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mardi 17 septembre 2019

LA TAPISSERIE DE BAYEUX, témoignage de la vie et des mentalités au 11e siècle (9)

HISTOIRE CHRONOLOGIQUE DES ÉVÉNEMENTS DÉCRITS DANS LA TAPISSERIE DE BAYEUX

 LE ROI ÉDOUARD ENVOIE HAROLD EN MISSION.

La première scène de la tapisserie comporte la mention EDWARD REX, (le roi Édouard).



Elle se déroule dans une salle du palais royal. Selon une convention générale à la tapisserie de Bayeux, cette salle est figurée plus grande que le palais lui-même. Ce palais comporte, à gauche, un donjon (A)  reconnaissable à ses deux niveaux, à son entrée précédée d’une rampe, à sa grande salle de l’étage et aux tours qui le cantonnent.

Le palais est lui-même fortifié, comme le montre la tour située à droite qui comporte la porte d’entrée du château. (B)

Le roi (1) est assis sur un coussin surmontant un coffre qui lui sert de chaise ; ce coffre, sans dossier, comporte deux accoudoirs sculptés en forme de têtes de lion et des pieds prenant la forme de pattes de lion ; cette forme de trône se retrouvera dans la plupart des scènes montrant un souverain médiéval en majesté. Devant le trône, se trouve un petit tabouret sur lequel le roi pose les pieds.

Édouard est coiffé de la couronne ; il porte une barbe, sans doute pour montrer son grand âge, tient un sceptre à la main et est vêtu d’un long manteau masquant sa probable tunique en évoquant le pallium caractéristique de la fonction royale. Le roi est représenté de face, ce qui est assez exceptionnel sur la tapisserie de Bayeux, la quasi-totalité des autres personnages l'étant de profil ou plutôt de trois quarts.

De part et d’autre du roi, se trouvent deux hommes dont Harold (2). Harold et son compagnon sont vêtus de la même manière : une tunique courte (appelée le bliaud) à manches longues, tenue à la taille par une ceinture , des braies serrées aux mollets, et des chaussures ; il porte, au-dessus de sa tunique,  un manteau fermé par une broche à l’épaule droite. Ce costume est celui de l’ensemble des personnages nobles et laïcs représentés sur la tapisserie de Bayeux, les paysans sont habillés d'un costume semblable, à l’exception du manteau qui caractérise les nobles.

Il n’est évidemment pas spécifié, sur la tapisserie de Bayeux, la teneur de la conversation entre Harold et le roi. On constate simplement qu’à la suite de cette conversation, Harold quitte l’Angleterre et s’embarque vers la Normandie.

Quel était le but de cette ambassade ? Pour tenter de le découvrir, on peut se référer aux deux chroniques de l’époque rédigées par Guillaume de Poitiers et Guillaume de Jumièges dont voici,
ci-dessous, deux extraits :

Edouard, roi des Anglais, se trouvant, par les dispositions de la Providence, sans héritier direct, avait… institué le duc  (Guillaume) héritier du royaume que Dieu lui avait confié. Dans la suite il envoya… au même duc, Harold, le plus grand de tous les comtes de son royaume par ses richesses, ses dignités et sa puissance, pour lui garantir sa couronne, et confirmer cette promesse par des serments, selon le rite chrétien. (Guillaume de Jumièges, Gesta Normannorum Ducis, chap 31)

Presque dans le même temps Edouard, roi d'Angleterre … assura son héritage à Guillaume, qu'il avait déjà établi son successeur, et qu'il chérissait comme un frère ou un fils… Il lui envoya, pour lui confirmer sa foi par le serment, Hérald, le plus élevé par ses dignités et sa puissance de tous ceux qui étaient soumis à sa domination … Ce fut avec la plus grande sagesse qu'il le choisit, afin que ses richesses et son autorité contraignissent les Anglais à se soumettre dans le cas où …, ils voudraient s'opposer à ce qu'il avait décidé. (Guillaume de Poitiers, Gesta Guillelmi ll Ducis Normannorum,)

Ces deux chroniques montrent une parfaite correspondance : Édouard envoie Harold auprès du duc de Normandie pour confirmer à ce dernier qu’il sera le futur roi d’Angleterre.

Leurs témoignages présentant le point de vue des Normands, peuvent paraître, à première vue, difficile à croire : Selon leurs versions, Edouard, roi d’origine anglo-saxonne, contraint à l’exil par l’invasion du royaume de son père par les armées danoises de Sven et dont les ancêtres ont lutté constamment contre les danois, donnerait son royaume à un descendant de ces mêmes danois établis en Normandie !

Pourtant la version des chroniqueurs normands repose sur un certain nombre de raisons : en voici au moins trois :
     - D’abord, la mère d’Edouard, Emma, est elle-même normande, fille du duc Richard 1er et sœur du duc Richard 2
     - Ensuite, Édouard a vécu de 1013 à 1342 en Normandie, soit pendant presque trente ans, il est donc beaucoup plus influencé par la culture normande que par celle de l’Angleterre anglo-saxonne. Cela l'a conduit, comme je l’ai écrit plus haut, à choisir ses dignitaires parmi des normands plus que parmi des anglo-saxons. En outre, il a connu Guillaume enfant et a pu mesurer sa forte personnalité.         -  Enfin, il parait évident que Édouard ne doit pas porter dans son cœur la famille d’Harold, il n'a pas  sans doute pas oublié que le père d’Harold est directement responsable de la mort de son frère Alfred et que Godwin, s’étant érigé systématiquement en contre-pouvoir, voulut imposer au roi son autorité du fait qu’il était  le plus puissant seigneur du royaume. Il est donc probable qu’il craint qu’Harold prenne le pouvoir après sa mort, ce qu’il ne veut à aucun prix. Dans cette hypothèse, le roi devait penser que seul un prince puissant, comme Guillaume, pourrait contrebalancer les aspirations d’Harold à la royauté.

Ces trois raisons rendent-elles vraisemblables la version des chroniqueurs normands ? On ne le saura sans doute jamais.

Prochain article : le voyage d'Harold

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