Ces deux types de méthodes pédagogiques révélées par les deux cahiers retrouvés ne s’excluaient pas, mutuellement ; tantôt, on passait de l’une à l’autre, tantôt, elles étaient utilisées de concert, c’était en particulier le cas pour la dictée. Le maître faisait d’abord une leçon sur les notions de grammaire ou de vocabulaire à connaître afin de bien préparer la dictée, puis il demandait aux élèves de prendre leur cahier du jour, celui qui ne quittait jamais la classe, pour effectuer la dictée ainsi que des exercices de grammaire ou de compréhension du texte y afférant. A la fin de la journée, le cahier du jour était ramassé et le maître donnait quelques exercices d’application à faire à la maison. Lors du cours suivant de français, le maître demandait à un élève de venir au tableau pour corriger l’exercice. Quant à la dictée, elle avait été annotée par le maître dans la soirée pour une correction ultérieure par l’élève des fautes commises. Une méthode semblable était utilisée pour les problèmes de calcul.
Que penser de ces méthodes ? Cet enseignement était accompli de manière magistrale et comportait surtout l’apprentissage de connaissances selon la technique du « par cœur ». L’apport de l’élève se limitait seulement à participer s’il avait un exemple à donner sur le sujet à traiter, il se contentait d’ingurgiter des connaissances et de les comprendre pour pouvoir ensuite s’en souvenir. Dans de telles conditions, c’était à l’élève lui-même de les associer et de les raccorder pour tenter d’en faire des synthèses de toutes les notions apprises ; dans ces conditions, la « tête bien pleine » précédait la «tête bien faite. »
Depuis cette époque, les méthodes pédagogiques se sont inversées, on a voulu mettre en avant les acquis méthodologiques et les savoir-faire nécessaires afin de permettre à l'élève de posséder les outils mentaux préludant à l’acquisition individuelle de connaissances ; dans ce cas, la « tête bien faite » devient l’objectif fondamental et précède la « tête bien pleine ».
Ces deux types de méthodes aux finalités opposées méritent d’être comparées :
. L'école primaire des années 55 se caractérisait par son sérieux et son ambition de former des adultes ayant un solide bagage de connaissances ; tous les écoliers de cette époque se souviennent actuellement encore des dates historiques importantes, ils connaissent de la localisation des départements, des fleuves et reliefs de la France ainsi que des noms des pays du monde, ils manient un langage correct et écrivent avec assez peu de fautes d’orthographe.
. A l’inverse, l’école d’aujourd’hui crée des élèves capables de raisonner mais n’ayant que des connaissances fragmentaires sauf dans leur domaine de leurs compétences professionnelles, ils sont dépourvus de culture générale, on ne leur a d’ailleurs jamais demandé d’en avoir,
Cette dualité des objectifs pédagogiques pose bien évidemment la difficile question de fond à propos du sens que l’on doit donner à l’éducation des élèves avec deux alternatives opposées : un raisonnement qui se produit sans base de connaissance ne peut que tourner en rond, à l’inverse posséder des connaissances sans avoir appris à les utiliser ne permet pas de progresser.
Il convient enfin de remarquer que le passage des premières méthodes à la seconde a correspondu aussi à une mutation de la société :
. Les valeurs dominantes des années 50-55 étaient le courage, le sens de l’effort, la persévérance nécessaire à la reconstruction du pays.
. Actuellement, les valeurs dominantes sont plutôt le consumérisme et la recherche du loisir où on ressent comme une gêne tout ce qui nécessite un effort.
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