La communion privée inaugurait pour les enfants une nouvelle obligation : l’observance de la trilogie des rites essentiels de l’église : confession, pénitence et eucharistie. On se confessait et on allait communier au moins une fois par mois ainsi qu’aux grandes fêtes du calendrier liturgique.
La première phase était celle de la confession, Elle s’effectuait le samedi après-midi qui précédait la communion, c’était un rite particulièrement désagréable car il fallait avouer au curé les péchés que l’on avait accomplis pendant le mois précédent. Ce n’était pas évident car il fallait s’en souvenir ! Heureusement, il existait à notre disposition des listes pour nous aider. Ces listes comportaient tous les péchés que pouvaient commettre des enfants et des pré-adolescents y compris cette mention « avoir de mauvaises pensées », une périphrase faisant allusion à des pratiques que l’église considérait comme honteuse et tabou. On lisait avec soin la liste et on cochait les péchés qui semblaient nous correspondre. Il ne fallait en mettre ni trop peu car le curé ne nous aurait pas cru, ni trop car la pénitence aurait été trop lourde. Chaque libellé de la liste donnait donc lieu à un examen de conscience : « ai-je accompli ce péché ? », on se souvenait alors que peut-être, une ou deux fois dans le mois, on avait pu y succomber et on cochait ce péché sur la liste. Une fois la liste prête, on attendait notre tour.
C’était très impressionnant d’entrer dans le confessionnal. Le curé occupait la place centrale tandis que deux fidèles à genoux se trouvaient de part et d’autre, Une trappe de bois fermée par un volet reliait le curé aux fidèles, tandis que le curé confessait l’un, l’autre attendait son tour. Cette attente semblait interminable, on se demandait bien pourquoi certains mettaient tant de temps pour se confesser et on imaginait qu’ils avaient accompli de grandes turpitudes. Quand le volet fermant la trappe s’ouvrait. Il se déroulait une scène quasi-irréelle, le visage du curé apparaissait dans le noir et approchait son oreille de la trappe, on murmurait alors à voix basse les péchés que l’on avait coché sur la liste. A la fin de l’énumération, le curé demandait « rien d’autre ? » sur un ton un peu inquisitorial comme s’il soupçonnait qu’on lui cachait certaines turpitudes, il nous donnait quelques conseils puis il demandait de réciter l’acte de contrition ; je me souviens encore des paroles qu’i fallait prononcer : « Mon Dieu, j'ai un très grand regret de vous avoir offensé, parce que vous êtes infiniment bon, infiniment aimable et que le péché vous déplaît. Je prends la ferme résolution, avec le secours de votre sainte grâce, de ne plus vous offenser et de faire pénitence. »
Pendant ce temps, pour donner l’absolution, le curé marmonnait des phrases en latin qu’il prononçait si vite et à voix si basse qu’on ne comprenait rien mais qui signifiait que les péchés étaient pardonnés, la confession se terminait par l’énoncé de la pénitence à accomplir qui était toujours du genre : « en guise de pénitence, tu feras deux Pater et trois Ave » ce qu’on se dépêchait de faire pour être enfin débarrassé de tout ce qui pouvait peser sur la conscience et c’est le cœur libéré que l’on pouvait rentrer chez soi.
À suivre...
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