Les thèses
socratiques ont servi de base à une grande partie de la philosophie occidentale
jusqu'au 19ème au moins. Pendant longtemps, la prééminence du bien n'a pas été
contestée au moins dans les thèses philosophiques en vogue. Le philosophe
qui théorisa le mieux ces idées est
Emmanuel Kant dans " la religion dans les limites de la simple
raison"
L'idée
fondamentale de Kant est, comme je l'ai écrit précédemment, que la raison, l'outil par excellence de la
connaissance, ne peut s'appliquer qu'au monde sensible des sciences
expérimentales ; tout ce qui dépasse le monde sensible pour accéder à la
métaphysique ne peut être que spéculation puisque sans fondement. Comme
l'indique le titre de son ouvrage, "la religion dans les limites de la simple raison", Kant va tenter
de trouver les valeurs qui fondent le bien et le mal par la raison et non pas
par une recherche transcendantale. En ce sens, Kant va
"déthéologiser" la religion en passant de la croyance à la
connaissance au moyen de l'outil-raison.
En premier lieu, Kant tout comme
Platon indique que le mal absolu n'existe pas en tant que valeur préexistante à
l'homme car un mal immanent rendrait subjective et imparfaite
l'universalité de la raison. De même
Kant constate que le mal n'existe pas dans la nature, plantes et animaux ne
manifestent aucune tendance au mal car, pour cela, il faudrait que la nature
dispose d'une liberté de choix. C'est seulement chez les hommes que cette
tendance existe et résulte de la liberté de choix qu'il possède.
Même chez les hommes, il
n'existe pas d'autonomie du mal, le mal n'apparaît qu'en tant que valeur
antagoniste par rapport du bien quand l'homme s'en détourne. Il réside dans le
fait que l'homme, délibérément, choisit de privilégier ses désirs sur les
valeurs morales.
Pour Kant, l'origine du mal est
inhérent à l'homme mais sans que l'on sache comment une telle valeur s'y
trouve. Cependant, cette valeur n'est pas la réalité la plus profondément
ancrée dans l'homme, l'homme naturellement est porté au bien mais cette
prééminence naturelle vers le bien est
sans cesse confrontée à la tendance au mal qui résulte de la volonté de
satisfaire ses désirs égoïstes et ses plaisirs : lorsque l'homme choisit de
faire le bien, il se produit immédiatement un penchant à résister. Il existe en
l'homme une prédisposition au bien et un penchant pour le mal.
La tentation de faire le mal
provient de la conscience même de l'être humain, lorsqu'on choisit le mal, on
le fait délibérément car c'est un acte de liberté individuelle : en se voulant
sourd à la loi morale et au devoir, on construit délibérément le mal en nous.
Pour Kant enfin, la loi morale
doit être universelle, il retrouve dans les valeurs morales du christianisme
les prescriptions éthiques que chacun est capable de retrouver en laissant agir
sa propre raison.
Ainsi, Platon et Kant ont en
commun une idée essentielle, la prééminence du bien sur le mal :
- pour Platon, des exercices intellectuels
permettent d'accéder à la connaissance de soi et suffisent pour éliminer le mal et
trouver le bien qui préexiste dans l'âme,
- pour Kant, le bien est la valeur la plus
profondément ancrée dans l'esprit humain, le mal n'étant qu'un penchant auquel
on succombe en toute liberté en privilégiant ses plaisirs à l'observance de la
loi morale découlant du bien.
D'autres philosophes ont
également mentionné une préexistence chez l'homme de tendances vers le bien ou le mal ; ainsi, Rousseau indique que, par essence, l'homme à
l'état de nature est naturellement bon et que c'est la société qui le pervertit tandis que Hume part du postulat que l'homme est un loup pour
l'homme et que seule la société peut canaliser sa violence et son appétit de
puissance.
L'ensemble de
ces thèses part du postulat qu'il existe une préexistence de valeurs chez
l'homme qui sont, en quelque sorte innées. Or il me semble que, quand par
l'introspection on veut aller jusqu'au bout de la connaissance de soi, on se
trouve essentiellement face à des acquis et non à des valeurs ex-nihilo , cela
explique que chacun est différent de son voisin : il s'effectue en chaque être
humain un dosage différent de valeurs qui constituent sa personnalité et son
individualité.
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