REMARQUE
. Tous les articles de ce blog ont été rédigés par moi-même sans emprunt littéral à d'autres auteurs, ils sont le fruit d'une documentation personnelle amassée au cours des ans et présentent ma propre vision des choses. Après tout, mon avis en vaut bien d'autres.
. Toutes les citations de mes articles proviennent de recherches sur les sites gratuits sur Internet



Mon blog étant difficilement trouvable par simple recherche sur internet, voici son adresse : jeanpierrefabricius.blogspot.com

mercredi 18 juin 2014

LE RÈGNE DE LA MORT aux  XIVe et XVe SIÈCLES (15) : Comment réagir ? Les enseignements du Decameron de Boccace

Le Decameron de Boccace, écrit entre 1350 et 1354, raconte l'histoire de sept femmes et de trois hommes qui fuirent Florence afin d'échapper à la peste survenue dans cette ville en 1348 et vécurent ensemble en vase-clos pendant dix jours  ; chaque participant devait raconter un récit par jour à la compagnie, cela fait que le Decameron comporte 100 nouvelles en tout. 

Pour mon propos, la partie la plus intéressante est contenue dans la première journée qui explique la situation de Florence au moment où sévit la peste et montre les divers comportements des gens de la ville.

La première idée transparaissant dans tout ce récit est celle du "CHACUN POUR SOI", de l'exacerbation de l'égoïsme et de la disparition de tout sentiment de compassion et de charité.

Ce comportement apparaît dans le texte de multiple façon : Dès que le symptôme de la peste apparaît chez quelqu'un, on le fuit sans aucun geste de sympathie ni de réconfort, le malade reste seul dans sa maison désertée, abandonné de tous ; dans de telles circonstances, les liens familiaux disparaissent : "une telle épouvante était entrée dans les cœurs, aussi bien chez les hommes que chez les femmes, que le frère abandonnait son frère, l’oncle son neveu, la sœur son frère, et souvent la femme son mari. Et, chose plus forte et presque incroyable, les pères et les mères refusaient de voir et de soigner leurs enfants, comme si ceux-ci ne leur eussent point appartenu" 

De même tout les liens sociaux disparaissent : " Outre que les citadins s’évitaient les uns les autres, que les voisins n’avaient aucun soin de leur voisin, les parents ne se visitaient jamais, ou ne se voyaient que rarement et seulement de loin." on évite les autres et on se renferme sur soi, sans aucun souci pour les autres.

En ce qui concerne les morts, on n'a pour eux aucun regret, ni même de respect : on ne se préoccupe des voisins malades que quand la puanteur dégagée du pourrissement de leur cadavre est telle que ce n'est plus supportable ; alors, on se borne à prendre le mort et à le poser au bord du chemin pour que la charrette les ramasse ; ensuite, les corps sont, pour la plupart, conduits sans aucune prière ni sans parents vers les fosses improvisées où on les jetaient :  " Ils étaient peu nombreux, ceux dont les corps étaient accompagnés à l’église de plus de dix ou douze de leur voisins ; encore ces voisins n’étaient-ils pas des citoyens honorables et estimés, mais une manière de croquemorts, provenant du bas peuple, et qui se faisaient appeler fossoyeurs. Payés pour de pareils services, il s’emparaient du cercueil, et, à pas pressés, le portaient non pas à l’église que le défunt avait choisie avant sa mort, mais à la plus voisine, le plus souvent derrière quatre ou cinq prêtres et quelquefois sans aucun. Ceux-ci, avec l’aide des fossoyeurs, sans se fatiguer à trop long ou trop solennel office, mettaient le corps dans la première sépulture inoccupée qu’il trouvaient." Plus loin, Boccace indique que ces morts étaient enterrés comme s'ils étaient de simples animaux : "les choses en étaient venues à ce point qu’on ne se souciait pas plus des hommes qu’on ne soucierait à cette heure d’humbles chèvres"

La deuxième caractéristique est la DISPARITION DE TOUTE RÈGLE DE VIE SOCIALE, de toute autorité et de toute mise en application des lois : ceux qui étaient chargés d'édicter les règlements et de les faire appliquer sont morts, restent chez eux ou ont fuit la ville ; désormais , il n'y a plus de gens susceptibles  d'imposer le respect des lois : en conséquence, la seule loi existante devient celle de la rue : " l’autorité révérée des lois, tant divines qu’humaines, était comme tombée et abandonnée par les ministres et les propres exécuteurs de ces lois, lesquels, comme les autres citoyens, étaient tous, ou morts, ou malades, ou si privés de famille, qu’ils ne pouvaient remplir aucun office ; pour quoi, il était licite à chacun de faire tout ce qu’il lui plaisait.".

Dans un tel contexte, la loi de la rue se mua vite en loi de la jungle : " nous voyons ceux que, pour leurs méfaits, l’autorité des lois publiques a jadis condamnés à l’exil, se rire de ces lois, pour ce qu’ils sentent que les exécuteurs sont morts ou malades, et courir par la ville où ils commettent toutes sortes de violences et de crimes" 

À SUIVRE

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire