REMARQUE
. Tous les articles de ce blog ont été rédigés par moi-même sans emprunt littéral à d'autres auteurs, ils sont le fruit d'une documentation personnelle amassée au cours des ans et présentent ma propre vision des choses. Après tout, mon avis en vaut bien d'autres.
. Toutes les citations de mes articles proviennent de recherches sur les sites gratuits sur Internet



Mon blog étant difficilement trouvable par simple recherche sur internet, voici son adresse : jeanpierrefabricius.blogspot.com

vendredi 27 juin 2014

La coexistence du RÈGNE DE LA MORT et de l'HUMANISME DU QUATTROCENTO au  XVe SIÈCLE (5) la PIETA BANDINI de Michel Ange

Les deux pietàs dite Bandini, conservée au Duomo de Florence et Rondanini exposée au plais Sforza de Milan sont  toutes les deux des œuvres de vieillesse de Michel-Ange et sont inachevées, l'une parce qu'elle a été rejetée par l'artiste qui voulut la détruire, l'autre parce que la mort de l'artiste empêcha sa finition. Elles sont intéressantes en ce sens qu'elles témoignent de l'état d'esprit de Michel Ange dans la dernière partie de son oeuvre et de sa vie.

À cette époque, Michel Ange avait renié son passé de démiurge et pensait que l'artiste n'oeuvrait que par la grâce de Dieu qui lui révélait, par une vision, l'oeuvre à accomplir et guidait sa main afin qu'il puisse dégager du bloc de pierre la statue qu'il contenait en puissance. Dans cette perspective, les dernières sculptures de Michel Ange témoignent de sa piété avec un art spiritualisé et quasiment mystique.

La question qui se pose alors est de savoir comment cette profonde religiosité de l'artiste va s'exprimer. Les deux Pietàs de Florence et de Milan sont révélatrices de deux conceptions diamétralement opposées. L'une, celle de la PIETÀ BANDINI sera rejeté, l'autre, celle de la PIETÀ RONDANINI qui,  même inachevée, témoignera de l'évolution mentale survenue chez Michel Ange au moment de sa mort.

La PIETÀ dite BANDINI de FLORENCE, date de 1555. Michel Ange avait alors 75 ans. Cette Pietà, selon ce que j'ai pu en lire, ne correspondait pas à une commande mais était une œuvre personnelle que l'artiste aurait sculptée pour son propre tombeau. Dans cette perspective, il se serait représenté lui-même sous l'aspect du personnage se trouvant dans la partie supérieure de la pietà et qui figure soit Joseph d'Arimathie, soit plus sûrement Nicodème.

Cette sculpture aurait détruite si un des serviteurs de Michel Ange ne l'avait pas demandée pour lui-même. La Pietà fut ensuite restaurée par un disciple du maître, Calcagni, qui la répara et la termina en ajoutant le personnage de Marie Madeleine afin d'équilibrer la composition pour lui donner une forme triangulaire. Le visage de Marie Madeleine est très différent du style des visages tourmentés de Michel Ange et on peut reconnaître immédiatement qu'il s'agit d'un ajout.

Le Christ mort est la figure centrale de cette sculpture, on y retrouve les caractéristiques des sculptures du "règne de la mort", tant des pietàs que des mises au tombeau ; ces caractéristiques sont d'autant plus mises en valeur que Michel Ange  construit son œuvre en lui donnant l'amplitude du mouvement : sans le soutien que lui prodigue Nicodème et la Vierge Marie, le corps de Jésus tomberait lourdement sur le sol.

Le corps de Jésus est représenté en tant que cadavre, il montre une torsion exacerbé qui ne peut appartenir qu'à un mort, la tête serait violemment rejetée en arrière si elle n'était pas soutenue par le visage de la Vierge Marie, le bras gauche est quasiment désarticulé, la seule jambe représentée est décharnée et ployée à l'extrême (1) le visage est marqué par la mort.

Tout dans ce Christ rappelle les poncifs du règne de la mort. De même, la Vierge Marie est représentée sous les traits d'une femme âgée, ce qui établit un contraste frappant avec la Pietà de 1499.

Il reste à rendre compte de cette évolution : on peut en donner deux explications :

L'une est propre à Michel Ange lui-même qui, à la peur de ne pas être capable de figurer dans sa sculpture les desseins de Dieu, s'ajoute l'angoisse de sa mort prochaine et la crainte d'avoir voulu, par ses prétentions de jeunesse, défier Dieu.

À cette impression personnelle de l'artiste devait s'ajouter des considérations concernant l'ambiance de l'époque : le XVIe siècle est tout autant que les précédents, un siècle de violence, de guerres, de famines, de misères et d'épidémies. En outre, se produisit ce terrible déchirement de la chrétienté entre catholiques et protestants dont les positions devinrent si antagonistes qu'elles ne pouvaient conduire qu'à de nouvelles guerres ; il est, à cet égard, symptomatique que cette pietà ait été sculptée au moment de l'abdication de Charles Quint, découragé dans son échec d'unification du monde chrétien.

Ainsi, le splendide optimisme du Quattrocento semble avoir disparu pour laisser la place soit à un maniérisme dans laquelle toute préoccupation philosophique semble avoir disparu, soit à un retour du "règne de la mort".

Dans de telles conditions, la pietà BANDINI reflète les mêmes affres et souffrances mentales que des œuvres telles que le TRIOMPHE DE LA MORT de Pieter Brughel : l'idée du Christ ayant abandonné le monde pour le livrer au diable et à ses acolytes.

Pourtant, Michel Ange reniera cette œuvre et tentera même de la détruire. Comme toujours les raisons en sont ambivalentes :
   . On peut d'abord penser à une maladresse technique de l'artiste, en particulier au niveau de la jambe du Christ,
   . Il se peut aussi que Michel Ange ait ressenti que cette œuvre n'était pas conforme à la vision intérieure par laquelle se transmettait le dessein de Dieu,
   . Peut-être également que sa propre représentation dans la pietà, si elle était avérée, lui sembla sacrilège.

Pour moi, c'est la deuxième explication qui me semble dominer au vu de la dernière Pietà dite Rondanini du château Sforza de Milan.

NOTE
1- le Christ ne possède dans cette pietà qu'une seule jambe, l'autre aurait été détruite par Michel-Ange lui-même dans sa rage de faire disparaître cette œuvre, il se peut aussi qu'elle n'ait pas été sculptée a cause d'une erreur de proportion ou volontairement non dégagée de la matière.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire