Cette nouvelle orientation spirituelle mentionnée par la stèle n’exclut pas cependant un grand nombre de références aux dieux brahmaniques. Le bouddhisme était la religion personnelle du roi, de la famille royale et probablement celle de ses parents. Le pays khmer n’était pas habitué à cette nouvelle pratique religieuse après des siècles de dévotion à Civa puis Vichnou auxquels les temples d’état étaient traditionnellement dédiés ; il paraît évident que JAYAVARMAN 7 ne pouvait imposer le bouddhisme, ce qui aurait été d’ailleurs contraire aux préceptes de celui-ci. En conséquence, il se produisit une coexistence entre les deux religions, les temples bouddhistes comportaient aussi des cella dédiées aux dieux hindouistes. L’exemple le plus intéressant de ce phénomène est le temple du Preah Khan..
Cette coexistence est bien marquée dans la deuxième partie de la stèle ayant trait à la généalogie du roi par laquelle, il se rattache à ses ancêtres et à leurs exploits qui les assimile à ceux des dieux. La stèle évoque aussi le roi lui-même, cela est rendu possible par le fait que cette stèle est signée non de Jayavarman 7 mais de son fils, Cri Suryakumera ; dans ces conditions, le prince héritier pouvait citer sans problèmes les exploits de son propre pere.
Dans les stances qui décrivent Jayavarman 7 et ses exploits, on retrouve, entre autre, les qualificatifs suivants qui évoquent tous le brahmanisme :
. La naissance du roi est assimilée à celle d’Indra, le roi des Dieux, (stance 8)
. A l’image du dieu Kumera, dieu de la guerre dont « le corps si complexe » est né de Civa, d’Agni et de Ganga selon le Mahabaratha, le créateur a constitué le roi en mêlant les corps de Civa, de Kama et sans doute aussi de Vichnou pour constituer un être qui mélange les qualités de ces dieux : la puissance, la beauté et l’héroïsme. (stance 19)
. Laksmi le qualifie de rejeton de la race solaire, le joyau de la tête des rois qui peut remplacer les Dieux dans leur combat (stance 22)
. La présence supraterrestre du roi permet l’unité du ciel et de la terre (stance 26)
. Les rois ennemis ont la tête brûlée par le feu de sa gloire (stance 28)
. Le roi est comparé à Vichnou lorsqu’il a effectué le barattement de la mer de lait (stance 2)
Ainsi, décrit par son fils, le roi est un être supraterrestre, possédant les qualités des Dieux du Panthéon hindouiste et ayant la capacité de les remplacer dans leur lutte contre le mal. (Voir note A avec la traduction de la stèle effectuée par M Coedes en 1906)
Note A
. 8 : De même que du Brahmarsi la déesse Aditi eut [pour fils] le roi des Dieux (Indra), de ce roi (Dharanïndravarman) la fille de Çrihars varman eut un fils au pouvoir étincelant, le roi Çrijayavarman, qui, se fondant sur la loi, tua dans un combat le chef ennemi avec cent millions de flèches pour protéger la terre
. 19 : Ayant considéré que le corps si complexe du Dieu aux six mères (Kumara Dieu de la guerre) a pourtant été fait un [par ses parents]le créateur, désireux d'accomplir œuvre utile dans la joie d'un profond mystère, au moyen [des corps] de Hara (Civa), Çàrngi ( ?), Anaňga, (Kama) fit de ce roi l'unique réceptacle de la puissance, de l'héroïsme et de la beauté.
. 21 :[Puisque] par l'extrême puissance de ses deux bras, il avait dans cet Océan qu'est la bataille fait tourner [c'est-à-dire] vaincu ce roi des montagnes qu'est le roi des éléphants ennemis, et obtenu Laksmï, l'éléphant blanc, le cheval royal, le joyau, [on peut dire qu'] il fit comme Hari le barattement de l'océan (2).
. 22 « Je crois que ce roi en qui sont réunies toutes les qualités, ce rejeton de la race solaire, qui est le joyau de la tête des rois, me remplace dans la bataille », c'est dans cette pensée qu'avec une joie extrême la Laksmï des combats l'embrassa étroitement.
. 26 : . Ayant reçu de ce roi un sacrifice complet, Âkhandala, extrêmement joyeux, qui avait lancé le feu de sa malédiction à la suite de Jana- mejaya, effectua, le cœur plein d'allégresse, l'unité du ciel et de la terre par la puissance supraterrestre [de ce roi].
. 27 : Etant allé au Campa, il avait dans le combat pris, puis relâché le roi de ce pays ; les rois ennemis ayant entendu parler de l'ambroisie de sa conduite prirent en quelque sorte [cette ambroisie] dans leurs mains jointes et la répandirent sur leur tète pour apaiser la brûlure produite par le feu de sa gloire.
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