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mardi 24 juin 2014

La coexistence du RÈGNE DE LA MORT et de l'HUMANISME DU QUATTROCENTO au  XVe SIÈCLE (2) 

QUELQUES ÉLÉMENTS DE LA PENSÉE DE L'ACADEMIE PLATONICIENNE DE FLORENCE. 

Il n'est pas question ici de reprendre les théories de Marcile Ficin et des penseurs de l'école platonicienne de Florence, mais plutôt d'en monter les implications possibles dans les mentalités et dans l'art.

En premier lieu, il apparaît nettement que l'école platonicienne est plus  influencée par le néoplatonisme de Plotin  et par sa traduction chrétienne que par les théories de Platon lui-même (1) :

   . Pour Platon, il existe un dualisme entre le monde parfait des Idées et le monde sensible imparfait : les humains n'ont spontanément aucune idée de la splendeur et de la perfection des Idées ; dans le  monde sensible, elles ne sont en effet  que de pâles reflets de leur réalité. Pour expliquer sa théorie, Platon avait eu recours à la métaphore de la caverne : dans une caverne, on ne voit que le reflet de la lumière parvenue par les interstices de la paroi rocheuse ;  par contre, si on sort de la grotte on peut voir la puissance, la splendeur et la perfection de la lumière. De la même manière qu'il est possible de sortir de la caverne, Platon pense que l'homme est capable d'accéder au monde des Idées.

   . Pour Plotin,(1), le grand problème fut celui de la structuration du monde platonicien des Idées et de la necessité d'un principe de coordination : cela le conduisit  à penser qu'il existait un "Un" en tant que principe suprême avec une organisation ternaire :
     . Le Un totalement transcendant,
     . Le  monde intelligible lui-même décomposé en deux parties,
          . l'intelligence qui procède du UN et  correspond au monde des idées platonicien,
          . l'âme qui a son principe dans l'Intelligence et est le principe du monde sensible.
     . Le monde sensible des humains associant un corps mortel et une âme immortelle.

   . les penseurs chrétiens (2) ont reconnu dans les principes de Plotin le facteur chrétien d'organisation en établissant une hiérarchie semblable : Dieu, les anges, les âmes immortelles et les humains. Mais ils y ont ajouté deux correctifs :
     . L'imperfection de l'âme du fait du péché originel,
     . L'incapacité de l'âme humaine à accéder à l'abstraction ex-nihilo comme peuvent le faire les anges, l'âme humaine ne peut y parvenir que par les perceptions et sensations émanant de son enveloppe corporelle,

C'est au niveau de ces dernières considérations que se placent les théories de Marcile Ficin et de l'école platonicienne fondée à Florence : l'âme immortelle n'est plus considérée comme une âme imparfaite située à la base de la hiérarchie menant à Dieu ; elle est vue comme ayant été créé à l'image de Dieu , elle est capable non seulement de saisir l'intelligibilité des choses mais aussi d'agir et de créer cet intelligible : Dieu crée par un acte de sa volonté ses propres Idées, l'homme dispose du même pouvoir de créer. Si l'homme disposait des mêmes matières qui avaient permis à Dieu de créer le monde, il aurait été capable de le faire aussi  avec la même perfection. Dans cette perspective, " la puissance de l'homme est donc presque semblable à la nature divine puisque par lui-même, c'est à dire par sa réflexion et son habileté, l'homme s'efforce d'imiter chacune des œuvres d'une nature plus élevée". (Marcile Ficin)

Ces idées qui traduisent la haute estime dans laquelle on tient l'homme, dépassent même les théories de Platon puisque, chez ce philosophe, l'âme se pervertit dans le monde sensible à tel point que l'homme oublie toutes les connaissances qu'elle possédait en tant qu'Idée et qu'il doit effectuer un effort pour les retrouver ( la maïeutique, l'art de l'accouchement).

Pour les platoniciens florentins par contre, l'âme humaine peut avoir directement accès aux Idées.

En effet, chez les artistes du QUATTROCENTO, l'idée de "beau" n'est pas dans la nature qui reste imparfaite mais elle est dans une vision intérieure, une lumière qui descend mystérieusement et s'intègre à la création artistique  :   Léonard de Vinci s'exprime ainsi à ce propos  : " le caractère divin de la peinture fait que l'esprit du peintre se transforme en une image de l'esprit de Dieu car il s'adonne avec une libre puissance à la création... " : l'homme est capable de créer à partir de cette lumière qui vient en lui, il est capable de transcender le réel puisqu'il peut retrouver l'essence même de ce réel. Dans le même ordre d'idée, Pic de la Mirandole, un autre membre de l'académie, écrit " les miracles de l'esprit sont plus grands que le ciel. Il n'est rien de plus grand sur terre que l'homme, rien de plus grand dans l'homme que son esprit et son âme. En t'élevant jusqu'à eux, tu t'élèves au-dessus du ciel".

Cette idée de vision intérieure de l'artiste le reliant au monde des Idées, s'applique non seulement à la représentation formelle de la plastique corporelle, mais elle permet aussi de faire apparaître l'expressivité de l'âme : une œuvre d'art constitue un tout, elle exprime une forme mais aussi une âme.

L'IMPACT DES THÉORIES HUMANISTES SUR L'ART DU QUATTROCENTO

il convient d'abord d'effectuer une remarque liminaire : L'oeuvre de Marcile Ficin n'est en aucun cas un traité de l'esthétisme, elle est essentiellement à connotation philosophique. Pourtant, elle eut le mérite de donner une justification et une caution métaphysique à toutes les recherches et réalisations qui étaient effectuées à cette époque en Italie.

Elle permit par exemple de justifier métaphysiquement :
     .  l'utilisation du  pythagorisme qui, par l'utilisation des nombres et des rapports mathématiques de proportionnalité,  permet de corriger l'imperfection de la nature et de retrouver la perfection des Idées du Beau et de l'Harmonie platonicienne. Le pythagorisme était utilisé à l'époque par tous les grands artistes florentins : Alberti à qui on doit, entre autre, la théorie sur la perspective, Bruneschelli qui dessine et dirige la construction de la coupole de sainte Marie des Fleurs entre 1420 et 1436. Léonard de Vinci avec son dessin de l'homme de Vitruve...
      . L'hylémorphisme aristotélicien dont Michel-Ange est un des tenants,
      . L'imitation par les artistes du Quattrocento des oeuvres d'art découvertes lors des travaux d'embellissement de Rome par la papauté ; l'académie platonicienne donna un sens à cette imitation puisqu'elle a retrouvé les concepts philosophiques qui présidaient à la conception et à la réalisation de l'oeuvre d'art de l'antiquité  greco-romaine.

Ainsi, l'Italie du Quattrocento créé une vision diamétralement opposée à celle qui existait dans le reste de l'Europe : elle érige l'homme  presque à l'égal de Dieu alors que dans le reste de l'Europe,  l'homme perverti par ses péchés,  se  ressentait abandonné de Dieu et voué à la mort puis à l'enfer.

Ce dualisme est particulièrement frappant lorsque l'on compare une pietà du "règne de la Mort" à celle de Michel Ange, ce sera l'objet des derniers articles de cette série consacrée aux XIVe et XVe siècles.

NOTE
1. Voir l'article sur Platon et saint Augustin dans LES GRANDS CONCEPTS DE LA CHRÉTIENTÉ MÉDIÉVALE
2. Voir l'article sur Aristote et saint Thomas d'Aquin dans LES GRANDS CONCEPTS DE LA CHRÉTIENTÉ MÉDIÉVALE
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