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dimanche 6 avril 2014

PRINCEPS ET GÉNÉRIQUES (4) : le principe actif

Le principe actif est la substance qui agit contre la maladie. Décrire cette substance est d'une grande complexité puisqu'il faut faire appel à des notions complexes de chimie organique, ce qui n'est pas mon but. 

Pour permettre néanmoins de comprendre son rôle, je me propose de prendre deux exemples  parfaitement évocateurs  de la méthodologie employée pour la création de la substance active, celui de l'aspirine et de l'insuline avant de déterminer une classification schématique des principaux principes actifs

1/ l'ASPIRINE. 
La PHASE EMPIRIQUE
L'utilisation de la feuille et de l'écorce de saule remonte à la plus haute antiquité, on en trouve mention en Égypte pharaonique, en Grèce et dans l'empire romain : ainsi Gallien, médecin de l'empereur Marc Aurèle (161-180) indique  que la décoction de saule est bénéfique pour faire tomber la fièvre, diminuer la douleur et calmer les rhumatismes : cette phase empirique témoigne d'un très ancien savoir transmis et affiné au fil des générations dont l'origine se perd dans la nuit des temps.

En 1763, les observations concernant l'utilisation de l'écorce de saule font l'objet d'un mémoire adressé par le révérend Edward Stones à la "Royal Society" de médecine de Londres. Ce rapport indique que le Révérend avait utilisé de l'écorce de saule réduite en poudre, l'avait administré à ses paroissiens souffrant de fièvres et constaté que la fièvre avait diminué.

Le mémoire du révérend Stones était corroboré par de multiples observations qui avaient été effectuées un peu partout sur les bénéfices des décoctions de feuilles de saule et des poudres d'écorce de saule pour le traitement des fièvres et des douleurs.

LA RECHERCHE DE LA SUBSTANCE ACTIVE
Cette époque est celle de la naissance de la chimie actuelle :
      . En 1787,  Lavoisier qui a en particulier étudié la composition de l'eau dont il appelle les composants « oxygène » et « hydrogène", exprime l'idée qu'il existe des éléments définis comme des substances simples qui ne peuvent être décomposées par aucune méthode connue d'analyse chimique, et conçoit une théorie de la formation des composés chimiques des éléments.
     . En 1787 est publié la "Méthode de nomenclature chimique" sous l'impulsion de savants autour de Lavoisier qui établit une liste de des éléments simples.
     . En 1789, William Higgins publie un travail sur ce qu'il appelle les combinaisons de particules « ultime », que l'on qualifie aujourd'hui de molécule et prévoit des liens entre ces particules qui annoncent  le concept de la liaison de valence.

C'est dans le cadre de cette chimie naissante, mais aussi dans celui des concepts platoniciens visant à rechercher l'essence des choses au delà des apparences, que se produit la phase suivante : on tenta de rechercher dans l'écorce de saule la substance simple qui en constituait le principe actif agissant.

On peut prendre comme exemple le procédé mis en œuvre par le pharmacien Leroux en 1829 :
   . il fit sécher l'écorce, la concassa et la réduit en poudre avant de la faire bouillir et de filtrer le résidu avec du sel de plomb afin d'éliminer les impuretés.
   . Après avoir plusieurs fois fait bouillir puis filtrer puis évaporer la substance, il obtint des cristaux blancs qu'il nomma SALICINE. (du nom latin du saule, salix)
   . Dans cette élaboration, Leroux utilisa 500 grammes de feuilles de saule pour n'obtenir que 30 grammes de SALICINE. la substance se révéla active.

Pour augmenter l'efficacité du produit, d'autres expériences furent réalisées: ainsi, en 1837, un autre pharmacien nomme Piria fit fondre de la potasse caustique dans une bassine, y ajouta de la SALICINE et y fit passer un flux de gaz carbonique ; quand la masse fut refroidie, il ajouta de l'eau et de l'acide chlorhydrique, il se forma un précipité blanc qu'on appela ACIDE SALICYLIQUE. (1)

A remarquer que ce produit fabriqué chimiquement se trouvait aussi à l'état naturel dans la nature

Il va de soi que la reconnaissance de ces substances ne pouvait s'effectuer par une analyse chimique, la chimie organique ne sera véritablement connue que dans la deuxième moitié du 19ème siècle, il fallait se contenter de méthodes empiriques, aspect du précipité, odeur, réaction à divers produits...

Les cristaux ainsi obtenus étaient beaucoup plus efficaces que la SALICINE pour faire baisser la fièvre et calmer les douleurs rhumatismales mais ils étaient si agressifs pour l'estomac qu'ils occasionnaient des maux particulièrement difficiles à supporter.

LA PHASE DE SYNTHÈSE
À partir de 1850-60, les connaissances en chimie organique se développent et elles permirent de pallier à un autre problème, celui de la matière première : la quantité d' écorce de saule mise à disposition des pharmaciens était limitée et donc entravait la production de l'acide salicylique.

Le chimiste allemand Hermann Kolbe réussit en 1860 à créer de l'acide salicylique en faisant passer du gaz carbonique dans du goudron de houille (actuel phénol) et de la soude, il obtint de l'acide salicylique ; ce procédé peu coûteux permit de passer des préparations effectuées dans les pharmacies à une production industrielle en usine dans la deuxième moitié du 19ème siècle. En conséquence, l'usage d'écorce de saule fut abandonnée au profit de la réaction chimique au phénol.

Il restait une dernière action à accomplir, celle de la limitation des effets secondaires au niveau de l'estomac, c'est un chimiste allemand Félix Hoffmann qui travaillait pour la firme Bayer qui, en 1887, modifia la molécule d'acide salicylique au moyen "d'anhydride éthanoique" en créant une substance appelée ACIDE ACETYSALICYLIQUE qui fut commercialisée sous le nom d'ASPIRINE. (2)

Ainsi apparaît un premier type de mise en oeuvre de principe actif : 
   . À partir du constat que tel produit naturel peut soigner les malades, on recherche le principe actif contenu dans ce produit. 
   . On cherche à créer synthétiquement ce principe actif en combinant des composés chimiques qui permettent de se passer du produit naturel


(2) L'acide acétylsalicylique fut en réalité découvert par un chimiste strasbourgeois Gerhardt mais sans qu'il l'utilise à titre médicamenteux

ANNEXE
La structure des molécules de l'acide salicylique et de l'acide acétylsalicylique-aspirine ainsi que la réaction chimique des procédés de Kolbe et de Hoffmann

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