Madame R est ressentie dans le bourg comme une grande bourgeoise hautaine et prétentieuse. Beaucoup furent surpris de la voir au supermarché local ramasser de la nourriture pour les "resto du cœur" : à ceux qui s'étonnèrent, elle expliqua que, non seulement elle participait aux quêtes, mais aussi qu'elle servait les pauvres dans le local de l'association et que c'était normal de donner de son temps et de s'entraider.
Le jeune S a 11 ans, il rêve d'être jeune pompier volontaire, ses frères et son père y ont été et il lui semble naturel de faire comme eux. : " Ce que je veux, dit-il, c'est porter secours aux autres, la première fois que je verrai un mort dans un accident de la route, je sais que ce sera dur pour moi, mais je tiendrai le coup, il faudra bien que j'assume". Je le félicitai de son courage. Je viens de le revoir en photo sur le calendrier annuel des pompiers, il avait accompli son rêve.
Madame T a une voisine âgée avec qui elle avait sympathisé, chacun se rendant de menus services. Cette voisine, en vieillissant, devint de plus en plus exigeante, il fallut l'emmener chez le médecin, l'attendre, aller lui chercher les médicaments, lui faire ses courses... cela était pesant et assez difficile à gérer, pourtant Madame T continua jusqu'au bout à assumer ces divers services avec le sourire.
Madame U a accepté de prendre bénévolement la comptabilité d'une association gérant une structure privée. Au début, ce ne fut que quelques heures par semaine, puis Madame U s'aperçut que cela ne suffisait pas, elle passa tous les jours au siège de l'association, puis amena du travail à la maison. Plus elle en faisait, plus il y en avait à faire, plus aussi les critiques pleuvaient à l'encontre de sa gestion pourtant bénévole : " vous n'avez pas réglé ce problème", " pourquoi prendre cette décision ? On n'est pas d'accord.. " . Quand madame U démissionna, las de toutes ces contrariétés, personne ne la remercia. Je fus très étonné qu'elle ne manifeste aucun ressentiment à l'encontre de ceux qui l'avaient souvent poussée à bout.
Le bon curé V respirait la bonté par tous les pores de sa peau. Il portait une soutane si élimée que ses paroissiens décidèrent de se cotiser pour lui en offrir une nouvelle, ils lui portèrent l'argent, le curé V s'empressa de distribuer cet argent aux indigents et il continua à porter sa vieille soutane. Quelques années plus tard, las de voir leur curé porter secours et réconfort à vélo, qu'il neige ou qu'il vente, les mêmes paroissiens organisèrent une kermesse pour rassembler l'argent nécessaire à l'achat d'une 2cv d'occasion, le curé V ne s'en servit que rarement car la voiture était toujours prêtée à qui en avait besoin, il continua donc de circuler à vélo. Tout ce qu'il accomplissait n'était pas de la simple charité évangélique, c'était plutôt la manifestation d'une bonté naturelle et spontanée.
Lorsqu'il faut vendre les "brioches de l'amitié", on sollicite toujours monsieur W pour faire du porte à porte car on sait qu'il est est connu dans le bourg et qu'il risque, moins que les autres, de se faire mal recevoir. Il déteste cela, pourtant il accomplit cette tâche de grand cœur car il faut bien que quelqu'un se dévoue pour le faire.
Depuis la mort de sa mère, Monsieur X, passe tous les jours en sortant de son travail chez son père à la fois pour égayer sa solitude et lui faire oublier un instant son chagrin, il lui fait aussi ses courses et accomplit les menues tâches que son père ne peut plus effectuer, il ne rentre chez lui qu'à la nuit tombée et n'a plus guère de loisirs. Il en sera ainsi tant que son père sera en vie.
Le jeune Y, collégien de 6eme fait partie d'un club de solidarité envers les pays pauvres. Le club fait paraître un journal qu'il vend par l'intermédiaire des commerçants de la ville et organise une exposition annuelle afin de sensibiliser les habitants du lieu aux problèmes du Tiers-monde. Le club a gagné assez d'argent pour acheter trois lampes solaires afin d'équiper une école primaire au Mali, de permettre de créer de nouveaux cours en soirée et donc d'éduquer plus d'enfants.
La maison de Monsieur et Madame Z est devenue la "maison du Bon Dieu" lorsqu'elle accueillit une grande partie de leur famille rapatriée d'Algérie , Monsieur et Madame Z cédèrent même leur chambre pour l' héberger : Madame Z couchait sur un lit pliant à la salle à manger, monsieur Z dormait sur un lit de camping à la cuisine ; quant aux enfants, ils se partageaient les lits qui restaient. Cette situation dura pendant une longue période mais la famille Z ne s'en plaignît jamais même si cette promiscuité leur sembla souvent difficilement supportable.
Tous ces cas sont réels et proviennent de mon entourage immédiat. Ils me permettent de ressentir nettement le dualisme de la nature ontologique de l'homme dans la société actuelle avec, d'une part une attitude de compassion et de solidarité envers les autres et d'autre part, un individualisme égoïste orienté vers l'instinct de possession.
Deux possibilités peuvent alors expliquer ce dualisme :
. Soit il existe des différences naturelles entre le "bon" d'une part, "la brute et le truand" d'autre part,
. Soit qu'il existe en chacun de nous les deux sentiments qui se manifestent selon les circonstances avec une nette différenciation entre l'être humain réel et l'être humain social.
Je penche évidemment pour la seconde possibilité et suis convaincu que l'antagonisme "Ange-Démon" provient un peu de la nature réelle de l'homme et beaucoup d'une société qui possède une propre logique d'évolution s'effectuant indépendamment et au détriment de la quasi-totalité des êtres humains dans leur quotidienneté.
Il reste à le montrer ...
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