Autrefois, l'information présentait deux caractères que l'on a déjà indiqués dans l'article précédent :
. L'omission volontaire d'informations qui en masque l'objectivité,
. Le travestissement de l'information par le biais de commentaires orientés,
L'époque actuelle a ajouté de nombreux travers en particulier au niveau des journaux télévisés dont il faut ici stigmatiser les multiples errements.
Ces errements proviennent en premier lieu de la prédominance de l'oralité. Autrefois, dans les journaux écrits, entre l'information brute fournie par les agences d'information et la parution d'un article, il y avait la phase intermédiaire de la rédaction écrite par le journaliste. Ce passage permettait à la fois de rechercher dans la documentation antérieure les informations nécessaires et de ménager un temps de réflexion afin de tenter d'élaborer une synthèse.
Même s'ils ne présentaient qu'une version partielle et tronquée, le travail des journalistes était cohérent et construit.
Cela ne se produit pratiquement jamais dans les journaux télévisés actuels :
. Dans un premier temps, le présentateur du journal lit sur prompteur une dépêche d'agence brute à peine mise en forme,
. Ensuite, sans aucun recul sur l'événement ni réflexion, il livre le commentaire à chaud de sa rédaction,
. Est établi ensuite un contact avec un ou plusieurs envoyés spéciaux qui, en général, n'en savent pas plus que ce qu'écrit la dépêche d'agence. Combien de fois entend-on " pour l'instant, on n'en sait pas plus, simplement, on peut vous dire que..." suit alors une information non vérifiée, colportée par un vague témoin qui souvent n'a rien vu !
. Enfin, un expert est sollicité, il apporte son interprétation au fait cité ; en général, telle une moderne Cassandre, il va, afin de se faire valoir, dramatiser un avenir qu'il pressent presque toujours négativement.
Il n'y a dans ce scénario, aucun moment véritable de réflexion et d'analyse en vue d'une présentation raisonnée.
À cette nouvelle méthodologie s'ajoutent d'autres graves errements :
En premier lieu, il faut citer la conséquence perverse de la concurrence acharnée à laquelle se livrent les différents journaux télévisés : c'est à qui donnera l'information le plus rapidement possible, qui trouvera un témoin avide de passer à la télévision... Cette recherche du "scoop" conduit à d'innombrables erreurs et imprécisions : on colporte des rumeurs immédiates sans fondements : on a pu le constater à propos d'une récente affaire de mœurs : la victime de cette affaire dans un hôtel de New-York par un individu en vue fut déclarée originaire de presque tous les pays d'Afrique noire avant que l'on sache vraiment sa nationalité, elle passa aussi par toutes les réputations possibles, fut encensée puis salie selon les divers témoignages.
Bien évidemment, les "scoop" successifs de vagues nouvelles diffusées trop tôt, sans le moindre recul, accrochent le spectateur, avide d'en connaître plus ; ils l'amènent à rester figé devant son poste de télévision pendant de longues périodes. Pour moi, les attentats du 11 septembre furent révélateurs de cette diffusion en continu avec lecture brute de dépêches d'agences, mise en communication avec les envoyés spéciaux qui se contentaient de dire qu'ils ne savaient rien de plus, diffusion de témoignages qui ne donnait qu'une vision parcellaire de leur réalité, et d'images en boucle des tours qui s'effondraient.
Un deuxième travers, encore plus grave, est également apparu : la dramatisation des événements qui sont presque toujours interprétée négativement en entretenant un pessimisme constant chez tous ceux qui regardent les journaux télévisés : inondations, tempêtes, coupures d'électricité, attentats, tornades, guerres et massacres, augmentation d'impôts, chômage, crimes et jugements, délocalisations, pollutions... occupent l'essentiel des journaux. C'est seulement en fin de journal que l'on donne quelques nouvelles plus optimistes, sans doute pour permettre les téléspectateurs à être bien disposé devant les publicités qui vont suivre !
À cela s'ajoute, comme en corollaire,un autre travers qui est la conséquence de la méthodologie actuelle de l'information :
. On apprend une nouvelle, elle est ressentie comme un "scoop" qui risque d'appâter le téléspectateur, cette nouvelle est montée en épingle, dramatisée à l'excès surtout si la chaîne qui la diffuse est la première à le faire.
. Les rédactions axent alors tous leurs moyens techniques sur cette nouvelle, elle est l'occasion d'une mobilisation des envoyés spéciaux et des pseudo-experts.
. Quelques jours plus tard, la nouvelle est éculée, elle n'intéresse plus personne, on passe alors à un nouveau "scoop" et on ne parle plus du problème qui, pourtant, ne disparaît pas pour autant.
Ainsi, on a nettement l'impression qu'un problème n'existe que parce que la télévision s'intéresse à lui ; à l'inverse, si la télévision ne s'intéresse pas à un problème c'est qu'il n'existe pas ! Combien de guerres et massacres ont été décrits avec multiplication de détails sordides et macabres pendant quelques jours puis complètement ignorés ensuite bien qu'ils se perpétuent !
Cette atmosphère pessimiste, savamment entretenue par tous les médias, amène les gens à porter une vision totalement négative sur leur époque et à ne plus présager de l'avenir : on ne croit plus que les prophètes de mauvaise augure ! par contre, on traite de menteurs ceux annonçant que la situation s'améliorera dans le futur.
On peut vraiment se demander pour quelle raison la télévision entretient cette psychose pessimiste : la réponse doit être dans l'importance accordée à cet outil infâme qu'est "l'audimat " : plus on annonce de catastrophes, plus les gens regardent les journaux télévisés, plus on fait d'audience et plus on peut faire payer cher la diffusion des spots publicitaires qui vont suivre le journal !
Ainsi, aux tares anciennes des méthodes de diffusion de l'information, s'ajoutent celles des évolutions actuelles conduites par le média télévisuel :
- catastrophisme perpétuel rythmé par les scoops,
- information donnée sans recul ni analyse, sans aucune réflexion ni effort d'élaborer une synthèse et de développer une argumentation.
La même évolution se généralise au niveau de presque tous les médias à l'exception toutefois de quelques chaînes et radio à vocation culturelle, qui par leur spécificité, échappent à cette décadence.
Tout cela aggrave le phénomène de désinformation, ce qui fait que finalement, on ne dispose actuellement que d'une information pessimiste, tronquée, manipulée, orientée.
Pourtant, il se profile de nombreuses indices d'espoir...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire