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mardi 3 juin 2014

LE RÈGNE DE LA MORT : XIVe et XVe SIÈCLES (2) : prologue

L'abaissement du pouvoir impérial après 1250 puis le déclin du pouvoir de la papauté survenu pendant la deuxième moitié du 14e siècle jusqu'au début du 15e siècle, furent suivis de celui du pouvoir royal en France (GUERRE DE CENT ANS) puis en Angleterre (GUERRE DES DEUX ROSES 1455-1485 (1)

Dans le royaume de France, cet abaissement eut pour cause à l'origine une querelle de succession après la mort successive des trois fils de Philippe le bel : en 1328, après la mort de Charles IV, outre le roi de Navarre, deux princes revendiquèrent la succession : Philippe de Valois, neveu du roi Philippe le Bel  et le roi d'Angleterre Édouard III, son petit-fils. Ce dernier  fut écarté au nom de la loi salique, une loi franque que l'on retrouva fort à propos pour cela.

La guerre ne survint cependant pas  directement de ce fait mais de conflits à propos des fiefs possédés par le roi d'Angleterre en France (dont la riche Aquitaine) ce qui amena Édouard III à débarquer en France en 1346.

Je ne décrirai pas ici les événements mais en indiquerai seulement les principales caractéristiques :
   . Il n'y eut, pendant ces années de guerre, que quelques rares batailles rangées, toutes perdues par le roi de France,  (Crecy en1346, Poitiers en 1356, Azincourt en 1415). Le reste du conflit fut marqué par des ravages des soldats (dont ceux des grandes compagnies) et par des guerres de sièges des châteaux et des villes, ce qui amena une grande misère dans tous le royaume.
   . La capture du roi Jean II le bon, la folie de Charles VI encouragèrent les féodaux du royaume à des révoltes qui devinrent même des guerres civiles (guerre des Armagnacs et des Bourguignons), ravageant également le pays, ce qui conduisit à des révoltes des paysans, les jacqueries, ainsi que des mouvements communaux dans les villes. (2)
  . À cela s'ajoutèrent les hécatombes de la Peste Noire.

La PESTE NOIRE fut l'événement qui marqua le plus les mentalités des hommes des XIVe et XVe siècle. Pour comprendre cet impact, il convient de citer un texte de Jean de Venette tiré de ses "chroniques latines"

L’an du Seigneur 1348, le peuple de France et pour ainsi dire du monde entier fut frappé par une autre calamité que la guerre. En effet à la famine et à la guerre qui existaient déjà vinrent s’ajouter dans les diverses parties du monde les épidémies et les tribulations. Cette année-là, 1348, au mois d'août, on vit au-dessus de Paris une étoile, dans la direction de l'Ouest, très grande et très claire, après l'heure de vêpres, et alors que le soleil n'était pas encore couché... La nuit venant, cette grosse étoile éclata en rayons qu'elle projeta sur Paris et vers l'Orient, avant de se désintégrer totalement... II est possible que ce fût le présage de la pestilence qui allait venir, pestilence qui tôt après s'ensuivit, à Paris et par toute la France.

Cette année-là, à Paris, et dans le royaume de France et non moins - dit-on - dans le reste du monde, et aussi l'année suivante, il y eut une si grande mortalité d'êtres humains des deux sexes, et davantage des jeunes que des vieux, qu'à peine les pouvait-on ensevelir. Ils n'étaient malades que deux ou trois jours, puis mouraient tout d'un coup, comme encore en bonne santé ; et tel qui aujourd'hui était en bonne santé était mort le lendemain, et porté en fosse. II leur venait soudain des bosses sous les aisselles et à l'aine, dont l'apparition était l'annonce infaillible de la mort.

On disait que cette pestilence venait d'une infection de l'air et des eaux, car en ce temps il n'avait ni famine ni pénurie de vivres, au contraire. On en rendit responsables les Juifs qu'on accusa d'avoir infecté puits et cours d'eau, et d'avoir corrompu l'air. La cruauté du monde se déchaîna contre eux si bien qu'en Allemagne et ailleurs où vivaient les Juifs, ils furent massacrés et occis par les chrétiens et brûlés un peu partout, par milliers.

Le monde n’est pas sorti amélioré. Car les hommes furent après encore plus cupides et avares, car ils désiraient posséder bien plus qu’auparavant ; devenus plus cupides, ils perdaient le repos dans les disputes, les brigues, les querelles et les procès.  Le terrible fléau infligé par Dieu ne fit pas naître non plus la paix entre les rois et les seigneurs ; au contraire les ennemis du roi de France et de l’Église les attaquèrent par terre et par mer plus vigoureusement et plus méchamment qu’auparavant, et de plus grands malheurs encore pullulèrent.


Ce long texte décrit la chronologie telle que la vécurent les contemporains :
   . Dieu annonce aux hommes par des prodiges dans le ciel qu'ils commettent trop de péchés et que s'ils ne se repentent pas, il se détournera du monde des humains et le livrera au Diable.
   . La peste est donc ressentie comme une punition infligée aux hommes, un texte de Grégoire de Tours datant du VIe siècle décrit la peste comme suit : " la mort était subite car il se produisait à l'aine ou à l'aisselle une blessure à la manière d'une morsure de serpent et on était frappé à mort par ce poison en sorte qu'on rendait l'âme le lendemain ou le troisième jour" ; quand on sait que le serpent évoque le diable, on comprend mieux la signification de cette peste.
   . La persécution des juifs est à mettre en rapport avec une idée courante à cette époque : les juifs sont responsables de la mort de Jésus, (cette représentation du Christ mort sera un thème iconographique caractéristique de l'art du  XVe siècle.)
   . La peste n'a pas guéri les hommes qui se montrèrent aussi cruels qu'auparavant, ce qui amenait à penser que de tels fléaux se reproduiraient inéluctablement.

À tous ces événements s'en ajouta un autre d'une grande importance, l'IRRESISTIBLE AVANCE DES TURCS OTTOMANS. Ceux-ci après avoir envahi les Balkans et la Grèce, se sont emparé de Constantinople en 1453, ont détruit l'empire byzantin et remplacé la croix chrétienne par le croissant de l'Islam (3)

En 1459, le pape Pie II prononce ce discours pour susciter l'organisation de nouvelles croisades :
" Nous nous faisons la guerre entre nous et nous laissons les Turcs libres d'agir à leur guise. Pour les motifs les plus futiles, les chrétiens courent aux armes et se livrent de sanglantes batailles et quand il s'agit de combattre les Turcs qui jettent le blasphème à la face de notre Dieu, qui détruisent nos églises, qui ne veulent rien moins qu'anéantir le nom chrétien, personne ne consent seulement à lever la main. En vérité, tous les chrétiens de nos jours se sont dérobés, tous sont devenus des serviteurs inutiles. "

Rien ne sera cependant fait pour endiguer cette avance qui pour beaucoup était un autre fléau envoyé par Dieu pour punir les hommes. C'est ce que prétendit plus tard Luther en disant : " le turc est le peuple de la colère de Dieu"

Ainsi, la fin du Moyen-âge constitue une époque troublée pendant laquelle semblent disparaître tous les facteurs d'ordre d'autrefois : Papauté et Empire abaissés, royaumes ravagés par la guerre, épidémies...

Pour les gens de cette époque, tous ces événements sont liés au fait que Dieu a abandonné le monde et l'a livré au diable et à la Mort. Pour le montrer, je me propose de décrire quelques œuvres d'art :
   . La peste noire à Tournai    . Les Pietà
   . Les Mises au Sépulcre
   . Une Danse macabre
   . La mort en action et le Char de la mort
   . Les tortures de l'enfer d'après les surprenantes œuvres de Jérôme Bosch.
   . La nef des fous
   . Les flagellants

NOTES
1-la GUERRE DES DEUX ROSES opposa les descendants de trois des fils d'Edouard III :
   . Richard II petit-fils d'Edouard III,
   . Les descendants de Jean de Gand, duc de Lancastre fils d'Edouard III dont fit parti Henri V le vainqueur d'Azincourt et Henri VI couronné roi de France et d'Angleterre..
   . Les descendants d'Edmond de Lengley autre fils d'Edouard III, duc d'York.
Finalement c'est un descendant des Lancastre qui l'emporta, Henri VII, en fondant la dynastie des Tudor.

2-Les guerres entre la royauté et les grands féodaux se poursuivirent bien après 1453, date officielle de la fin de la guerre, puisque la dernière bataille se déroula avec la mort du duc de Bourgogne à Nancy en 1477

3- à remarquer que parallèlement à l'expansion turque en Europe orientale, se produit la reconquête chrétienne en Espagne : le dernier royaume musulman, celui de Grenade disparaît en 1492
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