L'immigration en métropole
Quand Mouloud eut vingt ans, il lut à la mairie
Que l'on avait besoin en France d'ouvriers.
" Mon fils, va t'embaucher, à nous quitter soit prêt,
Tu seras plus heureux que de rester ici. "
Mouloud fut accueilli par le vent et la pluie,
On le fit travailler à creuser des tranchées,
Préparer le ciment, bitumer, balayer...
Les plus dures corvées étaient toujours pour lui.
Il vivait chichement, envoyant chaque mois
À ses pauvres parents, un peu de son argent
Il devait se priver, c'est très dur parfois.
Les ouvriers français, la main sur le balai
Le regardaient œuvrer : " il n'est pas fainéant
Comme tous ces "bronzés" vivant à nos crochets !"
La scène décrite est antérieure à 1954, date du début de la guerre d'Algérie,
En premier lieu, il n'y avait pas d'immigration à proprement parler puisque les algériens étaient officiellement français ( avec la qualification de français musulmans d'Algerie). Entre 1946 et 1954, le nombre de ces français musulmans installés en France est multiplié par 10, leur venue semble encore susciter débat :
- pour les uns , cette émigration s'explique par des causes inhérentes à l'Algérie elle-même : l'augmentation très forte de la population eu égard aux ressources de la colonie à mettre à disposition des autochtones ; pour des raisons de paix sociale, l'administration coloniale encouragea l'immigration des hommes en France tandis que la famille restait en Algérie. Pour les tenants de cette théorie, la métropole n'avait pas besoin de cette main d'œuvre sans qualification (selon la sociologue Andrée Michel, 50 % de ceux qui travaillent dans les grandes entreprises sidérurgiques du pays ne savent ni lire ni écrire ; près de 40 % ne parlent pas le français) , on était à l'époque de la reconstruction du pays et on recherchaient surtout des gens qualifiés,
- Pour les autres, on peut facilement retourner l'argument : la reconstruction du pays occupait largement la main d'oeuvre qualifiée disponible de la métropole. C'était à ce point que l'on manquait de manœuvres pour les travaux ne nécessitant pas de qualification, ce qui conduisit à l'appel de main d'œuvre venue des colonies. En outre, les chefs d'entreprise savaient que ces ouvriers , peu exigeants sur le plan salarial et peu impliqués dans les mouvements sociaux, pouvaient être licenciés facilement, ce qui donnait une certaine souplesse au marché du travail du moment.
Il me semble que ces deux positions ne sont pas inconciliables ; je me bornerai à ajouter que la faiblesse des ressources de l'Algérie à mettre à disposition des Français Musulmans d'Algérie était surtout due au système colonial qui faisait en sorte que toutes les richesses des colonies profitent à la métropole et non l'inverse.
Pour finir, je citerai une partie d'un article paru sur le site de la LIGUE DES DROITS DE L'HOMME DE TOULON : " Dans l’une des toutes premières thèses de sociologie consacrée aux travailleurs algériens en France, Andrée Michel décrit les « camps d’Algériens » installés sur les chantiers éloignés des cités ouvrières européennes ou isolés en pleine campagne, parfois entourés de fils de fer barbelés. De véritables petits villages de 500 à 1 000 Algériens sont ainsi concentrés sur des espaces de relégation, surveillés jour et nuit. Les autres émigrants algériens vivent dans des garnis et des hôtels meublés surpeuplés, souvent insalubres. Beaucoup sont parqués dans les premiers « bidonvilles » qui se forment entre 1950 et 1955. Lors du fameux hiver 1954, qui a fait la célébrité de l’abbé Pierre, on constate que sur 1 677 sans abris, 67 % sont algériens. Andrée Michel ajoute que sur dix accidents du travail dans la sidérurgie de l’Est, la moitié des victimes sont des émigrants d’Afrique du Nord, alors qu’ils ne forment que 20 % de la main-d’oeuvre. "
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