REMARQUE
. Tous les articles de ce blog ont été rédigés par moi-même sans emprunt littéral à d'autres auteurs, ils sont le fruit d'une documentation personnelle amassée au cours des ans et présentent ma propre vision des choses. Après tout, mon avis en vaut bien d'autres.
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vendredi 29 octobre 2021

La politique coloniale de la MONARCHIE DE JUILLET en ALGÉRIE (1)

 PROLOGUE

1- LE LEGS DU PASSÉ 

La volonté de puissance a toujours été partie intégrante des mentalités de l'Europe occidentale, elle a conduit les Etats et les peuples à imposer leur  domination dès qu’ils en furent capables ou dès qu'une opportunité se présenta. En ce sens, ils diffèrent des autres civilisations, et en particulier, es civilisations asiatiques, dont le but était de préserver leur civilisation en se coupant du reste du monde ressenti par eux comme barbare et en préservant simplement leurs marges territoriales pour se prémunir de possibles invasions : alors que les chinois construisaient des murs pour se protéger des mondes extérieurs, les européens attaquaient ces mondes extérieurs pour leur imposer leur domination, les piller  et si besoin était, pour les exterminer. 

 

Les premières de ces colonisations, hormis celles de l’antiquité et du Moyen-âge, furent accomplies lors des grandes découvertes du 16e siècle, elles en constituent l'archétype dans toute leur sauvagerie et leur  inhumanité : il me suffit d'en évoquer ici quelques caractéristiques de la conquête espagnole en Amérique  pour le montrer : 

     . Destruction totale de toutes les civilisations qui sont pratiquement complètement perdue pour nous et de toutes  leurs structures tant politiques, religieuses et administratives. 

     . Spoliation généralisée de tout ce qui avait de valeur, confiscation des terres les plus fertiles, pillage éhonté de  ce qui pouvait avoir de l’intérêt pour permettre l'enrichissement de 

l' Europe 

     . Travail forcé dans les mines et dans les plantations sous des conditions d'une totale inhumanité ; cette mise en esclavage s'accompagnant même d'interrogations pour savoir si les peuples que l'on asservissait étaient des hommes pourvus d'une âme ou des animaux ! 

     . Enfin, une fois le " génocide" accompli, quand il n'y eut plus assez d'hommes valides pour travailler ( à Cuba par exemple qui fut le siège de la  civilisation  ARAWAK des TAINO,   particulièrement brillante et dont il ne reste rien) , les européens eurent recours, sans aucun scrupule, à l'importation d' esclaves noirs  ce qui amena le malheur à frapper de larges pans de l'Afrique. 

    

Ce qui précède est le fait non seulement des espagnols mais aussi de tous les autres peuples européens en particulier aux Antilles : les premiers occupants indiens  furent exterminés tant par le travail que par les guerres, il ne reste que d'eux, outre des objets découverts par les fouilles archéologiques, que quelques inscriptions et pétroglyphes  ininterprétables, ainsi que de rares rescapés  parqués  dans des réserves ; les sociétés antillaises se résument toutes à un dualisme entre les riches colons qui possèdent encore les richesses et les descendants des esclaves auxquels la République française tente actuellement  de redonner un espoir. 

 

Dans la même perspective "génocidaire" se trouvent les guerres indiennes des plaines américaines, l'importation d'esclaves au Brésil... 


Qu’en était-il de l’idéologie coloniale vers 1830 au moment où se produit l’expédition qui amena à la conquête d’Alger ? 

 

Au début du 19e siècle, assez étonnamment, cette idéologie coloniale n’était plus guère à l’ordre du jour dans l’opinion publique, les français ayant été  largement été échaudés par la perte de la plus grande partie de leurs colonies au 18ème siècle, en outre, beaucoup considéraient que la conquête coloniale puis l’exploitation des autochtones étaient contraire aux principes de 1789. 

 

 Dans de telles conditions, comment est-on passé en quelques décennies d’un rejet quasi-général  du système colonial à une politique coloniale exacerbée qui conduira la France à s’emparer de tous les territoires vacants qui seront à sa portée ? 

 

Selon moi, une des clés permettant la compréhension de cette mutation peut être trouvée dans l’étude de la politique de la Monarchie de juillet en Algérie. 



 


mardi 26 octobre 2021

LA PENSEE POLITIQUE DE MACHIAVEL (17) le Prince


LE MACHIAVÉLISME CHEZ LES CHEFS D’ÉTAT ACTUELS

Tout comme les princes de l’époque de Machiavel, les gouvernants des états actuels ont besoin de SAVOIR DISSIMULER LEURS PROPRES SENTIMENTS, certains d’entre eux ont appris à leurs dépens que toute vérité n’est pas bonne à dire, mieux vaut parfois se taire que de s’attirer des inimités durables, le gouvernant aura très vite oublié une phrase prononcée à la légère,  mais l’offensé ne l’oubliera pas surtout que cette maladresse sera immédiatement colportée par les médias afin que tous les citoyens en aient connaissance. 

De même, il est, pour lui, nécessaire d’exhiber sa capacité à exprimer des qualités humaines indéniables, humanité, compassion, compréhension des problèmes de chacun, sens aigu de la justice.. même si au fond de lui-même, il sait qu’il ne possède pas ces qualités. 

 Il doit aussi montrer son aptitude à arbitrer heureusement les conflits et savoir rester au-dessus de la mêlée, cette nécessité est d’autant plus impérieuse, qu’à la différence d’un Prince, il est soumis au choix périodique des citoyens lors des élections. 

Le gouvernant de notre époque doit comme les princes du 16e siècle donc dissimuler sa vraie nature et paraître en public ce qu’il n’est pas réellement. 

Machiavel montre aussi que le MENSONGE est nécessaire pour gouverner, cette allégation est encore plus évidente à notre époque qu’à celle de Machiavel, du fait de la périodicité des élections : lors des campagnes électorales, le candidat promet tout pour se faire élire tout en sachant que, s’il est élu, il ne sera pas capable d’honorer toutes ses promesses : combien de fois entend-on annoncer que tel ou tel organisme sera subventionné sans que cette annonce soit suivie d’effet ! Comme l’écrit Machiavel, il est heureux que les peuples aient la mémoire courte !

Au niveau des SANCTIONS À APPLIQUER  à ceux qui ne respectent pas la loi ou qui ont accompli un geste délictueux, le gouvernant doit, comme l’écrit Machiavel, prendre la décision d'une sanction mais en la faisant accomplir par d’autres, il est, en effet, plus facile de renvoyer un ministre que risquer de s’exposer à l’impopularité. 

De même, un chef d’Etat doit faire en sorte de moduler les sanctions selon les coupables : punir sévèrement un petit délit commis par un humble n’est guère dangereux ; par contre, condamner un puissant n’est pas toujours envisageable car cela pourrait avoir des répercussions dangereuses pour la conduite de l’Etat où le fonctionnement de l’économie.

A l'inverse de l'époque de Machiavel, la pratique de la CRUAUTÉ a disparu dans nos démocraties occidentales, elle ne subsiste dans les régimes dictatoriaux mais aussi, en aspiration, chez nombre d’individus qui demandent par exemple, sans l’exprimer ouvertement, le rétablissement de la peine de mort.

La CONNAISSANCE DE L’ÉTAT D’ESPRIT de la population est, à première vue,  plus facile aujourd’hui qu’à l’époque de Machiavel grâce aux sondages qui mesurent régulièrement la satisfaction des gens vis-à-vis de la politique choisie. La plupart des gouvernants proclament haut et clair qu’ils ne tiennent pas compte des sondages car, pour eux, disent-ils, seul compte l’intérêt supérieur de l’Etat. 

 

Pourtant, cette indifférence n’est qu’apparente, quand les sondages sont défavorables, les gouvernants multiplient les largesses pour s’efforcer de rallier les mécontents. Le but n’est certes pas pour eux de contenter tous les électeurs, il leur suffit de d’en convaincre au moins la majorité. On peut rappeler les  conseils que donne Machiavel aux princes de son époque pour obtenir les faveurs du peuple : ne pas être oppressé,  ne pas être amputé de son patrimoine et avoir  la mémoire courte. Ces conseils sont toujours d’actualité même si les méthodes ont évolué. 

 

Enfin, en ce qui concerne LA CAPACITÉ À RÉAGIR IMMÉDIATEMENT EN CAS DE PROBLÈME et d’infléchir si nécessaire sa politique, les gouvernants des pays de démocratie représentative sont beaucoup moins performants que les Princes du temps de Machiavel et les autocrates de notre époque. 


Ils sont en effet tiraillés entre les multiples sollicitations émanant de l’état de l’opinion, des répercussions économiques ou sociales éventuelles, de la cour des flatteurs qui les entoure,  des prises de position des opposants dans les parlements critiquant à tout propos et semant le doute quant à la justesse des propositions faites par l’exécutif,  …  En conséquence, les décisions sont prises bien trop tard et on a beau jeu de douter de la capacité du chef de l’Etat à régler les problèmes quand ils se présentent.


Ainsi, même s’il existe des différences entre les conditions politiques et sociales de notre époque et celles du  16e siècle,  il me semble que les conseils de Machiavel donnés aux Princes, peuvent être transposables à notre époque ; certes, les gouvernants n’ont pas toute latitude pour agir comme les Princes mais, s’il veulent réussir à se maintenir, ils peuvent se référer à Machiavel et utiliser ses conseils tout en les adaptant aux vicissitudes de leur temps.

 

 

 

lundi 25 octobre 2021

LA PENSÉE POLITIQUE DE MACHIAVEL (16) le Prince

  LE PRINCE (8)

ADAPTER SON COMPORTEMENT AUX CIRCONSTANCES 

LES DÉFAUTS QUE LE PRINCE DOIT IMPÉRATIVEMENT ÉVITER

S’il veut conserver son trône et son pouvoir, le Prince doit impérativement éviter trois  défauts majeurs : être rapace, être méprisé et établir des lois qu’il est le premier à violer. 

ÊTRE RAPACE

La pratique de la rapacité et de son corollaire, la vindicte gratuite, est suffisamment importante pour qu’elle soit mentionnée à plusieurs reprises :

Le Prince « doit se garder d’attenter soit au biens de ses sujets, soit à l’honneur de leurs femmes. Pourvu que ces deux choses, c’est-à-dire les biens et l’honneur, soient respectées,  le commun des hommes est content, et l’on n’a plus à lutter que contre l’ambition d’un petit nombre d’individus, qu’il est aisé et qu’on a mille moyens de réprimer.» (le Prince chapitre 11)  

Machiavel va ensuite commenter chacune des atteintes effectuées par le Prince du fait de sa rapacité 

« On (peut être) outragé dans ses biens, dans sa personne, dans son honneur » (discours livre 3 chapitre 6) 

Au niveau des personnes, l’auteur estime que si le Prince a outragé une personne par une menace inique, il ne peut s’en préserver qu’en la condamnant à mort afin qu’elle ne puisse pas se venger : en effet, par peur ou par bassesse, ses proches pourront toujours déclarer que l’outrage ne  concerne que cette personne elle-même et non son entourage.

« Si l’outrage atteint la personne, la menace en est plus dangereuse que l’effet : car la menace seule offre de grands périls ; l’effet n’en présente aucun. Celui que l’on tue ne songe plus à se venger, et le plus souvent ceux qui lui survivent en laissent la pensée à celui qui n’est plus » (ibid)

Ensuite Machiavel aborde les outrages faits aux biens de ses sujets, ce sont, pour lui, les plus graves que l’on puisse faire aux hommes puisque l’une des manifestations de leur perversité est l’appât au gain et la volonté de posséder toujours plus : si le Prince s’empare des richesses d’un individu, celui-ci n’aura plus qu’une idée en tête, se venger ; selon l’auteur, dépouiller un être humain de ses biens est  encore plus irrémissible que de tuer un de ses parents même proche :

« les hommes oublient plutôt la mort d’un père même que la perte de leur patrimoine, et que d’ailleurs il en aura des occasions plus fréquentes. Le prince qui s’est une fois livré à la rapine trouve toujours, pour s’emparer du bien de ses sujets, des raisons et des moyens qu’il n’a que plus rarement pour répandre leur sang » (Le Prince chapitre 17) 

Dans le Discours, il écrit : le Prince «  ne peut tellement dépouiller un homme de ses biens, qu’il ne lui reste un poignard pour se venger. » (livre 3 chapitre 6). 

Enfin, dépouiller un homme de son honneur par exemple  en séduisant sa femme conduira celui-ci à faire n’importe quel acte, y compris en mettant en péril sa propre vie pour se venger. 

Le Prince  « ne peut tellement le déshonorer, qu’il ne lui reste une âme acharnée à la vengeance. De toutes les manières de flétrir l’honneur d’un homme, la plus sensible est d’abord l’outrage fait à sa femme, et ensuite le mépris qu’on a pour lui-même » (discours livre 6 chapitre 3)

Est-ce à dire que le Prince ne puisse pas attenter aux biens de ses sujets ou leur enlever leurs femmes ? Ce serait exagéré de le prétendre, le Prince, comme toujours, doit se maintenir dans un juste milieu, il lui faut « tout à la fois être craint et n’être pas haï » (le Prince 17) : il peut, parce qu’il est craint, voler les biens de quelques-uns  de ses sujets sans que les autres réagissent, mais si ce goût de le rapine s’amplifie, la crainte se changera en haine et le peuple se révoltera. 

« Un prince doit donc éviter ce fardeau de la haine ; s’il parvient donc à s’en garantir, il sera moins exposé aux coups d’un sujet offensé : d’abord, parce qu’il est rare qu’un homme ressente assez profondément une injure pour s’exposer à un péril si manifeste dans la seule vue de se venger ; et ensuite, parce que s’il s’en rencontrait un qui eût le pouvoir et le courage d’exécuter son dessein, il serait retenu par cette affection générale dont il verrait que le prince est l’objet. (Ibid) 

ÊTRE MEPRISABLE

Le deuxième défaut que le Prince doit se garder est de se faire mépriser en se départissent de  son rôle et, ainsi, de ne « jamais compromettre .. la majesté de son rang, majesté qui ne doit l’abandonner dans aucune circonstance » (Le prince chapitre 21) 

Il sera honni s’il paraît « inconstant, léger, efféminé, pusillanime, irrésolu, toutes choses dont le prince doit se tenir loin comme d’un écueil » (ibid) 

Le Prince doit, comme je l’ai écrit, apprendre à dissimuler sa vraie nature pour que rien ne transparaisse de sa véritable personnalité, en « faisant en sorte que dans toutes ses actions on trouve de la grandeur, du courage, de la gravité, de la fermeté ; que l’on soit convaincu, quant aux affaires particulières de ses sujets, que ses décisions sont irrévocables, et que cette conviction s’établisse de telle manière dans leur esprit, que personne n’ose penser ni à le tromper ni à le circonvenir. (Ibid)

NE PAS RESPECTER LES LOIS QU’ON A ÉDICTÉES 

Le troisième défaut est d’imposer des lois à ses sujets et de ne pas en tenir compte pour soi-même. 

C’est ce qu’écrit Machiavel dans cet aphorisme : « le plus funeste exemple qu’on puisse, à mon avis, donner dans un État, c’est de créer une loi et de ne point l’observer » (discours livre 1 chapitre 45) 

Pour le montrer, l’auteur prend l’exemple de la situation de la Romagne avant le règne du pape Alexandre 6, à une époque où cette contrée était dominée par des seigneurs qui donnaient cours à leurs instincts pervers et où le « brigandage et l’assassinat était monnaie courante : 

« Ces désordres avaient leur source dans la méchanceté des princes, et non dans la corruption des peuples …  parce que ces princes, quoique pauvres, voulaient vivre dans le faste ; et, contraints de se livrer à de nombreuses exactions, ils les multipliaient sous toutes les formes. 

Une de leurs pratiques les plus perfides consistait à faire des lois pour prohiber certaines actions ; ensuite, ils étaient les premiers à fournir des facilités pour les enfreindre et laissaient les coupables dans l’impunité, jusqu’à ce qu’ils eussent vu leur nombre se multiplier : alors ils prenaient le parti de venger l’outrage fait aux lois, non par zèle pour la justice, mais dans l’espoir d’assouvir leur cupidité en s’enrichissant par des amendes.

De là une foule de désordres : les peuples s’appauvrissaient sans se corriger, et ceux qui se trouvaient ainsi appauvris cherchaient à s’en dédommager aux dépens des peuples moins puissants qu’eux ; de là tous ces crimes dont nous avons parlé, et qu’on ne peut attribuer qu’à la conduite du prince. » (Livre 3 chapitre 29) 

Cet exemple permet à Machiavel de formuler une conclusion générale à propos des défauts à péremptoirement éviter pour un Prince afin de s’assurer un long règne : 

« Il est donc nécessaire ou de n’offenser personne, ou de satisfaire à la fois tous ses ressentiments, puis de rassurer les citoyens, et de leur rendre la confiance et la tranquillité. » Discours 1 45

Ainsi, selon Machiavel, le Prince doit donc être un personnage à part à qui il faut apprendre à gouverner en lui montrant qu’il devra respecter quatre critères s’il veut se maintenir au pouvoir : 

   . Dissimuler sa vraie nature en montrant à ses sujets des qualités qu’il ne possède pas nécessairement. Savoir dissimuler, par une éducation adéquate, sa nature foncièrement perverse.

   . Mettre en œuvre les qualités de paraître qui lui permettent de faire illusion afin de durer mais avoir recours si nécessaire à des méthodes qui sont normalement à proscrire chez le commun des mortels pour réussir à gouverner.

   . Connaître avec acuité les ressorts psychologiques qui animent les peuples de manière à ce que sa majorité accepte son autorité et cautionne sa manière de gouverner.

   . Ne jamais hésiter à agir dès qu’une décision est prise et infléchir sa politique selon les circonstances.    . 

Ces quatre affirmations sont-elles de tous les temps ? S’appliquent-elles au chef d’Etat actuels ? C’est à ces questions que je me propose de répondre dans ce qui suit. 

vendredi 8 octobre 2021

LA PENSEE POLITIQUE DE MACHIAVEL (15) le Prince

 LE PRINCE (7)

ADAPTER SON COMPORTEMENT AUX CIRCONSTANCES.  

LES QUALITÉS DONT DOIT FAIRE PREUVE LE PRINCE 

TENIR COMPTE DES CONSEILS DES GENS AVISÉS QUI L’ENTOURE.

La deuxième qualité que le Prince doit développer est de tenir compte des conseils qu’on lui donne  et, par antiphrase d’éliminer la camarilla des flatteurs qui se pressent autour de lui.

De multiples exemples historiques montrent bien la nocivité extrême des courtisans : 

     . D’abord, ils abondent toujours dans le sens des propos du Prince même s’ils savent que ce sont des contre-vérités afin de se faire bien voir de lui et d’obtenir indûment de nouvelles faveurs de sa part.

     . Ensuite et surtout, ils s’érigent en écran entre le Prince et la réalité en se chargeant de lui épargner toutes les mauvaises nouvelles qui lui déplairont et de, ce fait, le trompent en lui faisant croire à des informations qu’ils savent fausses.

Pour bien gouverner, le Prince doit, selon Machiavel, user d’une méthodologie selon quatre caractéristiques : 

     . Il doit d’abord  « faire choix dans ses États de quelques hommes sages, et leur donner, mais à eux seuls, liberté entière de lui dire la vérité » ,  (le Prince chapitre 23) le Prince, en conséquence, doit accepter que ses conseillers ne soient pas d’accord avec lui, seule devra compter pour lui, la franchise de leurs propos, il doit aussi écouter « patiemment la vérité » (ibid). 

    . Le Prince doit aussi choisir plusieurs conseillers afin d’obtenir une pluralité d’avis, rien ne serait plus dommageable pour lui de s’en remettre à un seul conseiller en  confiant le pouvoir « entièrement entre les mains de quelque homme très habile, qui seul le maîtrise et le gouverne ; auquel cas, du reste, il peut, à la vérité, être bien conduit, mais pour peu de temps, car le conducteur ne tardera pas à s’emparer du pouvoir ».

     . Le Prince doit être aussi maître de l’ordre du jour des réunions pour éviter toute cacophonie dans les discussions. C’est lui qui pose les questions et les conseillers doivent se borner de répondre « aux choses sur lesquelles il les interrogera » (ibid). Les conseillers n’auront pas à faire des suggestions sur un autre sujet que celui sur lequel il leur demande leur avis. 

« Un prince doit donc toujours prendre conseil, mais il doit le faire quand il veut, et non quand d’autres le veulent ; il faut même qu’il ne laisse à personne la hardiesse de lui donner son avis sur quoi que ce soit, à moins qu’il ne le demande » (ibid) 

     . Une fois les conseillers écoutés, le Prince doit prendre sa décision seul : « Il doit, du reste, les consulter sur tout, écouter leurs avis, résoudre ensuite par lui-même… il doit enfin ne vouloir entendre aucune autre personne » (Ibid), ensuite, il doit « agir selon la détermination prise, et s’y tenir avec fermeté » (ibid) 

« Le prince qui en use autrement est ruiné par les flatteurs, ou il est sujet à varier sans cesse, entraîné par la diversité des conseils ; ce qui diminue beaucoup sa considération. » (ibid) 

Cette méthode de gouvernement peut paraître assez paradoxale au vu de ce que Machiavel pense de la nature perverse et foncièrement mauvaise de l’homme. Il écrit, en effet, que non seulement les conseillers doivent manifester une grande sagesse mais aussi que le Prince doit être également sage puisqu’il doit choisir avec discernement les conseillers qui l’entoureront. 

« Ceux qui prétendent que tel ou tel prince qui paraît sage ne l’est point effectivement, parce que la sagesse qu’il montre ne vient pas de lui-même, mais des bons conseils qu’il reçoit, avancent une grande erreur ; car c’est une règle générale, et qui ne trompe jamais, qu’un prince qui n’est point sage par lui-même ne peut pas être bien conseillé ».. « « En un mot, les bons conseils, de quelque part qu’ils viennent, sont le fruit de la sagesse du prince, et cette sagesse n’est point le fruit des bons conseils. » (ibid)

Peut-on supposer que, grâce à la dissimulation de sa vraie nature, le Prince puisse acquérir la sagesse ? , ce serait étonnant. Dans ces conditions, faut-il penser que l’éducation donnée au Prince puisse corriger ou plutôt masquer sa perversité de base ? C’est plutôt la seconde alternative qui doit être privilégiée. 

TÉMOIGNER DE L’EMPATHIE ENVERS SES SUJETS

La troisième qualité que le Prince doit acquérir est de paraître humain envers le peuple qu’il gouverne : une citation tirée du livre 21 du Prince montre tout ce qu’il doit accomplir pour faire croire qu’il est bienveillant peuvent lui apporter 

« Un prince doit encore se montrer amateur des talents, et honorer ceux qui se distinguent dans leur profession. Il doit encourager ses sujets, et les mettre à portée d’exercer tranquillement leur industrie, soit dans le commerce, soit dans l’agriculture, soit dans tous les autres genres de travaux auxquels les hommes se livrent ; en sorte qu’il n’y en ait aucun qui s’abstienne ou d’améliorer ses possessions, dans la crainte qu’elles ne lui soient enlevées, ou d’entreprendre quelque négoce de peur d’avoir à souffrir des exactions. 


Il doit faire espérer des récompenses à ceux qui forment de telles entreprises, ainsi qu’à tous ceux qui songent à accroître la richesse et la grandeur de l’État. Il doit de plus, à certaines époques convenables de l’année, amuser le peuple par des fêtes, des spectacles ; et, comme tous les citoyens d’un État sont partagés en communautés d’arts ou en tribus, il ne saurait avoir trop d’égards pour ces corporations ; il paraîtra quelquefois dans leurs assemblées, et montrera toujours de l’humanité et de la magnificence, sans jamais compromettre néanmoins la majesté de son rang, majesté qui ne doit l’abandonner dans aucune circonstance » (le Prince Livre 21) 

mercredi 29 septembre 2021

LA PENSEE POLITIQUE DE MACHIAVEL (14) le Prince

 LE PRINCE (7) 

ADAPTER SON COMPORTEMENT AUX CIRCONSTANCES. 

LES QUALITÉS DONT DOIT FAIRE PREUVE LE PRINCE

La RÉACTIVITÉ IMMÉDIATE AUX CIRCONSTANCES 

C’est un élément fondamental de la politique du Prince, il doit apprendre à improviser très vite des solutions valables et efficaces  face à un événement inattendu.

Il convient d’abord de rappeler que le Prince doit apprendre à dissimuler sa vraie nature, il dispose donc de toute une panoplie de comportements à adopter face à ses sujets : 

« les uns procèdent avec circonspection, les autres avec impétuosité ; ceux-ci emploient la violence, ceux-là usent d’artifice ; il en est qui sont patients, il en est aussi qui ne le sont pas du tout : ces diverses façons d’agir quoique très différentes, peuvent également réussir » (le Prince chapitre 25) 

Ces méthodes ne sont cependant pas la panacée, elles doivent être adaptées selon les circonstances et surtout en fonction des événements imprévus qui pourraient survenir. 

« Ainsi, par exemple, un prince gouverne-t-il avec circonspection et patience : si la nature et les circonstances des temps sont telles que cette manière de gouverner soit bonne, il prospérera ; mais il déchoira, au contraire, si, la nature et les circonstances des temps changeant, il ne change pas lui-même de système ».(ibid)

Cette capacité d’adaptation immédiate aux aléas du moment est, selon Machiavel, très difficile à mettre en œuvre, les Princes et plus généralement tous les êtres humains, quand ils ont déterminé une forme personnelle de manière d’être, ont beaucoup de mal à sortir de leur routine et à assumer un changement complet de mentalité pour passer un cap difficile. D’une manière plus générale, il faut sans cesse se remettre en question si on veut saisir sa chance. 

« Changer ainsi à propos, c’est ce que les hommes, même les plus prudents ne savent point faire, soit parce qu’on ne peut agir contre son caractère, soit parce que, lorsqu’on a longtemps prospéré en suivant une certaine route, on ne peut se persuader qu’il soit bon d’en prendre une autre. » (ibid) 

« Je conclus donc que, la fortune changeant, et les hommes s’obstinant dans la même manière d’agir, ils sont heureux tant que cette manière se trouve d’accord avec la fortune (au sens antique de chance)  ; mais qu’aussitôt que cet accord cesse, ils deviennent malheureux »

S’adapter sans cesse aux circonstances, c’est aussi s’adapter à son époque, ainsi, il faut être violent et impétueux quand l’époque elle-même est violente. C’est le cas en particulier dans l’Italie du 16e siècle : Machiavel, à cet égard, cite l’exemple du pape Jules ll : 

« Le pape Jules II fit toutes ses actions avec impétuosité ; et cette manière d’agir se trouva tellement conforme aux temps et aux circonstances, que le résultat en fut toujours heureux.

Considérez sa première entreprise, celle qu’il fit à Bologne… Jules s’y précipita avec sa résolution et son impétuosité naturelles, conduisant lui-même en personne l’expédition ; et, par cette hardiesse, il tint les Vénitiens et l’Espagne en respect, de telle manière que personne ne bougea … Jules obtint donc, par son impétuosité, ce qu’un autre n’aurait pas obtenu avec toute la prudence humaine ; car s’il avait attendu, pour partir de Rome, comme tout autre pape aurait fait, que tout eût été convenu, arrêté, préparé, certainement il n’aurait pas réussi. »

Je ne parlerai point ici des autres opérations de ce pontife, qui, toutes conduites de la même manière, eurent pareillement un heureux succès. » (ibid)

Ce comportement impétueux réussit dans l’Italie du 16e siècle empreinte de violence mais à une autre époque, ce pape n’aurait pas aussi facilement réussi : 

« Du reste, la brièveté de sa vie ne lui a pas permis de connaître les revers qu’il eût probablement essuyés s’il était survenu dans un temps où il eût fallu se conduire avec circonspection ; car il n’aurait jamais pu se départir du système de violence auquel ne le portait que trop son caractère ».(ibid).

Machiavel termine ce chapitre 25 par un aphorisme quelque peu misogyne  qui laisserait pantois s’il était prononcé à notre époque : 

« Je pense, au surplus, qu’il vaut mieux être impétueux que circonspect ; car la fortune est femme : pour la tenir soumise, il faut la traiter avec rudesse ; elle cède plutôt aux hommes qui usent de violence qu’à ceux qui agissent froidement »  (ibid) 



lundi 20 septembre 2021

LA PENSEE POLITIQUE DE MACHIAVEL (13) le Prince

 LE PRINCE (5)

ADAPTER SON COMPORTEMENT AUX CIRCONSTANCES. 

LES DÉFAUTS UTILES À METTRE EN ŒUVRE POUR BIEN GOUVERNER

SAVOIR MENTIR QUAND IL LE FAUT

Le mensonge et la tromperie, défauts à priori condamnables lorsqu’ils se produisent dans les rapports humains de la vie quotidienne, sont un atout précieux pour le Prince à condition toutefois qu’ils soient assez hypocrites pour n’en rien laisser paraître. 

À cet égard, Machiavel cite l’exemple du pape Alexandre 6 Borgia : 

« Alexandre VI ne fit jamais que tromper ; il ne pensait pas à autre chose, et il en eut toujours l’occasion et le moyen. Il n’y eut jamais d’homme qui affirmât une chose avec plus d’assurance, qui appuyât sa parole sur plus de serments, et qui les tînt avec moins de scrupule : ses tromperies cependant lui réussirent toujours, parce qu’il en connaissait parfaitement l’art."

Comment Machiavel justifie-t’il le fait que le mensonge devienne un moyen normal de gouvernement : il développe son argumentation en deux points : 

   . Si une promesse occasionne plus d’inconvénients que d’avantages, il vaut mieux l’abandonner dans l’intérêt de tous. 

   . Si les circonstances qui ont amené cette promesse ont changé.

« Un prince bien avisé ne doit point accomplir sa promesse lorsque cet accomplissement lui serait nuisible, et que les raisons qui l’ont déterminé à promettre n’existent plus : tel est le précepte à donner ». (Le Prince chapitre 18)

Cette manière d’être, bien que peu morale, est, selon Machiavel, admissible du fait de la perversité humaine : la plupart des gens mentent pour couvrir leurs méfaits, pour échapper à la punition que leur vaudrait leur comportement : « ce n’est pas moi, je n’ai rien fait » est une phrase que l’on entend souvent. 

Dans ces conditions, pourquoi le Prince devrait-il se priver de cette arme utile pour gouverner d’autant qu’il lui convient d’agir en conformité avec la duplicité et la ruse que l’on suppose inhérentes au renard, cela lui permettra, à coup d’arguments fallacieux, de masquer son revirement par de fausses raisons. 

« Il ne serait pas bon sans doute, si les hommes étaient tous gens de bien ; mais comme ils sont méchants, et qu’assurément ils ne vous tiendraient point leur parole, pourquoi devriez-vous leur tenir la vôtre ? Et d’ailleurs, un prince peut-il manquer de raisons légitimes pour colorer l’inexécution de ce qu’il a promis » ? (Le Prince chapitre 18)

ÊTRE AVARE 

Autre défaut, l’avarice doit être privilégiée par rapport à la générosité  et la prodigalité. 

Le raisonnement de Machiavel est simple : si un Prince commence à distribuer ses revenus ou les revenus de son état, sans discernement, il ne pourra bientôt plus faire face aux dépenses qui lui incombent, ni se prémunir des attaques extérieures en développant ses moyens de défense, ni faire œuvre utile pour le bien de ses sujets. Il sera alors obligé d’augmenter les impôts et taxes qui pèsent sur eux, ce qui sera le plus sûr moyen de les mécontenter. 

« Un prince qui veut n’avoir pas à dépouiller ses sujets pour pouvoir se défendre, et ne pas se rendre pauvre et méprisé, de peur de devenir rapace, doit craindre peu qu’on le taxe d’avarice, puisque c’est là une de ces mauvaises qualités qui le font régner. » (Le Prince chapitre 16) 

« La libéralité, plus que toute autre chose, se dévore elle-même ; car, à mesure qu’on l’exerce, on perd la faculté de l’exercer encore : on devient pauvre, méprisé, ou bien rapace et odieux. Le mépris et la haine sont sans doute les écueils dont il importe le plus aux princes de se préserver. Or la libéralité conduit infailliblement à l’un et à l’autre. Il est donc plus sage de se résoudre à être appelé avare, qualité qui n’attire que du mépris sans haine, que de se mettre, pour éviter ce nom, dans la nécessité d’encourir la qualification de rapace, qui engendre le mépris et la haine tout ensemble ». (Le Prince chapitre 16)

Machiavel va cependant mentionner deux cas particuliers où la prodigalité est de mise : 

     . Si quelqu’un a l’ambition de prendre le pouvoir dans un État, il doit être prêt à distribuer des faveurs afin de se créer des partisans qui appuieront son élévation en espérant en obtenir encore d’autres plus tard. 

« Ou vous êtes déjà effectivement prince, ou vous êtes en voie de le devenir. Dans le premier cas, la libéralité vous est dommageable ; dans le second, il faut nécessairement que vous en ayez la réputation » (ibid) 

     . Si un Prince distribue non les richesses de son État, mais de celles  qu’il aura subjuguées après la conquête d’un autre état qu'il maintient maintenu sous son joug par la force.

« Le prince dépense ou de son propre bien et de celui de ses sujets, ou du bien d’autrui : dans le premier cas il doit être économe ; dans le second il ne saurait être trop libéral » (ibid) 

mercredi 15 septembre 2021

PENSEE POLITIQUE DE MACHIAVEL (12) le Prince

  LE PRINCE (4) 

ADAPTER SON COMPORTEMENT AUX CIRCONSTANCES. 

LES DÉFAUTS UTILES À METTRE EN ŒUVRE POUR BIEN GOUVERNER

ÊTRE CRUEL SELON LES NÉCESSITÉS 

Le premier défaut que Machiavel analyse est celui de la cruauté en posant la question : vaut-il  « mieux être aimé que craint, ou être craint qu’aimé ? » (Le Prince chapitre 17) 

A cette question, la réponse est simple : pour l’auteur, le Prince ne doit pas hésiter à être cruel si cela devient un atout fondamental pour la préservation  de son pouvoir. 

« On peut répondre que le meilleur serait d’être l’un et l’autre. Mais, comme il est très-difficile que les deux choses existent ensemble, je dis que, si l’une doit manquer, il est plus sûr d’être craint que d’être aimé » (Le Prince chapitre 17)

Son argumentation repose sur un constat évident : si on craint le Prince, on ne s’avisera pas de lui désobéir et de contester son pouvoir car on sait qu’il n’hésitera pas à punir sévèrement les fauteurs de troubles. Cette affirmation correspond exactement à la nature profonde cupide et lâche de l’être humain de la renaissance italienne décrite précédemment  : il sera adulateur du Prince tant qu’il obtiendra ses faveurs ;  par contre, si le moindre coup du sort survient, il n’hésitera pas à le contester. Dans ce cas, le Prince usera de la peur du châtiment inhérente à la lâcheté naturelle de ses sujets pour les amener à soumission. 

« On appréhende beaucoup moins d’offenser celui qui se fait aimer que celui qui se fait craindre ; car l’amour tient par un lien de reconnaissance bien faible pour la perversité humaine… ; au lieu que la crainte résulte de la menace du châtiment, et cette peur ne s’évanouit jamais. (Le Prince chapitre 17) 

« Les hommes poussent souvent l’audace jusqu’à se plaindre hautement des mesures prises par leurs princes ; mais lorsqu’ils voient le châtiment en face, ils perdent la confiance qu’ils avaient l’un dans l’autre, et ils se précipitent pour obéir. « (Discours livre 1 chapitre 57).   

Pour donner une preuve évidente de son argumentation, Machiavel donne l’exemple de César Borgia :

« César Borgia passait pour cruel, mais sa cruauté rétablit l’ordre et l’union dans la Romagne ; elle y ramena la tranquillité et l’obéissance » (Le Prince chapitre 17)

Il convient, cependant, selon Machiavel, de nuancer ce qui précède : dominer son peuple grâce à sa réputation de cruauté est une méthode utile et nécessaire de gouvernement à condition de ne la pratiquer que dans des limites restreintes.

La politique du Prince, comme je l’ai mentionné précédemment, doit être étroitement dépendante du rapport de force entre la majorité de la population et la minorité : si la majorité est satisfaite de sa politique, il n’aura rien à craindre.

« Je répéterai seulement qu’il est d’une absolue nécessité qu’un prince possède l’amitié de son peuple ». (Le Prince chapitre 9) 

Or, selon Machiavel, il est facile au Prince de se concilier ses sujets « puisque le peuple ne demande rien de plus que de n’être point opprimé. »(Le Prince chapitre 9) 

C’est dans cette perspective qu’il faut replacer l’importance de la cruauté du Prince : elle ne sera bien acceptée que si qu’elle préserve la paix sociale et la prospérité de ses sujets tant individuellement que collectivement. A l’inverse, ne pas punir les séditieux, c’est prendre le risque de voir le désordre s’instaurer, suscitant ainsi le mécontentement de la majorité de la population. 

« Un prince ne doit donc point s’effrayer de ce reproche, quand il s’agit de contenir ses sujets dans l’union et la fidélité. En faisant un petit nombre d’exemples de  rigueur, vous serez plus clément que ceux qui, par trop de pitié, laissent s’élever des désordres d’où s’ensuivent les meurtres et les rapines ; car ces désordres blessent la société tout entière, au lieu que les rigueurs ordonnées par le prince ne tombent que sur des particuliers ».(Le Prince chapitre 17)

Ce thème de « rigueur ordonné par le Prince » doit, selon Machiavel, être relativisé : il n’est ni bon ni souhaitable que le Prince agisse directement comme s’il était en première ligne, s’il a décidé qu’une personne doit être condamnée sévèrement, il est beaucoup plus profitable pour sa réputation que ce soit quelqu’un d’autre qui agisse à sa place. Cette méthode a un double avantage pour lui : 

. Si la condamnation émeut les gens au point de susciter des manifestations, ce n’est pas le Prince qui sera conspué de prime abord, mais le magistrat ayant instruit l’affaire, celui-ci servira de bouc émissaire et sera d’abord l’objet de la vindicte populaire. 

. Si la contestation devient trop virulente, le Prince pourra alors, en dernier recours, gracier le condamné, il fera alors la preuve de sa grandeur d’âme et de son humanité. 

C’est ce que Machiavel indique dans l’extrait suivant : 

« Le prince doit se décharger sur d’autres des parties de l’administration qui peuvent être odieuses, et se réserver exclusivement celles des grâces », (Le Prince, chapitre 19)

Ainsi, se développe une stratégie en trois phases qu’il convient de suivre en cas de problèmes  : le Prince ordonne, le magistrat condamne, le Prince pardonne  Selon moi, cette idée est utopique, car, quoi qu’il fasse, les mécontents le rendront responsable de ce qu’ils considèrent comme injuste. 

Pourtant, il peut se produire des moments où le mécontentent gagne la population dans son ensemble . En ce cas, Machiavel montre que le Prince doit tirer parti de la perversité naturelle des hommes : en effet, « réunis, les hommes sont remplis de courage, mais que lorsque chacun vient à réfléchir à son propre danger, il devient faible et lâche » (discours livre 1 chapitre 57) 

Lorsqu’une révolte contre le Prince se produit, deux cas peuvent se produire : 

    . Si les insurgés n’ont pas de chefs, il lui suffit d’attendre bien à l’abri dans son château :  «  En effet, lorsque les esprits sont refroidis, et que chacun voit qu’il faut retourner chez soi, on commence à perdre la confiance qu’on avait dans ses propres forces, on pense à son propre salut, et l’on se décide à fuir ou à traiter. » (discours, livre 1 chapitre 57) 

    . Dans le cas où les insurgés se sont donné un chef, il suffit de l’arrêter et de le condamner sévèrement pour faire peur à tous ceux qui le suivaient par la crainte des châtiments pouvant leur être infligés. 

Pour parfaire cette partie concernant la cruauté du Prince, je voudrais citer un extrait du Prince qui résume assez bien la manière de l’éduquer afin qu’il puisse régner longtemps sur ses sujets même en cas d’adversité : 

« Il doit toutefois ne croire et n’agir qu’avec une grande maturité, ne point s’effrayer lui-même, et suivre en tout les conseils de la prudence, tempérés par ceux de l’humanité ; en sorte qu’il ne soit point imprévoyant par trop de confiance, et qu’une défiance excessive ne le rende point intolérable. » (Le Prince chapitre 17)


jeudi 9 septembre 2021

LA PENSEE POLITIQUE DE MACHIAVEL (11) le Prince

 LE PRINCE (3) 

ADAPTER SON COMPORTEMENT AUX CIRCONSTANCES. 

Pour la clarté de mon exposé je diviserai mon propos en trois parties : 

. Quels défauts peut on mettre en œuvre pour gouverner efficacement, ?

        . Être cruel selon les nécessités,

         . Savoir mentir quand il le faut,

         . Être avare.

. Quelle qualité doit-il pratiquer ? 

        . réagir immédiatement selon les circonstances,

        . Tenir compte des avis pertinents.

        . Montrer de l’empathie envers ses sujets.

. Quels défauts doit être impérativement prohibé pour éviter que le Prince ne se rende haïssable : 

        . Être rapace,

        . Être méprisable,

        . Ne pas respecter les lois qu’on a édictées.