militaires :

   . HIC MILITES WILLEIMI DUCIS PUGNANT CONTRA DINANTES : « les soldats du duc Guillaume attaquent Dinan ».

  . ET CONANS CLAVES PORREXIT : « et Conan remet les clés »

On ressent l’impression que l’armée normande a poursuivi sans relâche l’armée de Conan  jusqu’à Rennes puis jusqu’à Dinan où Conan fut obligé de se réfugier. Cette  chronologie n’est  absolument pas corroborée par la chronique de  Guillaume de Poitiers.

Rappelons d’abord que le duc dût quitter la Bretagne  du fait de la disette sévissant dans son armée, et que, s’il revint en Bretagne, c’est parce qu’il se sentait menacé par la conjonction des armées de Conan et de Geoffroy d’Anjou qui s'avançaient afin d'envahir la Normandie : « (Guillaume) se montra d'autant plus avide de combattre qu'il voyait plus de gloire à triompher, dans une seule bataille, de deux ennemis tous deux cruels. »

Quand il annonça à Hual que son armée attendrait l’ennemi sur son territoire, Hual lui manifesta son désaccord :
« Hual, sur le territoire duquel il campait, se plaignit à lui,.. Si en effet le duc demeurait pour attendre Conan, le pays, peu fécond et fort épuisé, serait entièrement ravagé; et il revenait au même pour les laboureurs de voir consommer par l'armée des Normands ou par celle des Bretons le fruit des travaux d'une année. Si l'expulsion de Conan avait servi à sa renommée, elle n'avait rien fait à la conservation de leurs biens."

Dans de telles conditions Guillaume dût promettre de ne pas piller le pays et de payer tout ce qu’il devrait prélever dans le pays en attendant la bataille finale. Pourtant cette attente fut inutile comme l’écrit Guillaume de Poitiers :

« Ce fut inutilement que le duc attendit le combat, car son ennemi s'enfuit encore plus loin ». Alors, toujours selon Guillaume de Poitiers, le duc rentra directement en Normandie : « De retour chez lui, après que son cher hôte Hérald eut demeuré quelque temps auprès de lui, il le congédia comblé de présents »

Il est surprenant que le chroniqueur, un des plus fervents panégyristes de Guillaume, n’ait pas mentionné la prise de Dinan et surtout la reddition de Conan qui ne pouvaient qu’ajouter à la gloire du duc de Normandie. Cette absence peut être interprétée de deux manières : ou Guillaume de Poitiers a oublié cet épisode, ce qui n'est pas vraisemblable, ou la prise de Dinan ne fut qu’un épisode secondaire et sans lendemain de la guerre de Bretagne ne méritant même pas une mention dans les chroniques. Si cette seconde hypothèse est bonne, il est évident que ce n’est pas Conan qui dût se rendre à Guillaume.

Quoiqu’il en soit, cette partie de la tapisserie de Bayeux est d’un grand intérêt à deux points de vue : elle montre à nouveau un château fortifié dans sa totalité et elle permet de constater la manière dont une armée peut conquérir un château.

   . Le château de Dinan est représenté dans son intégralité ; sa structure étant organisée de la même manière que celui de Rennes, on peut penser que ce type de château fortifié correspondait à une généralité que l’on retrouvera encore lors de la description du château de Bayeux.

En ce qui concerne le château de Dinan, je me bornerai à rappeler les éléments qui le constituent :
     . A : la butte
     . B : les fossés sans eau
     . C : la rampe permettant l’accès au haut château
     . D : les portes. A Dinan, il existe deux portes
              . Une porte basse pourvue de moyens de défense
              . Une porte haute dissimulée par les assiégés qui tentent une sortie.
   . E : la courtine est construite au moyen de pieux de bois créant ainsi des sortes de créneaux permettant le tir
   . F : une tour centrale comportant deux niveaux :
              . Un premier niveau, construit dans doute en maçonnerie, avec peut-être une ossature de bois
              . Un second niveau où devait se trouver la grande salle du château où vit le seigneur du lieu.

L’attaque de Dinant est beaucoup plus intéressante que celle de Dol parce que complète. Elle montre la fin de la bataille et doit s’articuler comme suit :


     - Des hommes d’armes ont réussi à pénétrer jusqu’au pied de la butte (G), ils ont planté  au sol leurs javelots et ont posé à terre leurs boucliers ; ils font tournoyer des cordes pourvues de poix enflammée afin de faire brûler la courtine de bois. Un des brûlots a déjà atteint la muraille.

     - Devant le risque d’embrasement du château, la garnison encerclée tente une sortie (H) en brandissant elle aussi des javelots afin d'essayer de briser l’encerclement.

     - Pour contrer la sortie, se produit  la charge des cavaliers (J), ils ont revêtu une cotte de mailles qui leur couvre le torse, les bras et les cuisses. Pour la charge, ils ne sont armés que d’un bouclier et un javelot ; quelques-uns portent en sus une épée. Ils sont coiffés d’un casque conique pourvu d’un nasal. Ils lancent leurs javelots dès qu'il sont assez près du château ennemi On aperçoit sur la courtine quelques javelots fichés dans les murs.

La sortie des assiégeants dût échouer puisqu’on aperçoit un homme d’armes (K) tendant  les clés du château  (L) au bout de  son javelot. Guillaume (4) s’avance alors pour les recevoir. Son bouclier est décoré d’une croix. Il est évident que ces scènes ne sont pas simultanées puisqu’entre la sortie manquée et la reddition, il dut s’écouter une période de négociations.

La scène suivante représente Guillaume (4) armant chevalier Harold (2) (HIC WILHEIM DEDIT HAROLD ARMA, Guillaume donne ses armes à Harold). A cette époque, il était de coutume que les hommes d’armes s'étant conduits vaillamment lors de la bataille, soient armés chevaliers directement sur le lieu des combats, sans passer par le long processus de l’adoubement qui ne se développera que plus tard. Guillaume tient le bras d’Harold et lève la main au-dessus de son épaule, il s’apprête à donner à Harold un violent coup de poing sur l’épaule, la colée. Afin de montrer à tous  son courage, Harold restera impassible devant la douleur.



La présence de cette cérémonie a de quoi étonner du fait qu’Harold est âgé d’environ 40 ans. Peut-être Guillaume voulut-il , par ce geste, agréger Harold à la  hiérarchie militaire du duché de Normandie et ainsi  renforcer les liens de sujétion de celui-ci envers lui.

Prochain article : LE. RETOUR À BAYEUX ET LE SERMENT D’HAROLD

NOTE COMPLÉMENTAIRE
La carte des différents lieux cités ci-dessus :

dimanche 6 octobre 2019

LA TAPISSERIE DE BAYEUX, témoignage de la vie et des mentalités au 11e siècle (16)

HISTOIRE CHRONOLOGIQUE DES ÉVÉNEMENTS DÉCRITS DANS LA TAPISSERIE DE BAYEUX

LA GUERRE DE BRETAGNE : LES OPÉRATIONS MILITAIRES. (Suite)

Le second épisode de l’expédition de Bretagne montre une armée figurée par quelques cavaliers  chevauchant entre Dol et Rennes (REDNES). La logique voudrait que cette armée soit celle de Guillaume lancée à la poursuite de Conan. Cette idée est en contradiction avec le récit de Guillaume de Poitiers :

"Le chef terrible (Guillaume) qui l'avait chassé aurait poursuivi le fuyard s'il n'avait vu un danger évident à conduire une nombreuse armée à travers de vastes contrées stériles et inconnues. S'il restait quelque chose .. (des récoltes) de  l'année précédente, les habitants l'avaient caché avec leurs troupeaux dans des lieux sûrs. Les blés étaient encore verts ou en épis. … le duc ramena son armée épuisée par la disette … présumant, dans sa grande âme que Conan le supplierait bientôt pour obtenir sa grâce et le pardon de son crime. Mais, comme il sortait des frontières de la Bretagne, on lui annonça tout à coup que Geoffroi d'Anjou s'était joint à Conan avec des troupes considérables, et que le jour suivant ils viendraient tous deux lui livrer bataille."

Ce texte permet de reconstituer le scénario qui suivit la fin du siège de Dol. L’armée normande, non seulement ne partit pas à la poursuite de Conan, mais dût rentrer en Normandie du fait que les troupes souffraient de la faim. Certes, elles auraient pu piller la campagne entourant Dol mais c’était impossible puisque les normands se trouvaient en territoire allié.

Dans ces conditions, l’armée représentée sur la tapisserie  ne peut être que l’armée bretonne qui se replie vers Rennes, non pour fuir mais, plutôt, pour rejoindre l’armée de Geoffroy d’Anjou venant à la rescousse de Conan afin de chasser Guillaume du duché de Bretagne et d’envahir la Normandie.

   . REDNES : « Rennes »  :

Cette scène est d’un grand intérêt au niveau de la description d’un château fort du 11e siècle. Le dessin permet de compléter les scènes partielles décrites sur la tapisserie dans ses premiers épisodes (grandes salles d’Edouard et de Guillaume, donjon où mangea Harold avant son passage sur le continent).

Le château est situé sur une motte (A), la présence de deux formes de murs (B) permet de penser que la butte était entourée d’un mur servant de fortification basse. Sur ses flancs semblent paître des animaux. Une rampe d’escaliers (C) permet d’accéder à la porte d’entrée du château (D). Ce château est entouré d’une courtine (E) composée de troncs de bois de différentes hauteurs, ce qui permet de créer des créneaux de tir. Au centre du château se trouve une tour construite probablement en pierres et comportant deux niveaux (F) ; on aperçoit à l’étage l’emplacement de la grande salle où se tient habituellement le duc et sa cour. Le mur sommital du donjon ne comporte pas de créneaux ni même de postes de guet ce qui montre bien qu’il s’agit plus d’une tour d’habitation que de défense.

Prochain article : LA GUERRE DE BRETAGNE : LES OPÉRATIONS MILITAIRES, la prise de Dinan.

vendredi 4 octobre 2019

LA TAPISSERIE DE BAYEUX, témoignage de la vie et des mentalités au 11e siècle (15)

HISTOIRE CHRONOLOGIQUE DES ÉVÉNEMENTS DÉCRITS DANS LA TAPISSERIE DE BAYEUX

LA GUERRE DE BRETAGNE : LES OPÉRATIONS MILITAIRES.

Après avoir décrit le passage du Couesnon, la tapisserie de Bayeux présente la guerre menée par Guillaume contre le duc de Bretagne. Cette dernière comporte trois phases décrites successivement  et semblant constituer une seule histoire en réduisant l’expédition normande  à une simple et glorieuse promenade militaire  ; ce ne fut probablement pas le cas, en effet, la chronologie donnée par la tapisserie de Bayeux n’est pas corroborée par le récit de Guillaume de Poitiers, le seul chroniqueur ayant raconté en détail l’expédition de Bretagne.

La première phase de la campagne eut lieu à Dol ; rappelons les faits mentionnés dans le précédent article : un vassal de Conan, appelé par Guillaume de Jumièges, Rual, s’était révolté contre son suzerain. Ce dernier décida de mettre le siège devant Dol, un des points fortifiés construit par Rual. Rual fit alors appel à Guillaume qui ne manqua pas de profiter de l’occasion pour attaquer la Bretagne.

.ET VENERUNT AD DOL ET CONAN FUGAVERIT : et il vinrent à Dol et Conan prit la fuite
 
Cette partie du récit correspond au récit de Guillaume de Poitiers. A l’arrivée de l’armée normande, Conan abandonna le siège de Dol : « Conan, comme s'il eût craint d'être frappé d'un coup de foudre qui le menaçait de près, s'enfuit avec la plus grande promptitude … abandonnant le siège de Dol, château situé sur son territoire… Cet homme, misérablement épouvanté, écouta plutôt sa frayeur, et continua de fuir. »

La tapisserie de Bayeux est d’un grand intérêt en ce qui concerne le château de Dol et les méthodes d’attaque employées par les normands :

Le château de Dol est construit sur une butte (A) sans doute artificielle et entourée de fossés (B) ; une rampe (C) permet d’accéder au château. Cette rampe se termine par une porte (D) ouvrant sur un bâtiment qui évoque plus une tour qu’un château proprement dit, cette tour est quadrangulaire, elle comprend deux niveaux, le premier niveau comporte deux ouvertures (E), le second étage est terminé par une plateforme crénelée.

Les cavaliers normands attaquent,  ils chargent, protégés par leurs boucliers  (F) et portent des javelots (G).  Quand l’ennemi  est à  portée de leur javelots, ils ouvrent  leurs boucliers, dégagent leurs poitrines pour posséder plus de force et lancent leur javelots (H). Il est étonnant de remarquer qu’un seul cavalier porte un casque et une cotte de mailles, les autres ne sont habillés que de leur tunique.

Cette attaque de la tour de Dol est surprenante eu égard au bandeau explicatif et au texte de Guillaume de Jumièges ; en effet, l’assaut ne pouvait pas se porter sur la tour puisque celle-ci est tenue par l’allié du duc normand. Dans ce cas, il faudrait imaginer que l’attaque a eu lieu contre l’armée bretonne assiégeant Dol mais qui n’est pas représentée sur la tapisserie.

Un petit personnage (J) descend de la plateforme de la tour au moyen d’une corde, sans doute est-il chargé de prévenir Guillaume que l’attaque des normands est devenue inutile puisque Conan vient de fuir.

NOTE COMPLÉMENTAIRE
LE JUGEMENT DE GUILLAUME DE POITIERS SUR LA BRETAGNE.

La Bretagne était incroyablement peuplée d'hommes de guerre; car, dans cette contrée, un chevalier en engendrait cinquante en épousant, à la manière des Barbares, dix femmes ou davantage ... De plus cette nombreuse population s'applique beaucoup aux armes et au maniement des chevaux, et néglige entièrement la culture des champs et la civilisation; ils se nourrissent de très abondants laitages et fort peu de pain. De vastes territoires, qui ne portèrent presque jamais de moissons, sont pour leurs troupeaux de gras pâturages. Lorsqu'ils n'ont pas de guerre étrangère, ils se nourrissent de rapines et de ravages domestiques, et s'exercent au brigandage. Ils vont au-devant des combats avec une joyeuse ardeur, et combattent avec fureur. Accoutumés à repousser, ils cèdent difficilement. Ils exaltent et célèbrent par des réjouissances leurs victoires et la gloire qu'ils se sont acquise dans les combats. Ils prennent plaisir et gloire à enlever la dépouille des morts.

Sans commentaire !

Prochain article  LES OPÉRATIONS MILITAIRES  (suite)

mercredi 2 octobre 2019

LA TAPISSERIE DE BAYEUX, témoignage de la vie et des mentalités au 11e siècle (15)

HISTOIRE CHRONOLOGIQUE DES ÉVÉNEMENTS DÉCRITS DANS LA TAPISSERIE DE BAYEUX

LA GUERRE DE BRETAGNE

Un récit détaillé de cette guerre nous est livrée par Guillaume de Jumièges, il présente évidemment le point de vue des normands et explique que, depuis le traité de Saint-Claire-sur Epte, la Bretagne était devenue vassale de la Normandie (ce qui n’est pas prouvé puisqu’on  ne connaît pas les termes exacts de ce traité ni même, d’ailleurs, l’étendue des terres concédées à Rollon). Le refus de Conan 2, duc de Bretagne de 1040 à 1066, de se reconnaître le vassal de Guillaume serait, selon Guillaume de Jumièges, à l’origine de la guerre.

 En fait, selon les sources que j’ai pu consulter, l’attaque de la Bretagne par Guillaume aurait eu deux causes :
   . Alain 3, duc de Bretagne (1008-1040) père de Conan 2 était affilié à la famille ducale de Normandie par son mariage avec une fille du duc Richard 1er de Normandie, Conan 2 était, en conséquence un cousin de Robert 1er, duc de Normandie et père de Guillaume. Du fait de cette parenté, Conan 2 pouvait prétendre à devenir duc de Normandie, arguant du fait que Guillaume n’était qu’un bâtard de Robert 1er.
   . Un vassal de Conan, appelé par Guillaume de Jumièges, Rual dit de Dol s’était révolté contre Conan. Ce dernier décida de mettre le siège devant Dol, Rual fit alors appel à Guillaume qui ne manqua pas de profiter de l’occasion pour attaquer la Bretagne.

Les deux extraits de la tapisserie de Bayeux ci-dessous représentés   montrent le cheminement de l’armée normande vers la Bretagne pour combattre le duc Conan et sont explicitées par les textes :

. HIC WILLEM DUX ET EXERCITUS EIUS VENERUNT AD MONTE MICHAELIS : le duc Guillaume et son armée viennent au Mont Saint Michel.


Le duc (4)  chevauche au milieu de ses troupes, il tient à la main un bâton de commandement. Un de ses hommes d’armes (A) est revêtu d’une cotte de mailles, il porte un casque à nasal ressemblant aux casques vikings  et tient une lance pourvue d’une oriflamme ; par contre, il n’est pas armé d’un bouclier. Les cavaliers portant un bouclier sont, à l'inverse, dépourvus de cottes de mailles. La tapisserie montre le Mont Saint Michel (B) au lointain, cela permet de penser que l’armée de Guillaume est passée en vue du Mont sans s’y arrêter.

. ET HIC TRANSIERUNT FLUMEN COSNONIS. : Ici, ils traversent le fleuve Couesnon. 


l’avant-garde de l’armée est prise par les sables mouvants du Couesnon (C). des hommes à pieds, peut-être descendus de leurs chevaux, s’enfoncent jusqu’à la taille, ils portent leurs boucliers au dessus de la tête (D) pour le protéger ; un cavalier est désarçonné (E)

  . HIC HAROLD DUX TRABEBAT EOS DEARENA : ici, le duc Harold les tire des sables mouvants,
Harold (2) tire un homme sur son dos pour le sauver tandis qu’un autre s’agrippe à lui. Harold, à qui Guillaume a dû confier le commandement de l’avant-garde, montre ici son héroïsme. Il tient son bouclier ouvert ce qui permet d’en voir la poignée intérieure.

Le bandeau inférieur correspondant aux deux scènes évoquées ci-dessus,  comporte des anguilles (F)(toujours présentes dans les eaux du Couesnon), l’une d’entre elles est dévorée par deux poissons (G).

Prochain article : LA GUERRE DE BRETAGNE : LES OPÉRATIONS MILITAIRES.

dimanche 29 septembre 2019

LA TAPISSERIE DE BAYEUX, témoignage de la vie et des mentalités au 11e siècle (14)

HISTOIRE CHRONOLOGIQUE DES ÉVÉNEMENTS DÉCRITS DANS LA TAPISSERIE DE BAYEUX

LES POURPARLERS ENTRE HAROLD ET GUILLAUME DANS LA GRANDE SALLE DU CHÂTEAU

Le palais de Guillaume est représenté en quatre ensembles séparés :
   . Une tour servant d’entrée (A) comportant une porte ouverte cantonnée de deux tourelles, c’est là que se tient le portier.
   . La grande salle du château (B) ; son plafond est surmonté d’arcades,  elles semblent porter  le toit mais elles pourraient aussi correspondre à un étage.
   . Une salle annexe  qui doit être une chapelle où se tient une jeune fille appelée Aelfgiva (C) identifiée par inscription  (UBI UNUS CLERICUS ET AELFGIVA, ici un clerc avec Aelfgiva).
   . Une autre tour (D) comportant une porte fermée.

Ces quatre dessins permettent de reconstituer l’aspect du château :
   . Une courtine comportant la tour-porte et des tours de défense.
   . Un donjon.
   . Une chapelle ( ?)

Harold (2) est conduit dans la grande salle du palais où on le voit en discussion animée avec Guillaume (4). Harold est vêtu de son costume habituel et porte une cape à fibule qui le distingue des autres personnages représentés, il est facilement reconnaissable à sa longue moustache. Guillaume est assis sur un coffre pourvu d’accoudoirs zoomorphes servant de trône. Il porte son épée, la lame baissée, en signe de paix. Alors que Guillaume discute calmement, Harold semble manifester une certaine agitation.

Quelle fut la teneur de la conversation  entre Harold et Guillaume ? La tapisserie de Bayeux ne comporte aucun commentaire à ce propos, ce qui oblige à se référer aux deux chroniqueurs qui donnent, rappelons-le, la version normande des événements.

A cet égard, il existe une différence chronologique  entre le récit des chroniqueurs :

  La version de Guillaume de Jumièges établit la chronologie suivante : accueil d’Harold en Normandie, combat contre les bretons, serment de fidélité d’Harold à Guillaume puis retour d’Harold en Angleterre :

Le duc… fit demeurer (Harold) quelque temps avec lui, et l'emmena ensuite dans une expédition contre les Bretons. Après que Harold lui eut confirmé à diverses reprises ses serments de fidélité pour le royaume d'Angleterre, le duc lui promit aussi de lui donner sa fille Adelise et la moitié du royaume. ». (Guillaume de Jumièges)

Le récit de Guillaume de Poitiers repris par Orderic Vital donne une chronologie différente : accueil d'Harold à Rouen, serment d’Harold à Bonneville, guerre contre la Bretagne puis retour d’Harold en Angleterre.

« Il (Guillaume) fit entrer Hérald avec les plus grands honneurs dans Rouen, ville capitale de sa principauté…. Le duc se réjouissait de posséder un hôte si illustre, envoyé par le plus chéri de ses proches et de ses amis, et en qui il espérait trouver un très fidèle médiateur entre lui et les Anglais …
Une assemblée ayant été réunie à Bonneville, Hérald jura fidélité au duc selon la coutume chrétienne, ainsi que l'ont rapporté des hommes très-dignes de foi, … (suivent alors les clauses du traité qui seront évoquées ci-dessous).

Ensuite, sachant Hérald brave et avide d'une nouvelle renommée ainsi que les gens de sa suite, le duc les munit d'armes et de chevaux de grand prix, et les mena avec lui à la guerre de Bretagne. Il traita ce député et cet hôte comme un compagnon d'armes, afin, par cet honneur, de se le rendre plus fidèle et plus dévoué »

La tapisserie de Bayeux suit la première version. Elle permet aussi d’identifier la jeune fille appelée Aelfgiva debout dans la chapelle, ce serait cette Adelise promise en mariage à Harold.

Le second texte est très précieux car il permet de connaître la teneur des pourparlers survenus sitôt après la délivrance d’Harold  que la tapisserie de Bayeux semble montrer assez animés.

Voici ce qu’écrit Guillaume de Poitiers :

« Hérald jura fidélité au duc selon la coutume chrétienne ; et, ainsi que l'ont rapporté des hommes très-dignes de foi.., il fit entrer de lui-même dans le nombre des articles du serment, qu'aussi longtemps que vivrait encore le roi Edouard, il serait à sa cour le délégué du duc Guillaume; qu'il s'efforcerait autant qu'il pourrait, par ses conseils et ses secours, de lui faire confirmer, après la mort d'Edouard, la possession du trône d'Angleterre ; que, jusqu'à ce temps, il remettrait à la garde des chevaliers du duc le château de Douvres, fortifié par ses soins et à ses frais; que de même il remettrait au duc d'autres châteaux et d'autres parties de l'Angleterre, dès qu'il l'ordonnerait, et qu'il fournirait aux gardes d'abondantes provisions. Le duc, après l'avoir reçu pour son vassal, lui remit, sur sa demande et avant le serment, toutes les terres lui appartenant. »

Ce serment définit clairement les obligations d'Harold envers  Guillaume :
     - Guillaume confirme à Harold la possession de toutes les terres qu’il possède en Angleterre et en particulier de son comté de Wessex ; Harold devient, de ce fait, le vassal de Guillaume.
     - Harold doit accepter les ordres de Guillaume pour la période intermédiaire entre son retour en Angleterre et l’intronisation de Guillaume en tant que roi d’Angleterre : Il représentera Guillaume en Angleterre et devra le faire accepter par le royaume ; cela sous-entend qu’il devra réunir le Witanegemot (assemblée composée du haut clergé, des comtes et des barons) chargé d’élire le roi selon les coutumes anglo-saxonnes.
     - Enfin, afin de se juguler tout risque de révolte contre accession au trône d’Angleterre, Guillaume se fait remettre un nombre important de châteaux appartenant à Harold pour y installer des garnisons normandes.

Il est impossible de savoir si ce serment a été prêté en ces termes, pourtant, il peut paraître vraisemblable si on considère que le choix du roi dépendrait du witanegemot et non de la volonté d’Édouard qui avait choisi indûment Guillaume comme successeur sans se référer aux coutumes saxonnes, cette idée pourrait expliquer la suite des événements comme je les décrirai postérieurement.

En outre, on peut penser que lors de ces négociations, Harold était en position d’infériorité du fait que Guillaume avait payé sa rançon.

Sitôt les accords conclus, Guillaume et Harold partent combattre Conan, duc de Bretagne qui avait envahi la Normandie.

Sur le bandeau surmonté de la scène des négociations sont représentés deux personnages nus : l’un (E) porte une cognée et semble débiter un tronc, l’autre (F) se tient les jambes écartées mettant en évidence son sexe.

Prochain article : LA GUERRE DE BRETAGNE

jeudi 26 septembre 2019

LA TAPISSERIE DE BAYEUX, témoignage de la vie et des mentalités au 11e siècle (13)

HISTOIRE CHRONOLOGIQUE DES ÉVÉNEMENTS DÉCRITS DANS LA TAPISSERIE DE BAYEUX

LA DÉLIVRANCE D’HAROLD (suite)

Les pourparlers entre Guy et les envoyés de Guillaume ayant abouti, Guy va, lui-même,  accompagner Harold jusqu’au château d’Eu pour le remettre à Guillaume.

Guillaume de Poitiers nous permet de connaître les termes de l’accord survenu :
« Le duc Guillaume ayant appris ce qui était arrivé à Hérald, envoya promptement des députés, et le tira de sa prison par prières autant que par menaces... Il rendit de dignes actions de grâces, remit des terres considérables, beaucoup de biens, et de plus de très-forts dons en argent à Gui, qui avait bien mérité de lui, et qui, sans y être forcé ni par récompense ni par violence, lui avait amené lui-même et présenté au château d'Eu un prisonnier qu'il aurait pu à son gré tourmenter, tuer ou vendre »

A la lecture de ce texte, on peut penser que Guy dût exiger que Guillaume verse lui-même la rançon exigée d’Harold pour sa délivrance.

Une fois l’accord survenu, Guy décida de se rendre sur le chemin  d’Eu, château situé quasiment à la frontière entre le Ponthieu et la Normandie pour rencontrer Guillaume et lui livrer Harold. Il est probable que la rencontre se produisit à la limite des deux dominations.

La scène est figurée dans la vignette qui suit :


Guy (3) portant son faucon montre Harold (2) tenant également  son faucon sur le poing,  à Guillaume (4) ; les deux seigneurs sont accompagnés d’hommes d’armes. La légende explicite l’action : HIC WIDO AD DIXIT HARILDUM AD WILHELMUM NORMANORUM DUCEM (Guy conduit Harold à Guillaume, duc des normands)

Les hommes d’armes accompagnant les trois protagonistes sont représentés de la même manière que ceux précédemment décrits ; on peut cependant noter que deux d’entre eux portent des jambières tenues par des sangles entourant le mollet. (A)

Parmi les dessins figurés sur les bandeaux encadrant la scène principale, on peut en remarquer un représentant une femme et un homme nus (B) :  l’homme au pénis en érection tend les bras vers une femme qui semble se protéger le sexe et la tête au moyen de ses mains.

La vignette  suivante est surmontée de l’inscription explicative suivante : HIC DUX WILGEM CUM HAROLDO VENIT AD PALADIUM SUUM (ici le duc Guillaume avec Harold parvient à son palais). Selon ce que j'ai pu observer sur cette scène, on reconnaît bien  Guillaume (4), par contre, Harold ne semble pas représenté.

Guillaume (4) et ses hommes d’armes arrivent en vue de son château, le cavalier situé en avant du cortège (C) hèle le portier (D) pour qu’il ouvre la porte (E).

Prochain article HAROLD ET GUILLAUME DANS LA GRANDE SALLE DU CHÂTEAU


mardi 24 septembre 2019

LA TAPISSERIE DE BAYEUX, témoignage de la vie et des mentalités au 11e siècle (12)

HISTOIRE CHRONOLOGIQUE DES ÉVÉNEMENTS DÉCRITS DANS LA TAPISSERIE DE BAYEUX

LA DÉLIVRANCE D’HAROLD

Quand Guillaume,  duc de Normandie,  apprend la captivité d’Harold,  il décide d’intervenir ;  il le peut d’autant plus facilement que Guy est son vassal.

Quatre scènes correspondent à l’histoire de la délivrance d’Harold. A leur propos, il me semble qu’il apparaît une inversion de l’ordre chronologique :

Selon moi, il faut commencer la lecture par la scène où est mentionnée la phrase suivante : HIC VENIT NUNTIUS AD WILGEIMUN DUCEM (un messager vint au duc Guillaume)


Guillaume (4) est assis sur son trône présentant le même aspect que celui de Guy, il porte une épée levée en signe de sa puissance et, comme Guy, porte une longue tunique lui arrivant à mi-mollet et des braies (ou des chausses) à bandes molletières. Devant lui, se tient le messager (A) que l’on peut penser être d’origine saxonne par sa moustache. Il est à demi agenouillé comme il convient à un suppliant. Il est probable que cet homme est celui que l’on a vu dans la scène précédente quitter subrepticement le château de Guy. (Voir article précédent) Si c’est le cas, il est évident que ce messager demande à Guillaume de faire délivrer son maître.

Derrière Guillaume est représenté son château, ce château est semblable à celui d’Edouard et à celui où Harold a pris son repas avant son départ pour le continent. Il est ceint d’une courtine de pierre (B) surmontée d’un chemin de ronde (C) crénelé sur lequel se tiennent deux soldats et comporte des tours de coin (D). Dans l’enceinte du château, s’élève le donjon à deux niveaux : un niveau inférieur dont on n’aperçoit que quelques arcades dissimulées par le rempart et un niveau supérieur comportant la grande salle (E)  qui sert, comme les vignettes précédentes le montraient, à la fois de salle de festins et de salle de réception où se tient le souverain.

NUNTIL WILLEIMI (les messagers de Guillaume)  (F) sont alors envoyés dans le comté de Ponthieu ;  ils présentent le même aspect que les cavaliers qui accompagnaient Guy dans les vignettes précédentes : tunique descendant au niveau des genoux, lance, épée et bouclier décoré.


Ils se présentent devant Guy (3), l’un d’eux pointe son doigt vers lui en un geste qui pourrait sembler de menaces, Guy tient à la main une longue hache de combat, il porte un manteau, une tunique ornée  et des braies serrées au mollet par des bandes molletières ; il est probable que Guy veut impressionner les envoyés de Guillaume par sa tenue somptueuse.

On peut penser que la discussion dût être longue puisque, derrière les deux envoyés, les chevaux piaffent d’impatience, le petit personnage (G) qui tient les rênes des chevaux a bien du mal à les maîtriser.

Finalement les pourparlers aboutirent comme le montrent les vignettes qui vont suivre.

Sous la vignette représentant les pourparlers entre les envoyés de Guillaume et Guy sont figurés quatre scènes de travaux agricoles : 
   - (H) la scène de labour : les paysans utilisent une araire pourvue à l’avant de deux roues, c’est là que se tient un premier paysan qui conduit l’attelage tiré par un âne, derrière, un autre paysan tient le mancheron de labour, l’araire comporte un coutre et un soc, elle n’est pas pourvue d’un versoir et creuse simplement un sillon sans retourner la terre.
   - (J) les semailles effectuées à la volée
   - (K) le hersage avec une herse tirée par un cheval que conduit un paysan.
   - (L) la dernière scène montre un paysan pourvu d’une fronde chassant les oiseaux venant manger les graines.

Prochain article : LA DELIVRANCE D'HAROLD suite.



samedi 21 septembre 2019

LA TAPISSERIE DE BAYEUX, témoignage de la vie et des mentalités au 11e siècle (11)

HISTOIRE CHRONOLOGIQUE DES ÉVÉNEMENTS DÉCRITS DANS LA TAPISSERIE DE BAYEUX

LA PÉRILLEUSE TRAVERSÉE DE LA MANCHE PAR HAROLD

Harold peut prendre la mer comme l’inscription le mentionne : HIC HAROLD NAVIGAVIT (ici Harold prend la mer)

La tapisserie de Bayeux montre Harold (2) embarquant, il a retiré ses braies, a relevé sa tunique et tient son faucon sur le poing. Il est suivi par un homme également pieds nus portant un chien et par deux rameurs tenant leurs rames à la main (A). La profondeur de l’eau est rendue par des ondulations en oblique orientées vers le haut et vers le bateau.

Les rameurs (B) sont déjà à leur poste, ils vont mener le bateau vers le large afin de permettre la navigation à la voile. A l’avant, un marin finit de lever l’ancre (C) ; à l’arrière, pend la rame gouvernail (D) ; au centre du bateau, un marin installe le mât qui portera la voile.

La vignette suivante représente un des bateaux d’Harold voguant en pleine mer.

Ce bateau n’est pas le même que celui précédemment représenté : il possède à la proue et à la poupe, des sculptures figurant des têtes de ce que l’on peut qualifier de monstres mythologiques (E ), tels qu’il devaient en exister sur les drakkars Vikings. Les rames ont été rentrées et les boucliers (F) ont été alignés sur les flancs extérieurs de la coque.


Le bateau navigue au moyen d’une seule voile en utilisant le vent arrière, il est donc totalement dépendant des vents ; la voile, au lieu d’être gonflée, semble hors de contrôle des marins, ce qui signifie que l’embarcation est prise dans une violente tempête. Au moyen d’une longue rame, un marin situé à la proue (G) tente de maintenir le cap.

Sur la bande inférieure est représenté deux scènes de combat :
   . Combat entre un volatile et un félin,
   . Un berger tente de protéger son troupeau contre l’attaque d’un animal sauvage.

La conséquence de cette situation est mentionnée dans l’inscription surmontant le navire : ET VELIS VENTO PLENIS VENIT IN TERRA WINDONIS COMITIS (la voile gonflée par le vent, il échoue sur les terres du comte Guy) cette allégation est mentionnée par les deux chroniqueurs :

: « Harold fit ses préparatifs pour aller régler cette affaire, traversa la mer, et débarqua à Ponthieu, où il tomba entre les mains de Gui, comte d'Abbeville: celui-ci le fit prisonnier ainsi que tous les siens, et le garda étroitement enfermé » (Guillaume de Jumièges,),

« Comme Hérald s'empressait de venir pour cette affaire, après avoir échappé aux dangers de la traversée, il aborda au rivage du Ponthieu, où il tomba entre les mains du comte Gui. Ayant été fait prisonnier avec les gens de sa suite, on le mit en prison » (Guillaume de Poitiers).


La vignette suivante représente un bateau arrivant en vue de la côte. Un homme (H) est grimpé sur le mât et tente de se repérer, les rameurs (J) ont sorti les rames afin d’accéder au rivage tandis qu’un marin se prépare à jeter l’ancre (K). Les hommes du bateau de tête (L) ont déjà débarqué et jeté l’ancre (L) tandis qu’Harold (2) tente d’expliquer sa présence au comte Guy (3) qui se tient sur la grève accompagné d’une troupe d’hommes d’armes.

Guy ne veut rien entendre, il est dans son bon droit car, au nom de son droit de bris et naufrage, il peut saisir sur tout ce qui échoue sur ses plages. Il peut s’emparer des biens matériels et faire prisonniers les occupants des navires jusqu’à ce qu’ils paient une rançon. Harold sitôt débarqué, est saisi par deux hommes d’armes sans même qu’il ait pu remettre ses habits.

L’inscription mentionne ce fait : HIC APPRENDIT WIDO HAROLDUM (ici Guy se saisit d’Harold)


Sur le panneau inférieur, les mêmes scènes de violence se poursuivent : muni d’un bâton, un berger réussit à chasser les bêtes sauvages qui menacent son troupeau.

Prochain article : HAROLD EST EMPRISONNE


CARTE MONTRANT LE LIEU DE DÉPART D'HAROLD ET SON LIEU D’ARRIVÉE 
Jaune : royaume d'Angleterre
Gris : duché de Normandie
Vert : comté de Ponthieu
Orange : duché de Bretagne.