REMARQUE
. Tous les articles de ce blog ont été rédigés par moi-même sans emprunt littéral à d'autres auteurs, ils sont le fruit d'une documentation personnelle amassée au cours des ans et présentent ma propre vision des choses. Après tout, mon avis en vaut bien d'autres.
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Mon blog étant difficilement trouvable par simple recherche sur internet, voici son adresse : jeanpierrefabricius.blogspot.com

mardi 17 janvier 2017

… SOUVENIRS DES ANNEES 1950-60 : l’encadrement religieux de la société (8)

Suite de l’article précédent

Pendant la période qui séparait la pénitence de la communion, il fallait faire très attention à ne pas commettre de péchés ; il fallait en effet, pour communier, être « en règle avec le Bon Dieu » ; communier en état de péché était très grave et n’appelait pas de rémission. Pour cela, on faisait beaucoup d’efforts pour être gentil et serviable, de bien obéir aux parents, de ne pas se chamailler avec ses frères et sœurs, de ne pas dire de « gros mots » afin de recevoir le corps du Christ vierge de tout péché.

Le dimanche matin, il ne fallait pas déjeuner, à l’exception d’un bol de café au lait ou de chocolat, car il ne convenait pas de mélanger l’hostie à d’autres nourritures terrestres, on se rendait à l’église le ventre vide, c’était une mortification supplémentaire que l’on s’imposait mais, ainsi, on était sûr plaire à Dieu.

La communion était effectuée à la table d’autel, une sorte de balustrade séparant la nef et  le choeur où les fidèles ne se rendaient jamais sauf pour quelques lectures, on attendait notre tour en procession dans l'allée centrale et on s’agenouillait au fur et à mesure que les gens ayant communié regagnaient leur place par les allées latérales. Le curé faisait des allées et venues en tenant le ciboire tandis qu’un enfant de chœur tenait une petite soucoupe pour éviter que, par inadvertance, l’hostie ne tombe par terre. A chacun, il marmonnait à toute vitesse une phrase en latin  à laquelle on répondait par « Amen » ; on ne comprenait de cette phrase que le début et la fin : «  corpus Christi » et « Vitam aeternam » ; en fait la formule complète était « Corpus Domini nostri Iesu Christi custodiat animam tuam in vitam aeternam » (Que le corps de notre Seigneur Jésus-Christ garde votre âme pour la vie éternelle).

On tendait alors la langue et le prêtre y déposait l’hostie. Il ne fallait surtout pas croquer l’hostie car ce serait un péché de le faire, il fallait la laisser se ramollir puis l’avaler d’un coup. On le faisait à sa place à genoux en priant.

Quand le prêtre prononçait la formule rituelle « Ite missa est », on s’empressait de rentrer chez soi pour déjeuner !

dimanche 15 janvier 2017

…SOUVENIRS DES ANNEES 1950-60 : l’encadrement religieux de la société (7)

Suite de l’article précédent

Indépendamment de son aspect religieux proprement dit, je me suis toujours demandé si la confession n’avait pas un aspect pervers pour tous ceux qui s’astreignaient à effectuer ce sacrement. La réponse n’est pas simple à donner, comme je l’ai écrit plus avant,  la confession était  un moment difficile à passer, il fallait étaler ses turpitudes même si beaucoup devaient garder pour eux des péchés trop difficiles à avouer quitte à  en avoir mauvaise conscience. Un psychanalyste ajouterait que ces péchés s’enfouissaient au plus profond de l’inconscient et qu’il en résulterait un traumatisme psychique qui pouvait marquer les individus à vie.

Pourtant, la confession n’avait pas que des côtés négatifs, elle participait à sa manière à l’’éducation globale de l’enfant ;  alors que les parents, les prêches du curé, le catéchisme  et les maîtres d’école enseignaient ce qu’il faut faire, la confession avait l’effet inverse, elle punissait tous les manquements  aux lois morales ayant cours dans la société.  A cela s’ajoutait un facteur essentiel : on peut mentir aux parents, au maître et au curé mais on ne peut mentir à Dieu puisqu’il voit tout et connaît tout de nous. Ainsi, la confession aboutissait certes à brimer la liberté de l’enfant mais elle permettait aussi de l’intégrer dans une société où le respect des autres et l’observance des lois étaient des critères essentiels.

Enfin, il convient d’indiquer que la confession pouvait aboutir aussi à l’effet inverse de celui souhaité : on pouvait en effet penser qu'il était possible de commettre tous les péchés que l’on voulait puisque, de toute façon il suffirait de les avouer en confession pour en obtenir l’absolution. C’est d’ailleurs ce qui arrivait, passée la communion du dimanche, on redevenait comme avant, n’obéissant pas toujours à ses parents, insultant les autres avec ces « gros mots » que l’on n'avait pas le droit de prononcer en famille, en étant gourmand .... les seuls actes qu’on essayait d’éviter étaient ceux que l’on n'avait pas osé avouer en confession !

Difficile dans de telles conditions de porter un jugement objectif à ce sujet !

à suivre....

vendredi 13 janvier 2017

…SOUVENIRS DES ANNEES 1950-60 : l’encadrement religieux de la société (6)

suite de l'article précédent

La  communion privée inaugurait pour les enfants une nouvelle obligation :  l’observance  de la trilogie des  rites essentiels de l’église  : confession, pénitence et eucharistie. On se confessait et on allait communier au moins une fois par mois ainsi qu’aux grandes fêtes du calendrier liturgique.

La première phase était celle de la confession, Elle s’effectuait le samedi après-midi qui précédait la communion, c’était un rite particulièrement désagréable car il fallait avouer au curé les péchés que l’on avait accomplis pendant le mois précédent. Ce n’était pas évident car il fallait s’en souvenir ! Heureusement, il existait  à notre disposition des listes pour nous aider. Ces listes comportaient tous les péchés que pouvaient commettre des enfants et des pré-adolescents y compris cette mention « avoir de mauvaises pensées », une périphrase faisant allusion à des pratiques que l’église considérait comme honteuse et tabou. On lisait avec soin la liste et on cochait les péchés qui semblaient nous correspondre. Il ne fallait en mettre ni trop peu car le curé ne nous aurait pas cru, ni trop car la pénitence aurait été trop lourde. Chaque libellé de la liste donnait donc lieu à un examen de conscience : «  ai-je accompli ce péché ? », on se souvenait alors que peut-être, une ou deux fois dans le mois, on avait pu y succomber et on cochait ce péché sur la liste. Une fois la liste prête, on attendait notre tour.

C’était très impressionnant d’entrer dans le confessionnal. Le curé occupait la place centrale tandis que deux fidèles à genoux se trouvaient de part et d’autre, Une trappe de bois fermée par un volet reliait le curé aux fidèles,  tandis que le curé confessait l’un, l’autre attendait son tour. Cette attente semblait interminable, on se demandait bien pourquoi certains mettaient tant de temps pour se confesser et on imaginait qu’ils avaient accompli de grandes turpitudes. Quand le volet fermant la trappe s’ouvrait. Il se déroulait une scène quasi-irréelle, le visage du curé apparaissait dans le noir et approchait son oreille de la trappe, on murmurait alors à voix basse les péchés que l’on avait coché sur la liste. A la fin de l’énumération, le curé demandait « rien d’autre ? » sur un ton un peu inquisitorial comme s’il soupçonnait qu’on lui cachait certaines turpitudes, il nous donnait quelques conseils puis il demandait de réciter l’acte de contrition ; je me souviens encore des paroles qu’i fallait prononcer : « Mon Dieu, j'ai un très grand regret de vous avoir offensé, parce que vous êtes infiniment bon, infiniment aimable et que le péché vous déplaît. Je prends la ferme résolution, avec le secours de votre sainte grâce, de ne plus vous offenser et de faire pénitence. »

Pendant ce temps, pour donner l’absolution,  le curé marmonnait des phrases en latin qu’il prononçait si vite et à voix si basse qu’on ne comprenait rien mais qui signifiait que les péchés étaient pardonnés, la confession se terminait par l’énoncé de la pénitence à accomplir qui était toujours du genre : «  en guise de pénitence, tu feras deux Pater et trois Ave » ce qu’on se dépêchait de faire pour être enfin débarrassé de tout ce qui pouvait peser sur la conscience et c’est le cœur libéré que l’on pouvait rentrer chez soi.

À suivre...

mercredi 11 janvier 2017

… SOUVENIRS DES ANNEES 1950-60 : l’encadrement religieux de la société (5)

suite de l'article precédent

Le catéchisme des plus jeunes était surtout orienté vers les récits eschatologiques mais il comportait aussi des conseils pratiques pour lesquels ressortait toujours le dualisme, peur du péché et respect des principes évangéliques. Ce premier catéchisme était effectué par des femmes pieuses qui acceptaient la lourde tâche d’intéresser les enfants à leur propos. Le curé se chargeait seulement des plus grands.

Cette première phase se  terminait par la communion privée  que l’on accomplissait vers l’age de sept ans. Pour cette communion, je me souviens avoir porté mon premier pantalon et non l’habituelle culotte courte !

L’intervalle entre la communion privée et la communion solennelle était celui du catéchisme proprement dit effectué par le curé ou par un séminariste. Il fallait assimiler l’essentiel de l’enseignement de l’église, connaître par cœur les prières et les actes (dont le plus utile était l’acte de contrition) ainsi que les sacrements, les péchés .... il fallait surtout assister à la messe des enfants tous les dimanches et jours de fêtes, gardés par les vieilles bigotes dont j’ai parlé plus haut.

Cette obligation s’étendait aussi aux périodes de vacances. Avant de partir, le curé nous remettait un carnet que nous devions faire tamponner chaque dimanche. Après la messe, il fallait se rendre à la sacristie pour obtenir le quitus désiré. Cette démarche prenait du temps ce qui posait problème lorsqu’on était dans des colonies de vacances gérées par des associations laïques car les moniteurs étaient pressés de rentrer pour ne pas être en retard pour le repas. Par contre, dans les « colonies du curé » il n’y avait évidemment aucune difficulté puisque l’ensemble des enfants de la colonie se rendait en équipes à la messe, encadrés par les moniteurs.

lundi 9 janvier 2017

… SOUVENIRS DES ANNÉES 1950-60 : l’encadrement religieux de la société (4)

L’ENCADREMENT DES ENFANTS PAR L’EGLISE.

Assez étonnement, l’encadrement des enfants commençait dès la naissance par le choix du prénom du nouveau-né. Tout prénom sortant du calendrier des saints et de la tradition n’était pas possible même au niveau du service de l’Etat-civil, pourtant laïc. De là, il  découlait que chaque enfant était placé dès la naissance sous la protection d’un saint ; à ce prénom principal s’ajoutaient des prénoms secondaires, généralement celui du père  et du grand-père paternel pour les garçons, de la mère ou de la grand-mère maternelle pour les filles.

Venait ensuite le temps du baptême, celui-ci était effectuée peu de temps après la naissance ; dans les mentalités de l’époque, un enfant baptisé qui mourait devenait un ange, on gardait en effet le souvenir d’un âge où la mortalité infantile était encore omniprésente. Pour ce  baptême, les parents choisissaient un parrain et une marraine à l'enfant. C'étaient généralement des membres de la famille très proche. Un lien très fort unissait les parrains-marraines à leur filleul(e), ils étaient considérés comme des parents de substitution, théoriquement chargés de l’encadrement religieux des enfants. Cependant, leur rôle se limitait le plus souvent à offrir la gourmette au nom de l’enfant ou la chaîne à médaillon de la naissance puis le missel ou le brassard lors de la communion solennelle. Néanmoins, l’enfant savait qu’en cas de décès prématuré de leurs parents, il pourrait être pris en charge par ses parrains-marraines afin de lui trouver une solution afin d'échapper à l’orphelinat.

Pour les très jeunes enfants, l’éducation religieuse était essentiellement effectuée par les parents et plus spécialement par la mère de famille, les enfants apprenaient les deux prières essentielles, le « Notre Père » et le « Je vous salue Marie » que l’on récitait  tous les jours avant de s’endormir et au matin en s’éveillant. Les parents racontaient aussi que chaque enfant était doté d’un ange gardien qui tentait de les protéger des incitations du diable et du mal. Dans les familles très pieuses, avait aussi lieu tous les jours le bénédicité avant le repas.

Venait ensuite le temps du catéchisme du jeudi matin. Je ne me souviens pas exactement à partir de quel âge on allait au catéchisme, je pense que c’était vers 6-7 ans à l’entrée à l’école primaire. A l’âge de sept ans, l’église considérait en effet que l’enfant avait acquis son libre-arbitre et donc était responsable de ses péchés :  l’éducation religieuse pouvait commencer.

samedi 7 janvier 2017

… SOUVENIRS DES ANNEES 1950-60 : l’encadrement religieux de la société (3)


suite des articles précédents

La messe de 11h était qualifiée de « grand-messe » ou de  messe solennelle, elle était chantée avec la présence de la chorale accompagnée de l’orgue. Il n’y avait pas de bancs pour les enfants, ceux-ci accompagnaient leurs  parents, les plus jeunes garçons et les filles restaient avec leur mère dans les bancs des femmes, les plus grands garçons s’asseyaient du côté des hommes.

Nous n’allions que très rarement à ces messes solennelles qui étaient plutôt réservées aux adultes. À chaque fois que je m’y rendais, j’étais frappé par la magnificence de la cérémonie. J’étais tout d’abord saisi dès la première mesure de l’introït que jouait l’orgue de manière quasi tonitruante. C’est à ce moment qu’arrivait en procession la cohorte des enfants de chœur derrière la croix que portait l’un d’entre eux ;  la procession  commençait par les plus petits qui portaient  une aube rouge et un surplis blanc. Selon moi, ils ne servaient pas à grand-chose sinon à faire de la figuration, puis s’avançaient les plus grand en aube blanche, puis les deux servants, déjà des adolescents, qui assistaient le prêtre et enfin suivait le curé. Les deux assistants du curé participaient au déroulement de la messe, ce sont eux qui agitaient les clochettes lors de l’eucharistie, tenaient la patène lorsque le prêtre distribuait la communion, encensaient les fidèles...

Le prêtre portait les mêmes ornements que pour les autres messes mais ils paraissaient encore plus somptueux dans ce décor où tout s’entremêlait, la musique et les chants, les lumières vacillantes des cierges, la solennité de la procession... Tout contribuait à créer une ambiance quasiment irréelle et magique. Cette messe était entièrement chantée : aux phrases rituelles psalmodiées par le curé, répondaient les chants de la chorale. On semblait se trouver à mi-chemin entre le monde des hommes et le monde céleste.

Cette impression était encore renforcée lors du sermon ; alors que pour la messe des enfants, le curé prêchait devant la table d’autel en regardant les enfants, pour la messe solennelle il le faisait en chaire d’où il dominait l’assistance. C’était très impressionnant : le prêtre se muait pour quelques instants en interprète de la parole de Dieu, presque son parangon.

Je me suis longtemps  demandé pour quelles raisons ces messes solennelles étaient empreintes d’une telle majesté qui impressionnait les fidèles ; je ne l’ai compris que bien plus tard en particulier en étudiant la vie de saint François d’Assise qui témoignait d’un questionnement sur la finalité du rôle de l’église : l’église doit-elle être riche et puissante à l’image de la puissance de Dieu ou doit-elle être pauvre à l’image de la pauvreté du Christ ? Il n’y avait aucun doute que c’était la première alternative qui était alors privilégiée. Les cérémonies avaient pour but de frapper les esprits, de les émerveiller de toucher leur sensibilité et par ce biais, de  les amener à croire.

A cette époque, la notion de foi n’était qu’un concept assez vague que le curé ne définissait pas, l’essentiel pour l’église était, selon ce que j'observais,  de vivre en bons chrétiens et de  respecter  les règles morales et les rituels imposés par l’église ;  il fallait essayer de ne pas faire trop de péchés pour mériter le salut et si nécessaire de se les faire absoudre par la confession et la pénitence. La foi était un sentiment beaucoup plus profond émanant de l'être humain lui-même sans nécessaire corrélation avec les cérémonies voulues par l'église.

On raconte souvent qu’il existait un comportement différent des hommes et des femmes à propos de la messe. Un adage très communément employé était «  les femmes à la messe, les hommes au bistrot ». Je ne sais pas si cet adage correspondait à la vérité mais on nous le faisait croire : près des églises se trouvait généralement un bar fort animé le dimanche matin, on nous disait que ce bar était un lieu de péché  et qu’il ne fallait jamais y aller sous peine de perdre son âme.

jeudi 5 janvier 2017

… SOUVENIRS DES ANNEES 1950-60 : l’encadrement religieux de la société (2)

Du fait qu’il y avait un curé dans chaque paroisse, le nombre des messes célébrées était très important. Il y avait d’abord une messe basse chaque matin, elle était évidemment peu fréquentée par les familles qui avaient bien d’autres choses à faire à ce moment ; à ces messes, on trouvait surtout des  vieilles filles souvent bigotes ainsi que des veuves pour qui l’office du matin  apportait quelque réconfort. Elles étaient toute vêtues de noir. Pour elles, la messe faisait  partie intégrante du déroulement de leur journée.

Le dimanche, le curé célébrait trois messes : la messe basse, la messe dite des enfants, la grand-messe. Ces messes étaient bien différentes bien que les mêmes rites s’y déroulaient ; ces différences tenaient à la solennité de la célébration et aussi au public à laquelle elles s’adressaient.

La messe basse avait lieu vers 7h du matin, elle était fréquentée par le même public que celui de la semaine auquel s’ajoutaient quelques personnes qui, ayant affaire la matinée, ne pouvait assister aux deux autres offices. Cette messe était parlée et non psalmodiée, elle était entrecoupée de quelques chants entonnés par les voix aigrelettes des participants.

La deuxième messe, celle des enfants, avait lieu à 10h. C’est évidemment la messe dont je me souviens le mieux, et que je peux décrire en détail.  Elle était plutôt organisée pour les enfants mais, bien évidemment, tous pouvaient y assister ; c’était en particulier le cas des mères de familles qui venaient avec leurs enfants portant à cette occasion leurs « habits du dimanche » : chemise blanche, cravate et culotte courte puis pantalon pour les jeunes garçons, belle robe et chapeau pour les filles. On se rendait à l’église à pieds, en famille ou avec les copains/copines.

Cette messe se caractérisait par le fait que les enfants étaient séparés de leurs parents. Une dizaine de bancs leur étaient réservés  dans la première travée entre la table d’autel et la chaire. Les garçons étaient assis à gauche, les filles à droite ;  la séparation des sexes lors des messes ne s’appliquait pas qu’aux enfants ; les adultes faisaient de même y compris pour les gens mariés qui devaient se séparer pour la circonstance.

Pendant cette messe, les enfants étaient surveillés par deux vieilles bigotes, toute vêtues de noir qui prenaient pour la circonstance un air autoritaire et renfrogné, elles étaient chargées de l’ordre et de la discipline ; celle qui gardait les garçons avait une réputation de grande sévérité,  si l’un d'eux bavardait ou s’amusait, elle éructait bruyamment des « tsi tsi » qui remettaient au pas la plupart d'entre eux ; cependant, si cela ne suffisait pas, elle n’hésitait pas à envoyer le bavard ou le chahuteur face à la table d’autel et à genoux afin que « Monsieur le curé » le voie. Cela suffisait à calmer les autres ! Cette messe était partiellement chantée, un paroissien se chargeant de diriger les chants.

La messe commençait d’abord par la procession des enfants de chœur qui précédait l’arrivée du prêtre. Les enfants de chœur, pour cette messe, étaient assez peu nombreux, beaucoup moins que dans les messes solennelles comme je l’indiquerai plus loin. Le curé était revêtu des habits sacerdotaux : l’aube, l’étole, le manipule au  poignet et la chasuble somptueusement ornée de motifs de fil doré ; la couleur de celle-ci changeait selon les différentes parties des temps liturgiques : verte pour les temps ordinaires, violette pour le carême et l’avent, blanche pour les grandes solennités, noire pour les enterrements...

Nous avions tous notre missel avec, pour chaque page, deux colonnes : l’une comportait le rituel en latin, l’autre en était la traduction, la messe était alors en latin et les répons se produisaient dans cette langue. Personnellement, je trouvais beaucoup de charme au latin, je préférais, et de loin, des répons tels que «  Dominus Vobiscum – et cum spirite tuo » au pâle « le seigneur soit avec vous – et avec votre esprit » on ne comprenait certes pas tout mais cela avait beaucoup d’allure ! Seules quelques prières dont le « Notre Père » étaient dites en français.

Pour cette messe des enfants, le curé adaptait son prêche, utilisant des notions telles que l’amour de Dieu et du prochain, les paraboles, l’exemple des saints,  le sacrifice de Jésus sur la croix... pour énoncer des sentences surtout morales ayant trait aux comportements de la vie quotidienne qu’il avait pu observer. Il ne montait pas en chaire mais parlait de la table d’autel face aux enfants.

Malgré ces aménagements, les prêches du curé étaient trop longs et la plupart des enfants présents n’écoutaient que le début du sermon, puis, peu à peu, leur attention se détournait et à la fin, plus personne n’était attentif, tous attendaient l’ « amen » qui signifiait la fin du prêche.

Après le prêche, la messe suivait son cours ; à cette époque, le curé officiait sur l’autel situé au chevet de l’église et tournait le dos aux fidèles. En sorte qu’on ne voyait pas ce  qui se passait quand, prenant l’hostie et le vin, il prononçait en latin les phrases rituelles qui les transformaient en corps et sang du Christ ;  pour les enfants que nous étions, c’était un grand mystère que nous ne pouvions pas comprendre. Nous assistions à cette eucharistie à genoux comme tous les autres fidèles, la tête baissée, ce qui ajoutait encore à ce mystère. On levait la tête seulement quand le prêtre levait le calice contenant ce qui était devenu le sang du Christ et l’hostie consacrée.

L’eucharistie était suivie de la communion, je reparlerai plus loin des rites que celle-ci imposait, à cette époque, elle se faisait à genoux devant la table d’autel, rambarde qui séparait le chœur de la nef, le prêtre passait de l’un à l’autre prononçait ou plutôt baragouinait à toute vitesse une longue phrase en latin ainsi libellée :"Corpus Domini nostri Jesu Christi custodiat animam tuam in vitam aeternam," mais dont on entendait distinctement que le début et la fin. Il ne fallait pas mâcher l’hostie mais la laisser mollir dans la bouche avant de l’avaler. Pendant ce court laps de temps, on regagnait sa place et, à genoux, on se recueillait. Les enfants croyaient-ils avaler le corps du Christ ? Ils étaient certes intrigués que cette petite hostie puisse contenir un homme entier mais puisqu’on leur avait dit qu’il en était ainsi, à quoi bon douter !

Apres le Notre Père et la bénédiction finale ("Pater, Filio et Spirito tuo") que l’on recevait à genoux, le prêtre prononçait la formule rituelle «  ite missa est » qui signifiait que la messe était finie, après une dernière génuflexion, on pouvait sortir de la surveillance du dragon pour repartir chez soi avec sa mère, ses frères et sœur ou avec les copains/copines. .

mardi 3 janvier 2017

…SOUVENIRS DES ANNEES 1950-60 : l’encadrement religieux de la société (1)

La série d’articles qui va suivre va évoquer plusieurs aspects  de la vie quotidienne des années 1950-1960, il s’agit d’un témoignage et non d’une étude exhaustive de la société de l’époque. Tant de choses ont changé en presque 60 ans que ce témoignage pourra paraître émaner d’un passé totalement révolu. La première série de ces articles concernera l’encadrement de la société par la religion catholique.

Laissons maintenant ce témoin, un enfant du peuple, égrener ses souvenirs

A cette époque, la religion catholique faisait partie intégrante de la vie quotidienne comme de l’encadrement de notre société d’enfants, Elle était un complément indispensable à l’enseignement dispensé par l’école et à l’éducation donnée par les parents. Tous participaient à part quasi-égale à notre préparation à la vie d’adulte.

Il y avait alors un prêtre dans chaque paroisse et pour chaque église ; les prêtres étaient nombreux et il était  encore courant que, dans les familles pieuses, un des enfants entre au séminaire. La notion de paroisse était une réalité, elle associait une église à des gens qui souvent y avaient été baptisés, s’y étaient mariés et où serait célébrée leur messe d’enterrement pendant laquelle la quasi-totalité des paroissiens viendrait  leur dire un dernier adieu.

Presque tous les enfants étaient baptisés, ils allaient à la messe tous les dimanches  et au catéchisme le jeudi, ils faisaient leur petite communion vers l’âge de 7 ans, puis effectuaient leur communion solennelle à 12 ans. Beaucoup aussi étaient enfants de chœur.

La communion solennelle marquait en quelque sorte la fin des études religieuses tout comme le certificat d’études primaires consacrait la fin de l’instruction à l’école primaire. La communion solennelle était suivie de la confirmation que beaucoup faisaient encore, puis peu à peu, la participation des jeunes à la messe se réduisait. Il faut dire qu’à cette époque, on passait très vite de l’enfance au monde adulte. Dès 14 ans, beaucoup étaient déjà dans le monde du travail, ce qui induisait d’autres modes de vie et de pensée. Cependant, même si les jeunes cessaient d’aller à la messe, la plupart conservaient un certain respect pour les conceptions religieuses acquises et pratiquaient leurs préceptes dans le cadre de leur vie quotidienne.

Ceux qui continuaient à fréquenter l’église le faisaient par habitude familiale en particulier dans les familles très pieuses  où l’assistance à la messe s’effectuait en famille.

À suivre..