Il y a d'abord, selon moi, un argument qui est contestable : celui qui rend l'art dépendant de la société capitaliste : la valeur intrinsèque d'une oeuvre d'art ne se définit pas par les sommes atteintes lors des ventes aux enchères : la créativité artistique s'est toujours effectuée dans notre pays en réaction contre l'art académique ambiant : au 19ème siècle, alors que Bougereau était un artiste reconnu par tous, naquit le réalisme et l'impressionnisme qui furent tant décriés qu'ils n'avaient alors sur le marché aucune valeur. Il en fut de même pour le cubisme, le nouveau roman, le nouveau théâtre...
Tout aussi contestable est l'affirmation que l'art français est devenu médiocre á force d'être subventionné : en fait obtenir une subvention de l'Etat est sans doute aussi difficile que recevoir la caution des sociétés capitalistes.
Pourtant, Donald Morrison analyse parfaitement la situation de la culture française lorsqu'il dit que son déclin provient des mentalités françaises elles- mêmes :
Autrefois, explique t'il, la renommée de la littérature française tenait au fait que les auteurs développaient des valeurs universalistes qui transcendaient le tempérament français pour modeler l'ensemble de l'humanité á ces valeurs : " Les précédentes générations d'écrivains français - de Molière, Hugo, Balzac et Flaubert à Proust, Sartre, Camus et Malraux – ne manquaient effectivement pas d'une audience internationale."
Pour M Morrison, cette vision universaliste n'existe plus : il utilise des qualificatifs assez durs pour témoigner de l'évolution survenue : intellectualisme, abstraction, introspection, autofiction, art de la palabre... Ces termes définissent une culture aux antipodes de l'universalisme prôné autrefois par la culture française il en résulte une culture intellectualisée á l'extrême se caractérisant soit par l'abstraction soit par l'intimisme cérébral et introspectif, on a l'impression que cet art s'enferme dans une spirale qui se coupe de plus en plus du réel. Dans cette perspective, la culture française n'est plus que le fait d'une infime minorité exprimant ses états d'âme, sombrant dans un verbiage ennuyeux et souvent inaccessible á la traduction, ce que M Morrison appelle le fardeau de la palabre. Selon lui, cette évolution s'est produit en littérature avec, entre autre, l'apparition du nouveau roman.
En effet se dégagent trois strates sociales pour lesquelles on peut noter de profondes différences en ce qui concerne leurs perceptions de la culture :
. Il y a d'abord une étroite coterie de gens cultivés (ou se prétendant tels) qui orientent l'art et la culture vers toujours plus d'abstraction, d'hermétisme et d'ésotérisme et qui, de ce fait, se coupent non seulement des autres français mais aussi du reste du monde, ce sont eux dont parle M Morrison dans son article.
. De l'autre côté se trouve une majorité de gens qui se détourne de toutes les traditions culturelles françaises pour se complaire dans un américanisme partiel, superficiel et mal compris en n'en percevant que ce qui en est le plus discutable.
. Entre les deux existe une frange plus ou moins importante de gens qui se passionne pour toutes les formes d'art et de culture, critiquant l'intellectualisme des premiers et la médiocrité des autres.
Ces trois catégories méritent qu'on s'y intéresse afin de mieux mesurer le degré de déclin de la culture française.
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